Le judaïsme aborde le sujet du deuil d’une façon admirable en l’inscrivant dans un cadre très structuré; il y a trois étapes, qui, si la personne affligée les suit scrupuleusement, soulageront son sentiment de perte tragique et sa douleur et la ramèneront peu à peu dans le monde.
Une     personne en deuil racontait que, pendant qu’elle franchissait ces   phases, elle se sentait comme dans un cocon. Au début, elle avait l’impression   d’être engourdie et de n’être pratiquement pas vivante,   puis graduellement, elle émergea comme le papillon, prête de nouveau à s’envoler.
La perte est définitive mais la cicatrisation des lésions psychologiques, émotionnelles   et spirituelles qui se produit à chaque étape, est nécessaire   et salutaire.
Les sujets traités     sont les suivants:
• Première étape: Chiva (les 7 jours) 
Etre en Chiva
Aménagement de la maison de la Chiva
Après l’enterrement
Durée de la Chiva
Visite de Chiva
Offices religieux
Comment sortir de la maison de la Chiva
La Chiva de trois jours
Se lever de la Chiva
• Deuxième étape: Chlochim (les 30 jours)
• Troisième étape: le deuil d’un                 an
• Remémorations annuelles:           Yizkor 
• Yartseit (l’anniversaire du décès) 
• Inauguration de la pierre tombale
• Visite du   cimetière
• Chagrin et deuil
Première étape: Chiva
Après les obsèques, les proches parents du défunt s’assemblent   dans un même endroit appelé “maison de la Chiva” pour   y observer, pendant sept jours, le deuil et ce, d’une manière   très intense. Chiva vient du mot hébreu chéva signifiant   sept. Cette semaine est pour les personnes affligées une période   où s’opère la guérison de leur plaies émotives   et spirituelles; elles sont assises sur des sièges bas et habitent ensemble.   Des amis leur font de courtes visites pour les réconforter.
Le respect de la Chiva incombe aux personnes qui ont perdu     un père,   une mère, un conjoint, un frère, une sœur ou un enfant.   Un autre être cher qui décéderait serait pleuré mais   sans observance de la Chiva.
Normalement, tous les proches en deuil font Chiva dans la demeure     du défunt,   car il est dit: “Là où une personne a vécu, son   esprit continue à y habiter”. Ainsi, la présence de la   personne décédée est des plus forte dans sa propre maison.   Mais on peut observer la Chiva n’importe où et plus particulièrement,   dans la maison d’une des personnes les proches du défunt parce   qu’elle sera remplie de l’esprit du mort. Du fait de la proximité qui   existait entre le défunt et la personne qui le pleure, il sera facile   d’évoquer des souvenirs et on sait que le réconfort vient   en grande partie de ce partage de souvenirs.
Il vaut mieux que toutes les personnes en deuil habitent dans     la maison de la Chiva. Si ce n’est pas possible, un endroit sera désigné comme   endroit de la Chiva et ceux qui ne peuvent y dormir, le quitteront le soir   et y reviendront le matin.
Les personnes en deuil ne doivent, en principe, quitter à aucun moment   la maison de la Chiva. On doit veiller à leur apporter tout ce dont   elles ont besoin et à les décharger des obligations qu’elles   auraient contractées à l’extérieur. En effet, pour   paraître en public, elles devraient se montrer avec un visage “avenant”,   ce qui ne serait pas convenable dans ces circonstances. L’aide empressée   apportée par la famille, les amis, les voisins prenant soin de tous   leurs besoins créent tout autour des personnes affligées une   atmosphère d’amour, d’affection et de bonté. Cela   contribue à apaiser la peine qu’elles éprouvent si profondément.
Sauf exception, la personne en deuil s’abstient d’aller au travail   pendant la semaine de la Chiva. Consultez votre rabbin en cas de problèmes   pécuniaires. La Chiva est en effet un moment de profonde réflexion   personnelle, où l’on assume le sentiment de perte et la souffrance   et où l’on jette un regard sur la vie dans sa perspective spirituelle   intérieure. Le travail qui distrait nos pensées et nos sentiments   doit donc être évité.
 
Etre en Chiva
 
Depuis le décès jusqu’aux funérailles, toute l’attention   et tous les égards sont portés sur le disparu et sur les disposition à prendre   en vue de l’inhumation. Les soins dispensés au défunt avant   sa mise en terre, l’éloge funèbre, l’enterrement   lui-même- tout est fait pour honorer le mort et non pour apaiser les   personnes affligées.
Cependant, dès que la Chiva commence, l’attention est focalisée   sur les proches du défunt. Ceux-ci vont connaître une semaine   de souffrance extrême et la communauté est là pour leur   exprimer sa tendresse, les consoler et prendre en charge leurs besoins. Tout   en éprouvant une peine à déchirer le cœur, et en   dépit de cela, l’entourage se doit d’aider et de soulager   ceux qui ont subi cette si grande perte.
On est perplexe quant à la façon d’observer la Chiva et   de rendre visite aux personnes qui sont en Chiva. Parce qu’on ne sait   pas et que de parler de la mort rend nerveux et maladroit, la maison de la   Chiva se transforme en une réunion mondaine de gens qui bavardent fébrilement,   au lieu d’être un endroit propice au deuil.
Les règles de la Chiva ont pour but de permettre à chaque personne   de se concentrer sur sa propre spiritualité. Nous ressentons un malaise   physique total car toutes nos pensées sont dirigées vers l’âme   du défunt. Nous accordons à notre corps une moindre importance   en nous dispensant de le dorloter; de la sorte, nous rappelons-nous que ce   que nous regrettons actuellement n’est pas la personne physique mais   l’essence même de ce qu’elle fut avant de mourir, c’est-à-dire,   bien entendu, son âme.
Toute notre pensée se concentre pendant cette semaine sur: je suis   une âme, mon cher disparu est une âme.
 
Aménagement de la maison de la Chiva
 
Les objets qui doivent être préparés pour   la Chiva sont les suivants:
Bougie commémorative : L’âme d’une personne est comparée à une   flamme, car chaque être humain apporte de la lumière au monde.   De la même manière qu’une bougie peut allumer d’autre   flammes et garder toute son intensité, ainsi l’homme peut donner   de soi-même, influencer la vie d’autrui et rester néanmoins   intact.
La mèche de la bougie et la flamme sont comparées également   au corps et à l’âme ainsi qu’au lien solide qui unit   ceux-ci. Comme l’âme cherche à s’élever vers   ce qui est bon et juste, la flamme aussi monte en brûlant vers le ciel.
Par conséquent, une bougie est allumée dans la maison de la   Chiva et va y brûler jour et nuit pendant toute la semaine. En la contemplant,   songez que l’âme de votre être bien-aimé, qui vient   de disparaître, est éternelle. Cette pensée peut vous aider à apporter   de la lumière dans l’obscurité où vous êtes   plongé actuellement.
Chaises : Les personnes observant la Chiva doivent s’asseoir près   du sol en signe de deuil. Des sièges bas sont souvent disposés;   il est possible aussi de retirer les coussins se trouvant sur les canapés.ou   les fauteuils. Certains ont la coutume de s’asseoir à même   le sol. Ceci est le symbole de la solitude et de la dépression que la   personne en deuil éprouve.
Des chaises normales doivent être placées en face     des personnes affligées pour permettre aux visiteurs de s’asseoir     près     d’eux et de leur procurer le réconfort moral. (voir paragraphe “Visite     de Chiva”)
Miroirs : Il est indiqué de recouvrir les miroirs (avec des housses   ou avec un produit à pulvériser) dans la maison de la Chiva pour   les raisons suivantes:
•         Pendant la Chiva, la personne affligée tâche d’ignorer son     apparence physique et toutes les futilités afin de se concentrer sur     l’essentiel qui est son âme.
•         Au moyen du miroir, on cherche à se mettre en valeur physiquement afin     d’acquérir l’approbation sociale; le Juif en deuil est seul,     silencieux, arrêtant sa pensée sur la perte qui lui toute personnelle.     En voilant les miroirs, on symbolise son éloignement des regards de     la société.
•         Les prières sont généralement faites dans la maison de     la Chiva. On ne peut pas prier devant un miroir car on doit pouvoir porter     ses pensées vers D.ieu et non vers nous-mêmes.
•         Les relations conjugales sont interdites pendant la semaine de deuil. Par conséquent, il n’y aucun besoin de soigner son aspect physique.
Chaussures : La personne en deuil doit être déchaussée   ou porter soit des pantoufles soit des chaussures qui ne soient pas en cuir.   Là aussi, cela symbolise le détachement vis-à-vis des   frivolités et du confort matériel.
Une personne en deuil doit aussi éviter:
• De prendre un bain ou une douche pour le plaisir (permis à titre   de propreté)
•    De mettre du maquillage, des crèmes de beauté et des parfums
• De se faire couper les cheveux et de se raser la barbe (pendant les 30 premiers jours)
• De se couper les ongles 
•    De porter des vêtements nettoyés récemment pour le plaisir   (permis à titre de propreté)
• De mettre de nouveaux habits
•    D’avoir des relations conjugales
 
Après l’enterrement
 
Immédiatement après être sortis du cimetière et   avant d’entrer dans la maison de la Chiva, les personnes en deuil et   tous ceux qui ont assisté à l’enterrement procèdent à l’ablution   des mains.
Quand on a été en contact avec la mort, il est indiqué de   verser alternativement trois fois de l’eau sur chaque main. L’eau étant   la source de la vie, ce geste acquiert un caractère spirituel.
Dès qu’elles entrent dans la maison de la Chiva, les personnes   en deuil s’asseoient (sur des sièges bas) pour consommer le “repas   de condoléances”. Les voisins ou la communauté se doivent   de procurer ce repas afin de montrer aux personnes affligées combien   est fort le désir de ceux qui les entourent de les réconforter.
Une autre raison psychologique plus profonde est attachée à cet   acte; les personnes qui viennent d’enterrer un être cher et sont   encore sous le coup de ce choc émotionnel, pourraient être habitées   par un sentiment de mort à l’égard d’elles-mêmes   et ne plus vouloir vivre sans lui. La nourriture qu’elles doivent prendre,   répond à cette sensation et leur dit: “Non, vous devez   vivre et exister”.
Le premier repas est consommé silencieusement et inclut     les mets suivants:
•         Du pain : considéré comme essentiel pour la vie
•         Des œufs durs : ronds comme le cycle de la vie
•         Des légumes cuits et/ou des lentilles (rondes également)
•    Du thé ou du café
Il est bon que tous les autres repas pendant la Chiva soient également   préparés et envoyés par l’entourage. Les personnes   en deuil mangent toujours assis sur des chaises basses.
 
Durée de la Chiva
 
Les sept jours de Chiva commencent tout de suite après les obsèques.   Ainsi, le premier jour de la Chiva est le jour de l’enterrement. Si les   funérailles avaient eu lieu le mardi, le dernier jour de la Chiva serait   le lundi suivant. Si une fête juive (par exemple Roch HaChana) tombe   pendant cette période, la Chiva se termine l’après-midi   juste avant la fête. On considère que le deuil a duré sept   jours, bien qu’il ait été écourté.
Si une personne décède pendant une fête ou le chabbat,   l’enterrement a lieu le jour suivant et la Chiva commencera alors.
Quand Chabbat tombe pendant la semaine de Chiva, il est compté comme   un des sept jours mais on ne porte pas le deuil publiquement. Ceci veut dire   qu’on abroge momentanément tous les signes extérieurs d’affliction   (recouvrement des miroirs, s’asseoir sur des sièges bas, pas de   maquillage, vêtements de deuil, etc...), parce que la joie du Chabbat   annule même un deuil public. Cette suspension commence avant le début   du Chabbat afin de donner le temps aux personnes en deuil de bien se préparer   (douche, habillement…). Le Chabbat, les personnes en Chiva observent   le deuil dans leur cœur. Le samedi soir, la Chiva reprend.
 
Visite de Chiva
 
La visite faite aux gens en Chiva a pour but de soulager leur     chagrin qui est à ce moment-là à son point culminant. On a l’usage   d’entrer silencieusement dans la maison de la Chiva après avoir   frappé un faible coup à la porte pour ne pas faire tressaillir   les occupants. On n’accueille pas les visiteurs; ceux-ci pénètrent   librement.
On ne met à leur disposition ni aliments ni boissons; en effet, les   personnes en deuil ne sont pas des hôtes; elles ne saluent pas non plus   les visiteurs, ni ne se lèvent en leur honneur ni ne les raccompagnent   quand ils partent.
Quand on vient réconforter une personne affligée, on ne devrait   pas la saluer; le mieux est de s’approcher silencieusement et de s’asseoir   près d’elle. Attendez son signal; si elle a envie de parler, laissez-la   commencer. Alors vous pouvez lui parler. Mais quoi dire? Laissez-la guider   la conversation. Il est préférable de parler du défunt,   surtout si vous avez vous-même des histoires ou des souvenirs le concernant à lui   faire partager.
Cependant, il ne faut pas la distraire de son deuil. Par crainte,     nous avons souvent tendance à bafouiller toutes sortes d’inepties   car nous ne savons pas quoi dire.
La plupart du temps, il vaut mieux ne rien dire. Une visite     de Chiva peut être   quelquefois complètement silencieuse si les personnes en deuil n’éprouvent   pas le besoin de causer. Votre but n’est pas de les faire parler mais   de les consoler. Votre seule présence suffit; assis près d’eux   silencieusement, vous leur dites plus que des paroles ne pourraient le faire.   Et le message transmis est: “Je suis ici pour vous; je ressens votre   peine; je n’ai pas de mots assez fort pour l’exprimer”.
Et en effet, dans quelques cas, il n’y en a pas. Ainsi voilà ce   qu’il ne faut pas dire:
“Comment allez-vous? (Elles ne vont pas si bien)
“Je sais ce que vous ressentez” (Non, vous ne savez pas. Chacun   perçoit la perte d’un proche d’une manière différente)
“Au moins, elle a vécu une longue vie” (Plus longue aurait été mieux)
“Heureusement que vous avez d’autres enfants” ou “Remettez-vous,   vous en aurez d’autres” (La perte d’un enfant, quelque soit   son âge, est un coup terrible dont il est très difficile de se   remettre)
“Courage, dans quelques mois vous rencontrerez quelqu’un de nouveau” (Il   ou elle vient de perdre l’autre moitié de son âme)
“Parlons de choses réjouissantes » (Peut-être   plus tard)
Consoler une personne en deuil, ce n’est pas la distraire. Ne passez   pas votre temps à lui tenir des propos joyeux ou à l’entretenir   de sujets vides comme la politique ou les affaires. Rappelez-vous que, seulement,   le fait de parler du disparu bien-aimé peut la consoler. C’est   bien si elle pleure; elle est malheureuse. Le but est qu’elle réussisse à dominer   sa peine. C’est justement une des parties importantes de ce processus.
Une personne qui avait perdu sa mère avait affiché la note suivante à l’entrée   de sa maison:
“Dans une maison juive en deuil” - Chaque culture a sa manière   unique d’aborder la mort et la période de deuil qui la suit. Nous   demandons à nos visiteurs de créer l’atmosphère   s’accordant à nos valeurs juives. Les conversations doivent porter   sur notre mère et le regret qu’elle nous laisse. Aucun effort   ne doit être fait pour la décrire autrement qu’elle n’était   car cela offenserait sa mémoire. Il nous serait pénible et inopportun   en ces moments-là d’essayer de nous distraire de nos pensées   relatives à la perte que nous éprouvons ou de nous empêcher   d’en parler.
Merci
De la part de la famille
Cet avis peut servir de guide à toute personne se trouvant dans la   même situation. Les visiteurs, qui lisent ce message en pénétrant   dans la maison de la Chiva, savent comment se comporter et ce qu’il est   approprié de dire. En retour, l’atmosphère ainsi créée   aide les personnes en deuil.
 
Offices religieux
 
Pendant la semaine de deuil, les prières sont faites dans la maison   de la Chiva et pas à la synagogue. De cette façon, les personnes   affligées peuvent y vivre complètement l’épreuve   de deuil sans avoir besoin de sortir, et par là d’être obligées   de s’habiller spécialement et de prendre l’attitude que   l’on doit avoir en public. Aussi, les offices religieux viennent à eux.
Il est bien de tenir les offices religieux dans la maison même; le caractère   en est des plus poignant car c‘est le centre de la vie juive. Les valeurs   y sont transmises. La famille y célèbre ses fêtes et en   partage les joies. De même, s’y rassemble-t-elle pour s’associer   aux peines et aux décès. C’est là que le judaïsme   vit.
L’office de Cha’harit se tient tôt le matin afin de permettre   aux gens extérieurs de vaquer ensuite à leurs occupations. De   même, Min’ha et Aravit se font en fin de journée quand les   gens reviennent de leur travail. Entre ces deux prières, il est opportun   de dire quelques paroles de Torah en mémoire du défunt. Venir   rendre visite pendant les offices est particulièrement adéquat   car cela permet d’avoir le minyan (dix personnes) pour les prières   et pour le kaddich que doivent dire les hommes en deuil.
Comment sortir de la maison de Chiva
Même si aucun mot n’a été échangé pendant   la visite de Chiva, le visiteur prononce, avant de partir, une formulation   de consolation aux personnes en deuil; cela peut se dire en hébreu ou   en français:
HaMakom yena’hem et’hem béto’h cha’ar avèlé Tsion   véYérouchalaïm
Puisse l’Omniprésent vous consoler parmi les personnes en deuil   de Sion et de Jérusalem
D.ieu est nommé HaMakom, littéralement “L’Endroit”.   De la sorte, vous lui dites que D.ieu est partout, que nous existons en Lui,   dans ce monde et dans le monde futur. Un lien existe encore entre vous et le   défunt, car vous êtes ensemble à l’intérieur   du Makom.
“Parmi les personnes en deuil”, c’est le peuple juif qui   forme une seule famille; nous sommes plus au moins proches mais pleurons tous   la perte de l’un d’entre nous.
“De Sion et de Jérusalem” rappelle notre deuil collectif   que nous portons pour la destruction du Temple de Jérusalem il y a 2000   ans par les Romains; c’est là que les Juifs faisaient converger   leur relation privilégiée qu’ils avaient avec D.ieu.
La personne en deuil ne doit ni faire un signe de la tête ni répondre “Amen”;   vous sortez alors doucement en vous assurant qu’il ne vous raccompagne   pas.
Faire une visite de Chiva peut sembler de prime abord embarrassant.     Vous serez peut-être amené à effectuer quelques changements dans votre   comportement si les personnes en deuil ne sont pas au courant de nos traditions.   Ceux-ci pourront éventuellement trouver bizarre que vous entriez sans   dire un mot; dans ce cas-là, évidemment, vous devez parler et   présenter vos condoléances.
Il m’est arrivé cependant de rendre visite à une personne   en deuil qui n’était pas pratiquante. Je suis entrée, me   suis assise à côté d’elle, lui ai pris la main et   n’ai rien dit. Elle s’est mise à pleurer et m’a dit: “Il   n’y a aucun mot”. “Je sais” ai-je répondu. Et   regardons les choses en face, il n’y en a vraiment pas!
 
La Chiva de trois jours
 
Dans la tradition juive, il n’y a absolument pas de notion de Chiva   de trois jours. En fait, le mot Chiva est de la même racine que le mot   hébreu signifiant “sept”. Ce chiffre est très important   dans le Judaïsme car il représente le concept d’achèvement   dans ce monde, comme l’on été les sept jours de la création.
Certains ont tendance, par erreur, à penser qu’en fixant la Chiva à trois   jours, le deuil sera, d’une façon ou d’une autre, plus facile à observer   car “il traînera moins”. Il est vrai que, si une Chiva se   transforme, par ignorance, en une série de réunions mondaines,   qui est en mesure, après avoir subi une perte si écrasante, de   supporter cela pendant sept jours?
Une de mes étudiantes avait perdu sa mère; on lui avait dit   de faire Chiva pendant trois jours. J’avais l’intention de la convaincre   de faire autrement mais cela me parut difficile en ce moment-là. Je   suis allée lui rendre visite; si je n’avais pas su que quelqu’un était   mort, j’aurais pu penser assister à un cocktail, où l’on   mange, boit et rit à volonté. J’ai retrouvé mon élève   dans la cuisine, donnant des ordres aux domestiques. Je l’ai prise par   la main, l’ai fait asseoir et lui ai parlé de sa mère et   au sujet de l’âme et de la vie future.
Je lui ai dit qu’elle n’aurait pas dû faire cela - cette   nourriture, ces boissons, cette fête. Elle m’a répondu: “Je   sais mais tout le monde veut que je le fasse”.
Je lui ai fait remarquer qu’une Chiva doit durer vraiment sept jours   mais elle m’a répondu: “Qui voudrait endurer cela pendant   sept jours? Je voudrais déjà qu’on me laisse seule. Ma   mère est morte!”
Quelques semaines plus tard, elle m’a appelée pour me dire que,   même s’il n’y avait pas eu cette “ambiance de fête”,   cela avait été une erreur de n’avoir observé la   Chiva que pendant trois jours. A l’issue des trois jours, a-t-elle ajouté,   les gens étaient partis, son mari était retourné au travail   et tout le monde s’attendait à ce qu’elle reprenne une vie   normale. “Mais”, m’a-t-elle dit en sanglotant, “je   n’ai pas pu pleurer ma mère”.
Si on regarde bien les choses, chacun des sept jours est important.     Ce ne sont pas des journées faciles car la Chiva nécessite un investissement   physique et émotionnel. Mais cette période est décisive à la   fois pour la personne en deuil et pour l’âme du défunt qui   se trouve dans l’autre monde. En observant la Chiva, on honore le disparu   et grâce à ce mérite, son âme s’élève.   Si une partie de la famille veut faire la Chiva seulement pendant trois jours,   ne protestez pas. Simplement, quand eux ont fini, retournez chez vous et continuez   jusqu’au septième jour. Evitez de le faire savoir publiquement   afin de ménager leurs sentiments.
 
Se lever de la Chiva
 
Bien que le septième et dernier jour de la Chiva ne soit observé que   durant quelques heures, il est cependant considéré comme une   journée entière. Après l’office de Cha’harit,   les personnes en deuil s’assoient de nouveau sur des sièges bas,   mais pour un court moment. Puis les visiteurs, venus les consoler, leur disent: “levez-vous” et   ajoutent:
Ton soleil n’aura jamais de coucher, ta lune jamais d’éclipse;   car l’Eternel sera pour toi une lumière inextinguible, et c’en   sera fini de tes jours de deuil. (Isaïe 60,20)
Comme un fils que sa mère console, ainsi vous consolerai-je; et c’est   dans Jérusalem que vous trouverez votre consolation. (Isaïe 66,13)
Le signe de la fin de la Chiva est lorsque les personnes en     deuil sortent publiquement dans la rue et font quelques pas accompagnées par les visiteurs   venus les réconforter.
La maison, où elles ont vécu sept jours, était devenue   la maison de deuil. Comme telle, celle-ci avait pris un caractère de   gravité; elle s’était emplie de souvenirs et n’avait été consacrée   qu’à la contemplation et à la méditation. Mais ce   sont les mêmes personnes qui vont continuer à l’habiter.   L’acte concret d’en sortir, d’en faire le tour et d’y   rentrer, veut dire que leurs relations envers cette maison vont être   désormais renouvelées.
Deuxième étape: chlochim
Les trente jours qui suivent l’enterrement (y compris la Chiva) sont   appelés Chlochim, du mot hébreu signifiant “trente”.
Dès la fin de la Chiva, la plupart des limitations imposées   aux personnes en deuil pendant ces sept jours sont levées. Elles peuvent   sortir et aller travailler. Cependant, durant vingt-trois jours, elles doivent   limiter rigoureusement leur participation à des obligations mondaines   et éviter bien entendu les festivités où l’on joue   de la musique. Les hommes ne doivent pas se raser ou se couper les cheveux.
On est encore en deuil mais les lois de la période de Chlochim permettent   la réintégration progressive dans la vie de tous les jours. Mais   pour les personnes en deuil, il ne serait pas sain qu’elles sortent de   la Chiva pour immédiatement se précipiter de nouveau dans la   routine. Elles sont toujours en deuil, même si l’intense douleur   est devenue presque supportable. Elles auront des moments de profonde tristesse   et de nostalgie; les quelques restrictions qui leur restent leur rappellent,   ainsi qu’à leur entourage, que c’est un processus qui est   loin d’être terminé.
A l’issue des Chlochim, si les personnes ont été en deuil   pour un proche qui n’est ni son père ni sa mère, le deuil   est alors officiellement fini. Le Kaddich n’a plus besoin d’être   dit et elles peuvent reprendre leurs activités normales.
Pourquoi 30 jours? Le calendrier juif est basé sur le cycle lunaire   de 30 jours. De la même manière que la lune croît et décline   pendant cette période, le deuil de 30 jours est l’occasion pour   les personnes affligées de passer par un cycle complet d’émotions.   Au début, il y a les obsèques et les premiers jours de la Chiva;   on ne voit pas la moindre lueur. Puis lentement, la lumière apparaît   de nouveau, de plus en plus intense. Les 30 jours représentent une période   essentielle où l’on recommence et où l’on apprend à se   confronter avec une nouvelle réalité.
Certainement, les personnes en deuil souffrent encore de la     perte subie mais le Judaïsme admet que, dans une certaine mesure, le temps est capable   d’adoucir et de guérir la peine. Le retour au quotidien aide à la   guérison. La Chiva fut la période la plus terrible, les Chlochim   furent très durs. Maintenant, elles vont entamer une étape difficile   mais au bout du compte, cela ira de mieux en mieux.
Troisième étape: le deuil d’un an
Seule une personne qui a perdu son père ou sa mère reste en   deuil après les Chlochim, et ceci pendant 12 mois à partir du   jour du décès. Quelle en est la raison?
C’est en fonction de notre lien psychologique et spirituel avec nos   parents que nous nous définissons essentiellement en tant que personnes.   Par conséquent, quand ils disparaissent, nous avons besoin d’une   plus longue période de réadaptation.
Durant cette période, nous sommes habités par un profond sentiment   de gratitude pour tout ce qu’ils nous ont donné et tout ce qu’ils   ont fait. Quand nous étions enfants, nous évoluions en “mode   prendre” alors que nos parents étaient presque toujours en “mode   donner”. C’est difficile de dire merci quand on trouve normal de   prendre. C’est pourquoi, maintenant, nous sommes à même   de reconnaître le bien que nos parents ont tenté désespérément   de nous faire et ce, de la meilleure façon qu’ils le pouvaient.
Les parents incarnent aussi des valeurs et des idéaux. Ils sont pour   nous les représentants de D.ieu sur la terre. Ils essaient de nous communiquer, à leur   façon, des outils essentiels pour vivre. En prolongeant la période   de deuil, nous marquons ainsi que la perte de telles relations entraîne   des répercussions spirituelles profondes.
Après les Chlochim, la vie reprend peu à peu son cours normal.   Les obligations mondaines sont permises mais les divertissements et les amusements,   spécialement quand il y a de la musique, sont prohibés. On peut   se consacrer activement à ses occupations professionnelles. Après   douze mois, le deuil est considéré comme terminé.
Remémorations annuelles: Yizkor
Yizkor signifie “Remémoration”; c’est une prière   qui est prononcée à la synagogue lors de certaines fêtes:
• Yom Kipour
•    Le dernier jour de Pessa’h
•    A Chavouot (le deuxième jour en dehors d’Israël)
•    Chmini Atseret (Après Souccot)
Ces fêtes qui rassemblent le peuple juif sont pour nous l’occasion   de nous souvenir. Nous réalisons que nous ne sommes là que comme   Juifs; et ce, grâce à ceux qui sont venus avant nous car, quelquefois,   ils ont dû prendre la décision de rester juifs en dépit   des persécutions et du risque de mourir. Yizkor nous relie aux générations   du passé ainsi qu’aux êtres chers que nous avons perdus.
Dans certaines synagogues, en plus du Yizkor dit par chacun     en souvenir d’un   proche disparu, un Yizkor pour les les Juifs qui ont péri pendant la   Choah et les soldats morts au combat pour l’Etat d’Israël   est récité par la communauté.
L’après-midi précédant ces fêtes, il est   bien d’allumer chez soi une bougie de Yartseit (brûlant vingt-quatre   heures) en mémoire du défunt.
Le jour de Yizkor, au cours de l’office du matin, on demande aux personnes   qui n’ont jamais été en deuil de sortir. Ne restent que   les personnes qui ont été en Chiva dans le passé.
Nous récitons des prières en hommage aux êtres que nous   avons perdus et demandons que D.ieu les crédite de nouveaux mérites   en raison de l’influence qu’a leur souvenir sur notre ferveur et   notre générosité.
Après la fête, n’oubliez pas de donner la Tsedaka, la charité,   en souvenir des défunts.
Yartseit (l’anniversaire du décès)
Chaque année, on doit commémorer, selon le calendrier juif,   l’anniversaire du décès de l’être cher qu’on   a perdu. En cas de doute sur le jour exact, consultez une autorité rabbinique.   On a l’habitude d’accomplir les choses suivantes:
• Allumer chez soi une bougie de Yartseit la veille à la tombée   de la nuit, car le jour juif commence le soir 
•    Donner la Tsedaka à la mémoire du défunt
•    Etudier la Torah ce jour-là ou dédier un cours en son souvenir
•    Réciter le Kaddich. Si vous ne pouvez le faire, arrangez-vous pour que   quelqu’un le dise à votre place. Contactez une synagogue ou une   yéchiva si vous avez besoin d’aide.
•    Offrir un kiddouch à la synagogue ce jour ou le chabbat tombant à la   fin de la même semaine
•    Jeûner depuis le lever du soleil jusqu’au soir (sauf les jours   où il est interdit de jeûner - consultez pour cela un rabbin)
Il faut noter que le Judaïsme n’accorde pas la même importance   aux anniversaires; ainsi, le jour de la naissance d’une personne décédée   n’est pas célébré mais par contre, sa date de décès   est commémorée consciencieusement.
Le Talmud compare cela à un bateau. Comme c’est curieux que nous   fêtions son départ, si en fin de compte, arrivé à sa   destination, rien n’a été fait. Il y a donc une autre façon   de considérer les choses.
Bien que le jour de notre naissance contienne en puissance     ce que sera notre vie, c’est le jour de la mort qui indique ce que nous sommes réellement   devenus. Notre valeur est alors jaugée en fonction de ce que nous avons   pu réaliser par rapport à ce que nous aurions dû accomplir.   Avons-nous utilisé le temps au mieux de nos capacités?
Quand un être cher disparaît et retourne vers D.ieu, vers son ”port   d’attache”, nous regrettons qu’il ne soit plus avec nous;   cependant, nous nous rappelons ce qu’il a pu accomplir dans sa vie. La   commémoration annuelle du Yartseit est pour nous un moment de tristesse   mais aussi l’occasion de louer ses mérites et la vie qu’il   a vécue.
Inauguration de la pierre tombale
 
En posant la pierre tombale, on honore le corps qui a abrité l’âme.   On ne le fait jamais au moment de l’enterrement. La tradition juive est   plutôt d’ériger la dalle funéraire le plus tard possible.   Certains procèdent à l’édification tout de suite   après la Chiva, d’autres le font pendant l’année.
La cérémonie, appelée en hébreu Hakamat Matseiva   (édification du monument) consiste à enlever le voile qui couvre   la stèle. Ceci est accompli par les personnes en deuil en présence   des proches de la famille.
La cérémonie est en général courte. On récite   des Psaumes et on parle du défunt. Les propos suivants peuvent être évoqués   par les participants.
Le rocher, masse de pierre, se dit en hébreu Tsour. Ce mot est utilisé aussi   pour se référer à D.ieu. C’est le moment de nous   souvenir que D.ieu est le rocher sur lequel nous nous appuyons. Il est toujours   avec nous pour nous consoler dans les heures les plus sombres.
La pierre est aussi symbole d’éternité, comme la première   pierre d’un immeuble, posée lors de sa fondation et destinée à durer   indéfiniment. Qu’est-ce qui subsiste perpétuellement après   la disparition d’êtres chers? Ce sont leurs qualités qui   nous influencent au plus profond de nous. En dressant des pierres, nous nous   rappelons ce qu’ils ont bâti pendant leur vie, quelles actions   ils ont menées et quelle était leur personnalité. Nous   ne les oublierons jamais.
L’homme est créé BeTselem Elokim, à l’image   de D.ieu. Cette image n’est pas matérielle mais intérieure   et fondamentalement éternelle: c’est son âme.
Visite du cimetière
 
Bien qu’on puisse aller au cimetière n’importe quand une   fois que la pierre tombale a été posée, il y a cependant   des jours spéciaux de visite:
• Le septième jour après que les restrictions de la Chiva   ont été levées
•    Le trentième jour de deuil (Chlochim)
•    Après les douze mois de deuil
•    Le jour du Yartseit (anniversaire du décès) chaque année
• Le jour avant Roch Hachana
• Le jour avant Yom Kipour
Pourquoi ces jours précisément? Ce sont en effet des périodes   de réflexion où l’on se concentre sur les choses importantes   de la vie. Visiter la tombe d’un être cher provoque en nous un   désir d’épancher notre cœur et nous fait réaliser   combien nous avons besoin d’aide pour beaucoup d’aspects de notre   vie. Ce sont des périodes où nous implorons D.ieu et demandons à la   personne que nous avons perdue d’intercéder en notre faveur.
La coutume juive est de ne pas déposer de fleurs sur les tombes mais   d’y placer un simple caillou. Plutôt que de dépenser de   l’argent pour des bouquets, ce qui ne fait rien au défunt, il   vaut mieux faire un don en sa mémoire, ce qui va aider à élever   son âme.
Nous mettons un caillou sur la tombe pour marquer que nous     avons été là,   non pas afin que le disparu le sache, car son âme en avait déjà conscience   mais pour que nous le sachions. Nous sommes des êtres matériels   et avons besoin de gestes physiques qui expriment la réalité de   notre présence en ces lieux. Le caillou est notre “carte de visite”.   Les fleurs se fanent mais le simple petit caillou, symbole de l’éternité,   témoigne de notre vénération impérissable pour   la mémoire de notre bien-aimé. Nous restons liés jusqu’à la   fin des temps.
En procédant à de dignes obsèques, nous honorons ainsi   le corps du défunt qui a acquis de la sainteté en abritant une âme   et en la servant. De même, le cercueil doit être le plus simple   possible; les dépenses à but purement spirituel agiront réellement   sur l’âme du défunt.
Chagrin et deuil
Le deuil est une épreuve difficile; le Judaïsme va fournir à la   personne en deuil un cadre qui lui fera sentir au début combien il est   seul et séparé de la société puis, peu à peu,   le réintégrera dans le monde.
Le rav Samson Raphaël Hirsch écrit dans son livre “Horeb” que   les gens éprouvant du chagrin ont une impression physique de vide intérieur.   C’est l’état le plus douloureux car le besoin essentiel   de toute personne est d’avoir un sentiment de plénitude.
 
Les différentes étapes du deuil nous permettent de faire face   au sentiment de perte. Nous arrivons même à minimiser la profondeur   du vide laissé en nous.
Le temps cicatrise les     blessures; non pas parce que nous sommes occupés   et que les souvenirs s’estompent. Avec le temps revient l’objectivité.   Nous réalisons que la personne que nous sommes désormais s’est   faite grâce à l’être que nous avons perdu. Notre caractère,   les actes que nous faisons et les valeurs auxquelles nous croyons, le mérite   en est dû à cette âme si spéciale et au sentiment   de perte que nous venons de vivre.
Le corps qui est limité, meurt. Mais l’âme, l’essence   même de notre bien-aimé, est éternelle. Nos liens continuent à exister.   Cette réalité va progressivement combler, mais jamais complètement,   le vide qui a été laissé. Nous ne pourrons, en aucun cas,   appréhender ce que c’est l’éternité de l’âme.   Nous sommes des êtres humains, limités dans notre capacité de comprendre vraiment les voies de D.ieu et ce qu’est la vie future.
Puisse l’Omniprésent consoler tous les endeuillés de Sion et de Jérusalem
 
Traduction et adaptation     de Claude Krasetzki