RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS 
Le petit 
  Samuel Avinoam a perdu ses parents et toute sa famille dans un pogrom à 
  Cordoue. Des voisins arrivent à échapper au massacre et, ayant 
  sauvé le petit garçon, l'emmènent avec eux dans leur fuite 
  vers Malaga. Il les quitte à Grenade, où il a un oncle. Mais ce 
  dernier demeure introuvable. A la fin d'une journée angoissante et harassante, 
  le petit Samuel, rompu de fatigue et tenaillé par la faim, se réfugie 
  dans l'encoignure d'un portail. Aussitôt, les notes mélodieuses 
  d'une harpe lui parviennent. Il se souvient de sa mère qui jouait de 
  l'instrument avec autant de talent. Il s'imagine un instant qu'elle est revenue 
  à là vie pour lui faire entendre encore une fois la musique qu'il 
  aime. Pour le garçon, c'est un enchantement. Il grimpe et s'accroche 
  à la grille pour être plus près de la fenêtre d'où 
  viennent les sons mélodieux. A ce moment, un serviteur le prend par le 
  bras et l'emmène à l'intérieur de la maison. Il se trouve 
  en présence d'une vieille dame, Donna Ezra, à qui appartient cette 
  somptueuse demeure. Elle l'accueille avec douceur sous son toit, et promet de 
  le protéger, de s'occuper de lui, et même de lui apprendre à 
  jouer de la harpe. Le garçon est très doué pour cet instrument, 
  il devient rapidement un harpiste accompli. Ses progrès ne sont pas moindres 
  dans ses études hébraïques. Un jour, Donna Ezra meurt subitement. 
  Elle a légué sa superbe résidence à Samuel. D'avoir 
  un toit au-dessus de sa tête le rassure certes, mais sa douleur est si 
  profonde qu'il a le sentiment d'être devenu orphelin une seconde fois. 
  Il trouve un grand réconfort dans les études et la musique.
  En cette période de grande solitude, une nuit fort tard, Samuel jouait 
  de sa harpe, exhalant sa mélancolie et ses espoirs. La fenêtre 
  était ouverte, ses notes mélodieuses parvinrent aux oreilles d'un 
  autre venu à Grenade, de la même manière que cela était 
  arrivé au petit garçon quelques années auparavant.
 C'était un réfugié 
  de Cordoue, lui aussi ; il avait passé ces dernières années 
  à Malaga, exploitant un petit commerce d'épices. Mais, par un 
  étrange concours de circonstances, la Providence l'avait enlevé 
  à son commerce pour le conduire au palais d'Ibn Alarif, le Grand-Vizir 
  du roi Habous de Grenade.
Le réfugié juif de Cordoue, qui devait devenir plus tard l'un des plus grands hommes d'Etat israélites d'Espagne, le célèbre Rabbi Samuel Hanaguide, revenait cette nuit là d'une réunion secrète au palais du roi Habous.
 Le Vizir, frappé 
  de la profonde sagesse autant que de la vaste culture du marchand d'épices, 
  qui s'appelait Samuel ibn Naghrela, le nomma son Kativ (secrétaire). 
  Il l'emmena à Grenade afin qu'il l'aidât dans sa tâche fort 
  complexe de ministre.
 C'est ainsi que le réfugié 
  juif de Cordoue, qui devait devenir plus tard l'un des plus grands hommes d'Etat 
  israélites d'Espagne, le célèbre Rabbi Samuel Hanaguide, 
  revenait cette nuit là d'une réunion secrète au palais 
  du roi Habous. Il était fort soucieux. Le maître assez fantasque 
  de l'Empire arabe d'Espagne se trouvait depuis quelques jours dans un état 
  de grande nervosité. Son esclave favorite, Zouleima, la seule qui pût 
  le calmer en lui jouant de la harpe, avait disparu.
 Les ennemis des juifs avaient 
  fait courir le bruit que ces derniers l'avaient enlevée. Même Ibn 
  Alarif commençait à prêter foi à cette rumeur malveillante. 
  
Rabbi Samuel, lui, soupçonnait 
  le téméraire Badis, le prince héritier, le propre fils 
  du roi, d'être l'auteur de cet enlèvement. II avait sûrement 
  caché Zouleima afin de hâter la mort de son père. Certains 
  faits avaient confirmé Samuel dans ses soupçons cette nuit même. 
  
Mais la situation demeurait 
  grave. II était impossible de mettre le roi au courant du méfait 
  de son fils aîné. Il était préférable que 
  Habous oubliât l'esclave. Laissé à lui-même, certes, 
  il n'y arriverait pas ; il fallait donc l'y aider. Mais seul un harpiste de 
  plus grand talent qu'elle pourrait peut-être y réussir.
LA BERCEUSE 
  RÉVÉLATRICE
Rien d'étonnant donc 
  que, telle étant la situation, Rabbi Samuel, en entendant les notes émouvantes 
  de cette harpe dans la nuit, s'arrêtât. Avait-il enfin trouvé 
  la solution du problème qui le préoccupait? Son espoir se renforça 
  à la pensée que c'était la Providence qui l'avait poussé 
  à faire le trajet de l'Alhambra, le palais rouge du roi, jusque chez 
  lui à pied, alors que d'habitude il rentrait en voiture. Il avait marché 
  dans les rues de Grenade, absorbé par ses pensées, quand, soudain, 
  la musique du harpiste inconnu l'en tira.
Il frappa à la lourde 
  porte de la somptueuse maison et attendit longtemps. Un serviteur vint enfin 
  lui ouvrir. Rabbi Samuel Naghrela demanda si, malgré l'heure tardive, 
  il pouvait voir le harpiste. Le serviteur commença par refuser. Mais 
  devant l'insistance du Rabbin qui faisait de son mieux pour le persuader que 
  l'affaire était de première importance, il finit par céder. 
  
Rabbi Samuel Hanaguide pâlit. Seul un membre de la famille Naghrela pouvait connaître cette berceuse qui s'était transmise de mère à fille.
Le jeune Samuel était 
  si absorbé par son propre jeu qu'il ne vit ni n'entendit l'homme qui, 
  une fois dans le salon, avait pris place sans bruit dans un coin, les yeux rivés 
  sur le beau visage du musicien. Rabbi Samuel en était fasciné. 
  Il aurait juré avoir déjà vu précédemment 
  ces traits, mais, pour ainsi dire, d'une autre manière, ce qui le déroutait 
  complètement.
 A un moment, obéissant 
  à un caprice soudain, Samuel joua la berceuse avec laquelle sa mère 
  achevait chaque soir la séance de musique dont elle le régalait 
  avant qu'il allât se coucher. Dès qu'il entendit les premières 
  notes, Rabbi Samuel Hanaguide pâlit. Seul un membre de la famille Naghrela 
  pouvait connaître cette berceuse qui s'était transmise de mère 
  à fille à travers les générations. 
Soudain, le souvenir lui 
  revint, il sut ce que le visage du garçon lui rappelait. Incapable de 
  se dominer, il alla vers lui, le prit dans ses bras et s'exclama : " 
  Oh ! Tu es le fils de Rachel, ma cousine bien-aimée! Je remercie D.ieu 
  de m'avoir conservé la vie pour te voir ! "
Surpris, le jeune Samuel 
  regarda l'imposant étranger. Puis ses traits s'éclairèrent 
  : " Oncle Samuel! " cria-il au comble de l'émotion. 
  Il venait de reconnaître dans le visiteur inattendu le cousin de sa mère 
  et l'ancien compagnon d'études de son père.
LES VOIES 
  DE LA PROVIDENCE
  Rabbi Samuel Naghrela avait appris la fin tragique de sa cousine et de sa famille 
  ; mais il ne savait pas que son fils avait survécu au massacre. Il fut 
  profondément ému et de l'étrange coïncidence qui l'avait 
  amené là, et de la miséricordieuse Providence qui avait 
  protégé le jeune garçon dans le malheur.
Non seulement il abandonna toute idée de châtiment pour un crime qu'ils n'avaient jamais commis, mais aussi il offrit un asile à tous ceux qui en eurent besoin en ces temps si troublés.
" Continuez ! Jouez 
  encore! " cria le roi lorsque Samuel s'arrêta de jouer. Un moment 
  après, le roi rejoignait sen vizir et le secrétaire juif. L'expression 
  de souffrance qu'on s'était habitué à lire sur ses traits 
  avait disparu. Il n'y avait plus à sa place que celle paisible et bonne 
  qu'on lui avait toujours connue avant le drame. Il baisa le garçon sur 
  le front et lui dit : " Dorénavant, tu vivras avec moi au palais 
  et tu partageras tout ce que je possède ! "
Le roi fut très reconnaissant 
  au secrétaire de son vizir de lui avoir amené son jeune parent. 
  Le récit qu'il apprit ensuite de l'étrange circonstance qui les 
  avait fait se retrouver au cœur de la nuit l'émut profondément.
 Cela profita à tous 
  les juifs du royaume. Non seulement il abandonna toute idée de châtiment 
  pour un crime qu'ils n'avaient jamais commis, mais aussi il offrit un asile 
  à tous ceux qui en eurent besoin en ces temps si troublés.
 Le jeune Samuel allait 
  rendre visite chaque soir à son parent qui devint bientôt, à 
  la mort d'Ibn Alarif, le vizir du roi Habous. La sagesse avec laquelle il gouverna 
  le royaume de Grenade eut pour résultat une prospérité 
  jamais connue auparavant. 
A ses côtés, 
  était toujours Samuel Avinoam, dont la harpe et les sons qu'il savait 
  en tirer avaient épargné aux juifs un sort des plus tragiques.
Conversations avec les 
  jeunes.