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Goush Katif: Sept mois plus tardLes résidents expulsés de Goush Katif sont confrontés au chômage, à la pauvreté et à l'incertitude mais ils tentent néanmoins de reconstruire leur vie.

Lorsque les enfants de Dana Zelinger rêvaient de vacances idéales ils se voyaient dans un hôtel. Plus maintenant. Aujourd'hui, ils rêvent d'une salle de séjour, d'une cuisine, de repas pris en famille, d'une petite surface où pouvoir faire rebondir leur ballon. Les Zelinger font partie de ces centaines de familles qui sont toujours éparpillées dans des hôtels, des auberges de jeunesse, des villages de vacances et des campements sous la tente sept mois après l'évacuation des communautés du Goush Katif l'été dernier.

Ce qui ne devait durer que 10 jours s'est transformé en une incertaine odyssée dont la fin provisoire n'est prévue que dans quelques mois, lorsque les Zelinger et d'autres évacués de leur communauté de Neve Dekalim seront provisoirement relogés au kibboutz Ein Tzurim. Dans cinq ans au plus tard, ce qui reste de leur communauté sera regroupé dans des habitations définitives construites près du kibboutz Amatzia, dans la région faiblement peuplée de Lachish.

Et pourtant, Dana est optimiste et reconnaissante. Sa famille peut au moins s'abriter sous un vrai toit. Les évacués d'Atzmona vivent sous des tentes qu'ils ont plantées dans une banlieue de Netivot appelée Ir Haémounah (la Ville de la Foi). De nombreux expulsés de Alei Sinaï vivent à Ohalei Sinaï, un campement installé sur un terrain avoisinant le kibboutz Yad Mordehai près de la frontière nord de la bande de Gaza.

On peut voir chaque jour Dana, 42 ans, mère de sept enfants, un blocnote à la main et un portable à l'oreille, dans le hall de l'hôtel Jerusalem Gold qui jouxte la gare centrale des autobus de Jérusalem.
Elle est responsable de la coordination des activités organisées pour les 31 familles encore bloquées dans cette "prison dorée"et elle veille à ce que la centaine d'enfants qui se trouvent dans l'hôtel aient tous un emploi du temps pour l'après-midi.

"Nous avons trouvé beaucoup de compréhension dans cet hôtel et le propriétaire est vraiment formidable avec nous" dit Dana. "Mais un hôtel est un hôtel et ce n'est pas un endroit où les enfants peuvent se dépenser. Et puis il y a d'autres clients. Nous devons donc veiller à ce que nos enfants soient constamment occupés soit par leur travail scolaire, soit par des ateliers ou des sorties. Leur emploi du temps doit être littéralement minuté. Dans une maison normale, votre enfant rentre de l'école, s' affale sur le canapé, va grignoter quelque chose à la cuisine et "vit sa vie". Ici, il ne peut pas "vivre sa vie". Il ne peut pas traîner dans le hall, pas plus qu'il ne peut jouer au basket dans la gare".

Dana, dont le benjamin est âgé de cinq ans, dit que le principal problème pour elle est celui de la surveillance des enfants. "Nous dormons tous dans des chambres séparées disposées le long d'un couloir. Je ne peux jamais savoir à quelle heure mes aînés vont se coucher, ni même s'ils sont dans leur chambre, ou à traîner à minuit dans les rues de Jérusalem. Qunad vous êtes chez vous, vous ne voyez pas toujours tout le monde mais vous savez au moins où chacun se trouve et quels sont les amis qui entrent ou sortent."

Des chômeurs par centaines

Plutôt que de penser sans cesse à sa maison détruite, Dana préfère utiliser son énergie à organiser le présent et à renforcer les liens familiaux. Son mari est électricien et travaille dans le sud, près de l'endroit où ils vivaient auparavant. Il dort là-bas maintenant la moitié de la semaine. Ce n'est pas facile de s'occuper seule des enfants dans un cadre aussi peu familial, mais Dana s'estime déjà heureuse qu'il ait au moins un emploi. Sur les 2200 personnes qui ont perdu leur travail suite à l'évacuation, moins de 300 seulement ont retrouvé une situation.

"Les gens pensent qu'au bout de sept mois, nous avons tous retrouvé nos marques, que nous avons touché notre chèque de dédommagement et que la vie continue" dit Dana. "Mais c'est faux. Pratiquement personne n'a reçu la moindre compensation. Le chômage sévit et les économies ont fondu. Aucune proposition de relogement permanent n'a encore été faite. Et même ces fameuses "caravillas" où vivent certaines familles et qui ne sont en fait que des caravanes préfabriquées arborant de jolis toits rouges, même elles sont provisoires".

Dana était propriétaire d'une papeterie bien connue dans toute la région pour les fournitures scolaires et les articles de cadeaux."La compensation financière qu'on nous a promise pour le magasin couvre tout juste les frais de dépôt de bilan. De toute façon, tout cela est théorique car nous n' en n' avons pas encore vu le premier shekel".

Pourquoi Dana et d'autres familles n'essayent-elles pas de lutter chacune pour son propre compte ? "La raison principale pour laquelle nous restons ensemble est que notre communauté est tout pour nous, et nous essayons de toutes nos forces de la maintenir soudée. On nous a promis une solution de relogement collectif et nous ne changerons pas d'avis. Nous avons perdu notre terre, nos maisons, notre travail, nos écoles. La seule chose qui nous reste, c'est le soutien de notre communauté. Quelqu'un qui ne sait pas ce que cela signifie pour nous ne peut pas vraiment nous comprendre".

Ce que Dana trouve de plus déchirant c'est le contact avec des gens qui se sont retrouvés de force à la retraite, dont la carrière s'est vue soudainement brisée et qui, vu leur âge, ont peu de chance de pouvoir redémarrer. "Pour eux, l'hôtel, l'incertitude, sont une véritable torture. Certains ont essayé d' entreprendre quelque chose de nouveau, d'autres ont eu le courage de se recycler. Mais les agriculteurs, les commerçants, les fonctionnaires… comment fait-on pour recommencer de zéro quand on a 55 ans ? Mon travail consiste à les occuper pour qu'ils ne perdent pas complètement la raison".

Trop tard pour recommencer

Moshe Shalva, 54 ans, est l'un de ces hommes. Avec sa longue barbe broussailleuse, sa chemise de flanelle d'où dépassent des tzitzith volant au vent, il détonne dans ce hall d'hôtel feutré. Pendant 23 ans, Shalva a dirigé une affaire florissante d'articles religieux à Neve Dekalim. Il attend toujours de recevoir une compensation financière pour sa maison et son commerce. Les 50 000 shekels (9000 euros) d'avance versés pour permettre aux familles de faire face aux premiers frais après l'évacuation, ont vite fondu au fil des dépenses quotidiennes nécessaires pour nourrir sa grande famille, et en raison aussi du remboursement mensuel du prêt qui lui avait été accordé pour l'achat de sa maison désormais détruite.

Une des ironies liées à ce premier versement était que pour recevoir ces 50 000 shekels il était nécessaire d'ouvrir un compte spécial contrôlé par le gouvernement. La Banque Tefachot, la plus importante banque israélienne de prêts hypothécaires, menaçait le gouvernement de poursuites judiciaires motivées par les millions de dollars de pertes qu'elle subirait si les prêts qu'elle avait consentis n'étaient pas remboursés, étant donné que les maisons n'existeraient plus. Le Trésor décida alors que les prêts continueraient à être remboursés aux banques, et que les mensualités seraient prélevées sur les comptes spéciaux destinés à recevoir les indemnités versées aux familles évacuées.

Quatre générations de la famille Shalva sont présentes à l'hôtel. La mère de Moshe, 92 ans, bon pied bon œil, est la doyenne des évacués du Goush Katif, où elle a vécu 17 ans avec son fils à Neve Dekalim, après le décès de son mari. Moshe, père de 12 enfants, a également des enfants mariés et des petits-enfants à l'hôtel.Un nouveau petit-fils est né voici deux semaines. Les Shalva étaient la dernière famille évacuée de Yamit et la toute dernière famille évacuée de Neve Dekalim dans le Goush Katif.

Les bâtiments publics de Neve Dekalim sont restés intacts et ont été remis à l'Autorité Palestinienne. La librairie juive de Moshe Shalva fait maintenant partie du campus du Collège Islamique. Il n'a toujours pas reçu d'indemnisation pour son commerce, bien qu'il ait signé un accord par lequel il devrait toucher une somme égale à deux ans et demi de son dernier revenu annuel. En attendant, il s'essaye à différents projets, mais rien ne semble lui réussir. "A mon âge", dit-il, "il est trop tard pour recommencer".

"Trop tard pour recommencer", c'est la phrase que l'on entend répétée par 80% des résidents au chômage de Nitzan, une enclave aux alentours d'Ashkelon, où près de 500 familles réfugiées vivent dans des caravanes au toit rouge qui s'étendent rangée après rangée sur ce qui était jusqu'à l'année dernière un champ de melons. Les résidents se débattent avec un loyer mensuel de 360 euros prélevé sur leurs indemnités, et nombreux sont ceux qui continuent à rembourser un prêt pour leur maison détruite. Plus de 100 colis de nourriture sont envoyés à Nitzan chaque vendredi aux familles qui n' ont plus les moyens d'acheter des denrées de base ou des poulets pour Chabbat. Certains en sont réduits à mendier. A Jérusalem, dans la rue piétonne Ben Yehouda, un homme en complet veston est chargé chaque jour de collecter les aumônes.


Un traumatisme familial

Chaya Rabinovitch dirige une équipe financée par des fonds privés et composée de 10 travailleurs sociaux qui s'occupent des familles en crise. "Des dizaines, sinon des centaines de familles sont au bord de l'effondrement tant financier que psychologique", dit-elle. "Les hommes, abattus et désespérés ne sortent même plus. Ils restent à la maison et regardent la télévision. C'est tragique de voir comment des individus qui avaient une bonne situation se retrouvent dépendants, indigents et oisifs.

Le gouvernement n'a pas pris en compte le fait que chaque famille subirait un profond traumatisme et une véritable bouleversement. Il pensait que seule une famille sur dix aurait besoin d'une aide psychologique. Se voyant débordé, il a envoyé en renfort des travailleurs sociaux qui, en raison de leur jeunesse, de leur inexpérience et du fait de leurs opinions politiques opposées ne savaient absolument pas comment résoudre les problèmes complexes auxquels devaient faire face les familles, tels que le fait d'être expulsé de sa maison, de se trouver financièrement ruiné et d'éprouver un intense sentiment de trahison".

"Les jeunes, dont on pense qu'ils sont le plus résistants se retrouvent maintenant extrêmement fragilisés" explique Chaya Rabinovitch à propos des 1200 adolescents âgés de 12 à 18 ans. "Plusieurs d'entre eux subissent le contre-coup du terrorisme qu'ils ont subi au cours des cinq dernières années, de la mort de certains de leurs amis et de la destruction de la seule maison qu'ils aient jamais connue. Il faut ajouter à cela la colère qu'ils éprouvent envers leurs parents et envers les leaders de leur communauté. Cela se traduit par des cas de dépression nerveuse et même par des tentatives de suicide. Même chez les enfants "normaux, équilibrés", on constate qu'à l'école (s'ils s'y rendent), ils ont perdu leur faculté de concentration et sont incapables de s'absorber dans un travail quelconque".

Le juge Micha Lindenstrauss, Contrôleur de l'Etat, a récemment blâmé le gouvernement pour la manière dont il a traité les 1750 familles expulsées de leur maison dans la bande de Gaza l'été dernier. Voici ce qu'il écrit: "L'Etat et ses institutions ont failli à leur mission envers les citoyens expulsés de Goush Katif…. Nous sommes conscients du fait que les services administratifs qui ont été mis sur pied pour prendre en charge l'évacuation et la réinsertion des résidents devaient travailler dans des conditions inhabituelles, mais ce rapport établit que des fautes graves ont été commises et cette mauvaise planification a été préjudiciable pour les évacués et leur a causé de douloureuses et inutiles souffrances. Il est indispensable qu'une enquête approfondie fasse la lumière sur les dysfonctionnements décrits dans ce rapport".

Lindenstrauss pointe du doigt SELA ( l'Autorité responsable du Désengagement) pour ne pas avoir prévu d'hébergement temporaire adéquat immédiatement disponible dans les jours qui ont suivi l'évacuation, ainsi qu'un hébergement de plus longue durée permettant d'attendre la construction d'habitations définitives. SELA n'avait prévu que 7 centres d'hébergement provisoires alors que 31 auraient été nécessaires. Les hôtels et les campus ne devaient être utilisés que pour une période de 7 à 10 jours, mais sept mois plus tard, des centaines de familles attendent encore d'être relogées.

La manière dont les évacués ont été séparés de leurs biens a également fait l'objet de critiques. Le rapport note que des centaines de familles ont été coupées de leurs possessions pendant plusieurs mois en raison d'un règlement qui n'autorisait les familles à avoir accès à leur container qu'une seule fois avant qu'ils ne soient relogés dans une habitation permanente, qui n'existe toujours pas. Il est également fait mention dans le rapport de nombreuses plaintes concernant des biens endommagés ou volés, plaintes qui n'ont toujours pas été enregistrées en raison de conflits non résolus entre SELA et le Ministère de la Défense. Le juge Lindenstrauss reproche également aux résidents de ne pas avoir coopéré avec le gouvernement pendant la période précédant l'expulsion.

En dépit des épreuves et des obstacles, les célèbres cultures maraîchères de Goush Katif, garanties sans insectes, continuent à produire. Les deux sociétés présentes sur le marché, Chasalat et Glatt Alim, ont réussi à satisfaire presqu' à 100% la demande en laitue du marché israélien. Yaakov Reicher, le responsable marketing de Glatt Alim, précise que cela n'a pas été facile. Quelques-uns des cultivateurs les plus âgés sentaient qu'ils n'avaient plus la force d' aller se réinstaller ailleurs. La société attend toujours de recevoir une compensation financière et à dû emprunter pour pouvoir redémarrer. Le rendement est excellent et suffisant pour alimenter le marché intérieur, mais les moyens manquent encore pour reprendre les exportations qui rapportaient 100 millions de dollars par an aux industries agricoles de Goush Katif, soit 15% du marché israélien.

A Ir Haémounah (La Cité de la Foi), un village de toile édifié sur le terrain d'une usine abandonnée aux alentours de Netivot, dans le Neguev, les anciens résidents de Goush Katif préfèrent tourner leurs regards vers l'avenir. La plupart d'entre eux ont été expulsés de la ville d'Atzmona et de nombreuses familles avaient déjà été évacuées du Sinai voici 24 ans. Ils vont maintenant être évacués pour la troisième fois, mais cette fois-ci, ils partent de leur plein gré pour le kibboutz Shomriya, dans la région faiblement peuplée de Lachish, où le gouvernement leur a attribué les maisons prévues pour un kibboutz qui n' a pas réussi à attirer une nouvelle communauté.

Les anciens résidents d'Atzmona ont refusé d'être éparpillés dans des hôtels disséminés dans tout le pays. Ils ont choisi de maintenir leur communauté à tout prix, même si cela signifiait de vivre sous la tente ou dans des caravanes branlantes peu faites pour affronter les rigueurs de ces derniers mois d'hiver.

La plupart des évacués n'ont pas encore vu poindre la lumière au bout du tunnel, mais Zevulun Kalfa, le "maire" de Ir Haémounah explique qu'un Juif doit toujours voir le bon côté d' une situation, si difficile soit-elle.

"C'est vrai que la situation est terrible", dit-il,"mais il y a tellement de choses qui me dépassent et que je n' arrive pas encore à comprendre. Je pense à ce qu' était la situation voici quelques décades, quand nous n'avions pas de pays du tout, et c'est par rapport à ce point de référence que je regarde vers l'avenir. Nous nous reléverons encore une fois de nos vies brisées et nous ferons à nouveau refleurir le désert. Ce sera un désert différent, mais ce sera toujours Eretz Israël."

Traduction et Adaptation de Monique SIAC



A PROPOS DE L'AUTEUR
Rachel GINSBERG
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