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Paracha / Étincelles back  Retour

'Hayé Sarah (La vie de Sarah)

Genèse 23, 1 à 25, 18
"Il est bon d’avoir à soi quelque chose... pour le donner."
 
Paul Claudel
 
Sarah meurt à cent vingt-sept ans. Abraham achète à prix fort le caveau de Makhpéla où il souhaite ensevelir son épouse. Sentant sa propre fin proche, Abraham souhaite trouver une femme à son fils Isaac. Il charge son serviteur d’aller trouver une épouse digne, dans son pays natal. Le serviteur, guidé par Dieu, rencontre Rébecca. C’est cette femme au grand cœur qui deviendra l’épouse d’Isaac.

 

La vertu principale

 
La tradition juive accorde à l’altruisme et au souci de l’autre une place centrale. Notre paracha en offre la preuve : lorsque Abraham envoie son serviteur chercher une épouse pour son fils dans la terre de ses ancêtres, Eliezer fait appel à la Providence et s’adresse ainsi à Dieu : « Voici je me trouve au bord de la fontaine et les filles des habitants de la ville sortent pour puiser de l’eau. Eh bien ! La jeune fille à qui je dirai : ‘Veuille pencher ta cruche, que je boive’ et qui répondra ‘Bois, puis je ferai boire aussi tes chameaux’, puisses-Tu l’avoir destinée à ton serviteur Isaac (…) » (Genèse, 24, 13-14).
 
Lorsqu’il est question de choisir la future épouse du fils de l’inventeur du monothéisme, on aurait pu imaginer que soit posée comme condition la foi en un Dieu unique, ou encore la pureté des mœurs… Mais le seul « critère » mis en avant par le serviteur du patriarche est la générosité dont fera effectivement preuve Rébecca.
 

Le test...

 
Un célibataire âgé qui vivait avec sa vieille mère cherchait désespérément à se marier. Mais il posait des conditions peu encourageantes : Il demandait en effet à celle qui l’épouserait d’accepter la présence de sa vieille et fragile mère sous leur toit, ce qu’aucune jeune fille ne semblait prête à accepter.
 
Désemparés, quelques membres de la famille de cet homme allèrent trouver le Rabbi Chlomo Zalman Auerbach (l’un des principaux décisionnaires du XXème siècle), le priant de bien vouloir convaincre le jeune homme de chercher une place pour sa mère dans une maison de retraite.
 
Mais le rabbin ne l’entendit pas ainsi et approuva au contraire la conduite du jeune homme : « Nous apprenons de Rébecca –expliqua-t-il- que dans le choix d’une future épouse, les qualités humaines l’emportent sur toutes les autres. Or lorsqu’une jeune fille refuse d’héberger sa belle-mère, cela témoigne d’un certain égoïsme. Si le jeune homme insiste pour s’acquitter de son devoir filial, nul ne doit l’en détourner ».
 
Quelques temps plus tard, Rabbi Chlomo croisa à nouveau l’un des membres de la famille du jeune homme, qui lui apprit que ce dernier s’était fiancé avec une femme qui avait accepté ses exigences. Le rabbin prit contact avec le jeune homme, le félicita d’avoir enfin trouvé l’âme soeur... et lui expliqua qu’il n’était pas bon pour un jeune couple d’héberger la vieille mère du mari. « Certes, expliqua le maître, le jeune homme avait eu bien raison d’espérer trouver une épouse vertueuse et dévouée… mais maintenant qu’elle avait gagné la confiance de son futur époux et fait preuve d’une grande générosité, il fallait lui faciliter la tâche et chercher sans tarder une place dans une maison de retraite… ».
 

Miracle !

Malgré les rares atouts de Rébecca, l’essentiel reste sa générosité de cœur…
 
Commentant le verset décrivant Rébecca remplissant sa cruche (24,17), Rachi cite un commentaire du Midrash Raba selon lequel Rébecca était si pure et si pieuse que des miracles avaient lieu en sa faveur. Entre autres, l’eau du puits montait à elle miraculeusement sans qu’elle n’ait besoin de puiser. Et Rachi nous précise que c’est en assistant à ce miracle que le serviteur d’Abraham courut à sa rencontre. Ayant ce commentaire en mémoire, on s’étonne de la suite du récit : Eliezer, comme il l’avait envisagé, teste Rébecca et lui demande à boire en attendant sa réponse pour tester sa générosité. Or quel besoin a-t-il maintenant d’éprouver la future femme d’Isaac ? Les miracles attestent bien de sa piété et de sa foi ! Force est de conclure que malgré les rares atouts de Rébecca, l’essentiel reste sa générosité de cœur… S’ils avaient manqué -malgré sa flagrante proximité avec le Créateur- Rébecca n’aurait pu devenir l’une des mères du peuple d’Israël.
 
Ainsi, seule la générosité de Rebecca permet à Eliezer d’être sûr qu’il fait le bon choix. Cette centralité de l’altruisme sur toutes les autres vertus se retrouve dans cette déclaration talmudique (traité Avoda zara, p.17b) : « celui qui étudie la Tora mais n’accomplit pas d’actes de bonté ressemble à un homme sans dieu » car le manque de cœur est comparable à l’idolâtrie.
 
Lors d’une réunion rabbinique, quelqu’un reprocha à Rabbi Eliyahou ‘Haïm Maïzel (1821-1912) de consacrer trop de temps à la récolte d’argent pour les bonnes œuvres au détriment de son étude de la Tora et du Talmud. Rabbi Eliyahou ‘Haïm réagit avec une très grande fermeté à ces propos et dit : «Un sage qui ferme son livre de Talmud pour s’occuper de tsédaka, même si son Talmud est fermé, en réalité il est ouvert ! Mais un sage qui ne ferme jamais son livre de Talmud pour s’occuper de tsédaka, même quand il croit son livre ouvert, en réalité il est fermé ! »… car son étude est stérile, ne débouchant pas sur ce à quoi elle doit en réalité aboutir : la pratique de la tsédaka.
 
Donnant tout son temps aux bonnes œuvres, ce sage hors pair n’avait pas le temps de se consacrer à l’écriture de commentaires savants, bien qu’il aurait sans nul doute pu être l’auteur d’ouvrages exceptionnels. Lorsque Rabbi ‘Haïm Ozer Grodzinski (1863-1943) fit paraître son livre de responsa « A’hièzer », il s’adressa à Rabbi Eliyahou ‘Haïm en ces termes : « Et toi, à quand ton livre ? ». Ce à quoi l’autre répondit : « Mon livre ! Mais ça y est, je l’ai déjà écrit et j’ai même le manuscrit sur moi! ». Sous le regard étonné de son interlocuteur, il sortit effectivement de ses poches des dizaines de feuilles… Regardant de plus près les pages de ce « livre » mystérieux, Rabbi ‘Haïm Ozer constata qu’il s’agissait de dizaines de reconnaissances de dettes (de ceux à qui Rabbi Eliyahou ‘Haïm venait en aide) et qui constituaient les pages de l’unique livre que le Rav Maïzel avait l’intention d’écrire !
 

Bonté envers les animaux

 
Quand Eliezer implore la providence divine dans le choix d’une épouse pour Isaac, il s’exprime ainsi : « La jeune fille à qui je dirai : ‘Veuille pencher ta cruche, que je boive’ et qui répondra ‘Bois, puis je ferai boire aussi tes chameaux’, puisses-Tu l’avoir destinée à ton serviteur Isaac (…) ».
 
La sensibilité dont doit faire preuve Rébecca ne s’adresse donc pas qu’aux hommes : elle doit aussi faire preuve de générosité envers les animaux. Sa bonté doit être si ancrée en elle qu’elle se soucie du bien être de tous les êtres vivants (de nombreux commandements bibliques et rabbiniques régissent d’ailleurs les rapports des hommes envers les animaux).
 
Vers la fin de sa vie, Rabbi Eliyahou Dov Lizrovitch (1855-1941, maître lituanien appartenant au courant du Moussar) ne sortait que très peu (pour des raisons de santé) mais n’oubliait jamais déposer des graines sur son balcon à destination des oiseaux. Il s’en expliqua ainsi : « N’ayant pas beaucoup d’occasions de faire du bien aux autres hommes, je saisis au moins la possibilité de faire du bien à ces oiseaux… ».
 
Ainsi donc, les critères essentiels retenus par Eliezer pour choisir celle qui deviendra l’ancêtre du peuple d’Israël sont la générosité et le souci des autres. Car ce sont, pour la tradition juive, des valeurs centrales : respecter la vie sous toutes ses formes et contribuer au bonheur et au bien-être du plus grand nombre.
 
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
Le Rav Amitaï ALLALI
Commissaire Général des Eclaireuses Eclaireurs Israélites de France (EEIF), avant de devenir conseiller pédagogique pour l’enseignement juif à l’école George Leven. Il a enseigné à l'Institut Universitaire Rachi de Troyes et a dirigé la Section Normale des Etudes Juives de l'A.I.U. (Alliance Israélite Universelle). Il a occupé des postes rabbiniques dans les communautés de Bordeaux et de Vincennes et est aujourd’hui conférencier à l’association LEV. Il est l’auteur de « La Tsédaka : Lois et commentaires sur les dons aux pauvres de Maïmonide » paru aux éditions Lichma en 2006, « Les trompettes d'argent » (Octobre 2008), "Leçons de diét-éthique" (2ème trimestre 2009), et "Les prophètes, les enfants et les fous" (1er trimestre 2010).
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