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Roch Hachana et Yom Kippour

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Les Rendez-vous de l'Année Juive / Roch Hachana et Yom Kippour back  Retour
La corne de la liberté: consumérisme, esclavage et libérationPour l’an prochain, priorité aux problèmes d’inflation ?

Permettez‑moi de vous poser une question directe : la religion que vous pratiquez, elle mène à quoi ?

Ou encore : ces prières des “jours redoutables”, ces rites qui les accompagnent, à quel besoin, à quelle recherche répondent-ils ?

Excusez-moi d’avoir attaqué la question de front, mais il faut parfois brusquer pour entrer en matière. Du reste, il est évident que ces lignes ne pourront qu’évoquer succinctement un aspect des choses.

CHOFAR ET LIBERTE

La liberté proclamée par le chofar représentait donc le désengagement des contraintes de la vie économique.

Dans le Talmud, la sonnerie du chofar, à Roch Hachana, est comparée en maints aspects à celle de l’année du Jubilé. Essayons donc de découvrir le rapport qui les relie.

Cette cinquantième année était appelée “l’année de la Liberté”. Les terres vendues revenaient à leur premier propriétaire et les serviteurs qui, malgré les recommandations des Sages, avaient loué leur force de travail, retrouvaient une vie normale.

La liberté proclamée par le chofar représentait donc le désengagement des contraintes de la vie économique. Ce son sans artifice contient un appel au retour vers l’origine. La corne évoque d’ailleurs comme une antenne braquée vers le ciel.

Liberté ? Est‑ce dans le judaïsme que l’on va la trouver ? Notre société libérale ne s’est‑elle pas au contraire révoltée contre les contraintes religieuses ?

Oui, nous croyons qu’une discipline sensée et librement consentie n’est pas contradictoire à la liberté, tandis qu’un asservissement inutile dans lequel on se laisse inconsciemment glisser l’est.

Plusieurs textes juifs laissent entendre que l’esclavage est une condition dans laquelle l’homme retombe infailliblement s’il ne s’efforce pas constamment de s’en affranchir. “Je suis l’Eternel ton D.ieu, qui te fait remonter de l’Egypte” : à chaque génération, il faut en ressortir.

Certains Midrachim affirment que l’esclavage n’y avait débuté qu’après que les Juifs se fussent laissés prendre au jeu fascinant de la construction de villes (au “développement”, à la “croissance”, dirait‑on aujourd’hui). “Tout comme le maror (herbes amères), les Egyptiens étaient d’abord doux et sont ensuite devenus durs” (Pessa’him 39).

Ce n’est pas une déviation que de parler de la servitude en Egypte en ce début d’année, car si c’est à l’époque de Pessa’h qu’eut lieu la sortie effective, c’est à Roch Hachana que cessa l’asservissement (Roch Hachana 11).

CONSUMERISME ET ESCLAVAGE

De toute façon, de tels souvenirs ne sont pas des commémorations folkloriques à dates précises, mais des remémorations d’une actualité constante.

L’Egypte représente le monde matériel accueillant au début et envahissant par la suite. “Jamais aucun esclave ne s’en était échappé avant le peuple juif”, déclare le Midrach. Un commentateur explique : “Même celui qui y avait été réduit à l’esclavage était tellement fasciné par ce pays qu’il ne pouvait imaginer de le quitter.” Un peu comme la fascination exercée par nos grandes villes.

Pour dire un mot de l’inflation, puisque c’est le prétexte à cet article, n’est-ce pas cette gourmandise exigée par notre système économique qui ronge, en fin de compte, notre vie ? N’est-ce pas le moteur même de toute la production qui nous entraîne dans un galop sans répit ?

Des problèmes de ce genre, au lieu de n’appeler que des mesures techniques, n’exigeraient‑ils pas la remise en cause de notre attitude face au bien‑être matériel ?

En extrapolant vers la vie moderne, mes vaches maigres et affamées seraient-elles autre chose que le consommateur jamais repu de ce que le marché lui offre ?

Dans le rêve de Pharaon, la succession de l’abondance et de la famine est représentée d’abord sous la forme de vaches grasses et belles, suivies de vaches maigres qui les dévorent sans en être rassasiées. Ensuite, cet enchaînement est figuré par des épis sains qu’engloutissent des épis desséchés. Rachi explique que les vaches représentent les créatures (les consommateurs, dirions‑nous), qui, en période de bien‑être, sont bienveillantes les unes envers les autres, et en période de restriction, se regardent avec suspicion. Les épis représentent l’abondance ou la restriction des produits agricoles (la production).

Chaque changement économique peut être vu sous son aspect humain ou sous son aspect matériel. En extrapolant vers la vie moderne, mes vaches maigres et affamées seraient-elles autre chose que le consommateur jamais repu de ce que le marché lui offre ? Et c’est peut-être là l’origine des drames.

Mais ne continuons pas dans cette voie. Des problèmes économiques sont traités sérieusement dans nos livres et ce n’est pas de cette manière que nous voulons les aborder. En aucun cas, nous ne voulons les ridiculiser ou les nier. Limitons‑nous à répéter que l’aspect humain dans toutes ces questions est primordial et que cette manière de voir pourrait constituer la clé du problème.

C’est d’ailleurs sur autre chose que nous voulons insister : sur l’influence du problème de l’inflation. A lire les journaux, à entendre les déclarations et les bonnes intentions, on pourrait croire que notre souci majeur est celui dont parlent les hommes politiques. Il est vrai qu’en ce qui concerne le profane que je suis, je doute un peu de ce que quelques pourcentages d’inflation en plus ou en moins soient, même du point de vue économique, de si grande importance. Mais cela dépasse mes compétences.

Ce sur quoi je reviens, c’est cette surenchère du problème économique. N’est-ce pas, une fois de plus, nous forcer à regarder vers le bas et non vers le haut ? Non seulement la vie matérielle nous a attirés dans son sillage, mais encore veut-elle nous faire croire que ce n’est que d’elle qu’il faut s’occuper.

LES PIEGES DE L'AUTOSATISFACTION

Roch Hachana, c'est la libération de l'homme: sa victoire sur la vie matérielle, l’affirmation de la suprématie de sa dimension sur celle du monde qui l’entoure; la libération de l’homme de lui-même.

Revenir aux sources, à la signification réelle de notre vie, est l’exclamation du chofar. Et je le répète, si nous étions plus conscients des questions primordiales, les secondaires ne s’en trouveraient que mieux abordées.

“En ce jour (où le Messie viendra), on soufflera dans le grand Chofar. Et alors reviendront ceux qui étaient perdus dans le pays d’Achour et ceux qui étaient exilés dans le pays de Mitsrayim (Egypte)” (Isaïe chap. 27, vers. 13). Ce verset que nous récitons pendant la prière de Roch Hachana est ainsi commenté par le Ba’al Chem Tov : Mitsrayim (metsar  : étroitesse, emprisonnement) représente l’étau de la vie matérielle. Achour désigne l’orgueil et l’ambition vaine (achèr : féliciter). Si la vie matérielle peut emprisonner un homme, explique-t-il, il subsiste toujours un moyen de s’en rendre compte et de s’en sortir. Mais si l’homme tombe dans le piège de l’auto-félicitation, il est totalement perdu.

Le chofar, les prières, les rites de ces jours de début d’année représentent la libération de l’homme. D’abord, sa victoire sur la vie matérielle, l’affirmation de la suprématie de sa dimension sur celle du monde qui l’entoure. Ensuite, la libération de l’homme de lui-même, car le deuxième piège, le plus fallacieux, c’est l’autosatisfaction que procure l’admiration de ses propres gestes et de ses grandes décisions historiques.

Mais pour se libérer de l’emprise d’un système, il faut en avoir découvert un autre. Il ne suffit pas de vouloir s’affranchir, de se lamenter des carences de l’existence, il faut savoir où l’on va.

Il est même anodin de parler du fait que l’on veut “retourner vers D.ieu”. Il faut savoir comment se diriger, en quoi cela consiste. Dans le judaïsme, on évoque peu la notion de D.ieu d’une manière désincarnée. C’est à travers un mode de vie, une façon de voir les choses, que l’on conçoit D.ieu comme une direction, une destination toujours poursuivie et jamais totalement atteinte.

En ce début d’année, on prend un nouveau départ. Tout ce qui se fera dans les mois suivants sera marqué de la manière dont nous avons conçu notre existence en ces jours de recueillement et de prières.

Puisse le chofar nous inciter à poursuivre notre chemin en remontant la pente ! Puisse‑t‑il nous libérer de l’inflation des problèmes matériels et des ambitions personnelles !

Nous vous souhaitons une très heureuse nouvelle année.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Benjamin RINGER
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