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La responsabilité de l'actionnaire : Le judaïsme jette-t-il sur elle un voile ?

Beaucoup de questions éthiques se posent, à propos des activités des sociétés par actions et de leurs responsabilités, en raison de l'existence d'un cloisonnement étanche, consacré par presque toutes les législations, entre la personne morale et les actionnaires individuels.

Cette séparation apparaît principalement lorsqu'on examine la nature de la responsabilité de l'actionnaire, responsabilité qui, contrairement à celle qui a lieu entre partenaires dans les " sociétés de personnes " ou dans les entreprises individuelles, reste limitée à sa participation dans le capital de la société, les biens personnels de l'associé n'ayant pas alors à répondre des dettes que cette société a contractées.
 

LE PROBLèME DE LA DILUTION DES RESPONSABILITéS

Cet état d'esprit permet à l'individu d'atténuer ses propres normes éthiques

Cette séparation légale de la société par rapport aux personnes qui la composent soulève un grand nombre de questions éthiques :

1. Les actionnaires, les dirigeants et les employés considèrent la société comme une structure économique dépersonnalisée, dépourvue de tous droits ou obligations non stipulés par contrat. Cet état d'esprit permet à l'individu d'atténuer ses propres normes éthiques et d'éluder certaines des obligations auxquelles il serait tenu de se soumettre dans sa vie privée.

2. En séparant la propriété du contrôle et de la gestion, la société permet tant aux actionnaires qu'aux dirigeants d'esquiver leurs responsabilités dans le domaine éthique telles qu'elles devraient résulter de leurs actes.
Les dirigeants soutiennent qu'ils ne peuvent pas déterminer les convictions éthiques des actionnaires et que celles-ci peuvent varier de l'un à l'autre et se contredire les unes les autres. Ils ajoutent que leur seule tâche est de diriger l'entreprise efficacement et en se conformant aux limitations imposées par la loi. Agir autrement constituerait un manquement à leurs devoirs et les rendrait passibles de licenciement.
L'argument des actionnaires consiste à prétendre qu'ils n'ont aucun contrôle sur les activités quotidiennes de la société, ni même, bien souvent, sur sa politique générale. Plus dispersée est la répartition du capital d'une société, plus le fonctionnement de celle-ci est aux mains de dirigeants salariés non-actionnaires, et plus seront pris en considération ces arguments quant à l'attitude de la société dans le domaine de l'éthique.

La halakha reconnaît dans certains cas à une structure commerciale comme une société de pouvoir limiter à son capital les revendications de ses créanciers, sans que ceux-ci puissent s'en prendre au patrimoine des actionnaires individuels. Une telle limitation est fondée sur une notion de notoriété publique : les banques, les fournisseurs et autres créanciers savaient parfaitement à quoi s'en tenir dès l'instant où des obligations ont été créées, de sorte que c'est en toute connaissance de cause qu'ils ont pris leurs décisions d'entrer en affaires.
 

PATRIMOINE DE LA SOCIETé ET RESPONSABILITéS INDIVIDUELLES

La jurisprudence halakhique imbrique clairement personne morale et personne physique.


En revanche, la loi juive ne semble pas accepter de séparation entre le patrimoine de la société et celui des individus qui la composent quand elle impliquerait l'abrogation de responsabilités halakhiques liées au droit de propriété. On peut constater cela à la lumière des décisions halakhiques suivantes :

1. L'interdiction du prêt à intérêt s'applique aux transactions entre deux personnes physiques. On pourrait prétendre que cette interdiction, étant donné qu'une société n'est pas un être humain, ne s'applique pas aux prêts entre deux sociétés ou entre une société et un individu. La plupart des autorités rabbiniques rejettent cet argument. L'interdiction du prêt à intérêt édictée par la halakha s'applique tant aux sociétés dont la plus grande partie des actionnaires est formée de Juifs qu'aux actionnaires individuels eux-mêmes.

2. Les lois applicables pendant Pessa'h traduisent une réfutation similaire de l'opinion qui voudrait que la société, en tant qu'entité légale indépendante, soit exemptée des règles imposées aux individus. Les individus et les sociétés n'ont pas le droit de posséder du 'hamets (" pain levé ") pendant Pessa'h. Ils doivent se conformer, pour s'en débarrasser, à une procédure particulière, instituée par les rabbins. Les sociétés possédées par une majorité d'actionnaires juifs sont tenues de suivre la même procédure.

3. Une personne est toujours tenue pour responsable des dommages causés directement par ses propres actes ou ceux de ses biens. Cela est également vrai quand il agit par un intermédiaire, comme une société. Le patrimoine privé d'un actionnaire pourrait faire l'objet de revendications en raison de dommages causés par la négligence de la société ou par une pollution dont elle se serait rendue coupable, si la société est incapable de faire face à ses responsabilités. À supposer que les dommages rendent l'entreprise halakhiquement responsable, le recours exercé sur les biens personnels de l'actionnaire dépendra de la nature du capital de la société.

4. Beaucoup de responsæ énoncent clairement qu'il est interdit à un Juif de tirer profit d'un travail effectué par un non-Juif pendant Chabbath. L'interdiction s'applique tout autant à une société appartenant à un Juif. Si le " travail " a consisté en des actes interdits au non-Juif par la loi juive, comme un vol ou un meurtre, l'association du Juif avec le non-Juif sera également illégale, même si ce dernier était " indépendant ".
 

MANDATAIRES ET EXECUTANTS SUR UN MÊME PLAN

Les dirigeants d'une société n'ont pas le droit d'invoquer les " instructions " reçues des actionnaires comme une excuse absolutoire.

Les prises de position ci-dessus concernent divers aspects halakhiques applicables selon la nature de la société. Elles affirment clairement que le cloisonnement entre celle-ci et ses actionnaires et le statut juridique qui en résulte ont pour unique effet de restreindre les droits des créanciers au seul capital social sans possibilité de recours sur les biens personnels des actionnaires. D'autres limitations, imposées par la halakha, s'appliquent aux activités commerciales ainsi qu'aux obligations de la société découlant des richesses qu'elle possède, celle-ci étant soumise au même cloisonnement.

Les dirigeants juifs de sociétés possédées ou contrôlées par des Juifs ne peuvent pas prétendre que leur seule responsabilité est de maximaliser les dividendes versés aux actionnaires sans qu'ils aient à prendre égard aux principes éthiques et moraux du judaïsme. Les rabbins rejettent cette allégation quand elle est présentée par des hommes d'affaires individuels, et l'enveloppe juridique conférée à une société par son statut de personne morale ne lui permet pas davantage de la soutenir.
La halakha rejette le concept d'un chalia'h lidvar 'aveira (" intermédiaire chargé d'exécuter des actes interdits ") dans le cas d'un agent qui " ne ferait qu'exécuter les ordres reçus " et qui prétendrait ne pas être responsable de ses actes. Les dirigeants d'une société n'ont pas le droit d'invoquer les " instructions " reçues des actionnaires comme une excuse absolutoire pour avoir violé les lois de la Torah.


Étant donné que la Tora exige des non-Juifs tout comme des Juifs qu'ils observent les mêmes lois concernant les affaires d'argent, la religion des actionnaires de la société sera dans beaucoup de cas indifférente. Les dirigeants juifs des grandes sociétés et des entreprises multinationales dans lesquelles aucun actionnaire individuel ne possède une fraction importante du capital sont dans l'obligation de se conformer aux règles imposées par la halakha dès lors qu'il n'existe aucun contrôle ni aucune direction exercés par les actionnaires.

La cloison qui dissocie la propriété du contrôle signifie que ce sont les dirigeants, dans un tel cas, qui ont le contrôle du patrimoine de la société. Aussi ont-ils le devoir de respecter la halakha dans ce qu'ils font. Quant aux actionnaires, il semblerait qu'ils aient l'obligation de se séparer de ces dirigeants si ces derniers ne respectent pas la halakha, faute de quoi ils porteraient la responsabilité de leurs actes fautifs.

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Dr Meir TAMARI
Le Dr Meir Tamari a été directeur du service " Economie " du Bureau du Gouverneur de la Banque d’Israël, et fondateur du JCT [Centre pour l’éthique dans les affaires et pour la responsabilité sociale]
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