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Car ils sont mes serviteurs N°5

Dans le souci de respecter le difficile équilibre entre les interêts des patrons et les droits des travailleurs, le judaïsme s'est souvent appuyé sur les pratiques en cours dans l'environnement commercial...

Etant donné l'équilibre que les rabbins se sont attachés à préserver entre les préjugés favorables envers les travailleurs et les préoccupations des employeurs soucieux de leur productivité, il n'est pas étonnant qu'ils aient insisté sur le concept de minhag, de la coutume résultant d'une longue pratique depuis longtemps en usage, concept très fortement ancré dans la littérature religieuse.

FLEXIBILITE DE LA LOI

Il arrive qu'une coutume ou une tradition soit globale, ou qu'elle soit définie par rapport à un secteur géographique bien circonscrit, ou qu'elle soit le reflet de la pratique suivie dans tel secteur industriel ou économique. Il est certain que l'impact du minhag en tant que catégorie juridique n'est pas limité aux relations de travail ou aux activités commerciales. Il est fait appel à la coutume en tant que norme légale dans le domaine religieux ou familial tout autant qu'en matière de régulation des rapports sociaux.

Les Rabbins ont déployé beaucoup d'efforts pour rendre la tradition juive compatible avec l'environnement commercial et économique qui entourait les communautés

Il existe cependant des raisons de penser que l'attitude marquée dans le judaïsme de la période classique envers l'importance et la vitalité du minhag a été déterminée par son application dans le domaine commercial.
Contrairement aux différences introduites dans les prières, l'habillement ou la nourriture, qui tendent le plus souvent à verrouiller l'isolement de la communauté juive par rapport à son environnement, l'ignorance des usages commerciaux communément répandus aurait rendu la survie de celle-ci impossible dans des circonstances déjà difficiles.
C'est pourquoi les rabbins, tandis qu'ils sont demeurés d'une grande fermeté dans le domaine rituel, ont déployé beaucoup d'efforts pour rendre la tradition juive compatible avec l'environnement commercial et économique qui entourait les communautés. Cette attitude a comporté des conséquences importantes dans la matière qui nous intéresse ici.

Reprenons le texte talmudique sur Rabbi Yo'hanan et ses " ouvriers affamés " :
Celui qui embauche des ouvriers et exige d'eux qu'ils se lèvent tôt et qu'ils travaillent tard, dans un lieu où ce n'est pas le minhag, n'a pas le droit de les y forcer. Là où le minhag prescrit de fournir de la nourriture, il doit en fournir ; si elle veut que l'on propose des boissons légères, il doit offrir des boissons légères. Tout est fonction de la coutume de la localité (Baba Metsi'a 83a).

Et de fait, le Talmud poursuit en nous expliquant que rabbi Yo'hanan n'avait pas à s'irriter des exigences gastronomiques de ses ouvriers. A l'instar des autres détails non spécifiés dans un contrat, la nourriture fournie doit être conforme à la coutume locale, sans plus.

Dans la suite de son analyse, le Talmud (Baba Metsi'a 83a) présente les principes scripturaux spécifiques qui définissent le jour de travail, nonobstant la pratique locale. Il démontre, texte à l'appui (Psaumes 104, 22 à 23), que la journée-type de travail doit commencer avec les premiers rayons de soleil et se poursuivre jusqu'à la tombée de la nuit, sous réserve de dispositions spéciales pour les préparatifs du Chabbath le vendredi après-midi.

Néanmoins, la coutume locale écarte cette règlementation. Sauf dispositions expresses contraires, les salariés sont en droit de présumer que leurs conditions de travail seront régies par le minhag local et non par un verset des Psaumes. Quant au Talmud de Jérusalem, il généralise l'application de la notion de minhag à partir de la fonction qu'il remplit dans le cadre étroit de la journée de travail, pour en développer les implications dans l'ensemble des domaines couverts par la tradition juive.


 

LE MINHAG A FORCE DE LOI

 

Les parties à un contrat ont le droit, dans une large mesure, de renoncer volontairement à une coutume locale ou de l'ignorer

Embrassant la vaste étendue de ces domaines, il considère que " ceci, (à savoir la règle posée par la Michna), nous informe que le minhag invalide la loi " (Baba Metsi'a 7, 1 ; 11a). Nonobstant certaines limites spécifiques, ce qui est désigné comme étant la coutume dominante peut l'emporter sur une législation dûment promulguée, ou même, comme dans notre cas, sur une directive imposée par le texte biblique lui-même.

A première vue, une pratique solidement enracinée abroge la loi. Il constitue à tout le moins une clause non écrite mais présumée dans toute convention. Sauf stipulation contraire, les parties lui sont soumises. Ce concept a été affiné par la suite, afin de conférer à la définition du minhag une structure et une étendue, et pour détailler la manière de le formuler et de l'accepter. Par exemple, dans certains textes, le minhag est devenu bien plus qu'une simple affaire à usage populaire et il s'est inséré avec le temps dans le tissu des rapports socio-économiques.

Pour acquérir force de loi, un minhag devait être enraciné dans la littérature juive non juridique, habituellement poétique, mystique ou interprétative, même non talmudique, ou pouvoir revendiquer son soutien (1). D'autres autorités ont exigé qu'il soit le reflet d'une référence scripturaire, même non spécifiquement normative. D'autres encore ont vu dans la formation d'un minhag une fonction directement orientée par l'histoire sociale, une pratique raisonnable qui avait résisté à l'épreuve du temps et qui avait bénéficié de l'assentiment d'une ancienne autorité locale. Aussi des mesures ont-elles été prises pour résister aux coutumes considérées comme déraisonnables, grossièrement inéquitables ou injustes (2).

De même qu'on ne doit pas asservir ou assujettir les ouvriers par les conditions de leur emploi, de même ne doit-on pas limiter ou restreindre sévèrement ces conditions en faisant prédominer la coutume.
Les parties à un contrat ont le droit, dans une large mesure, de renoncer volontairement à une coutume locale ou de l'ignorer, et d'opter à sa place pour des accords séparés qui annulent ou modifient son impact. Cela doit être exprimé explicitement devant témoins, ou stipulé clairement dans le contrat. En l'absence d'une telle stipulation, un employeur ne peut pas prétendre, par exemple, que la fixation d'un salaire plus élevé prouve implicitement qu'il inclut le remboursement de dépenses personnelles ou d'un supplément pour heures supplémentaires de travail, surtout en présence d'une pratique contraire constante (3).

Comme nous l'avons noté ailleurs, le minhag, en tant que pratique commerciale dominante ou en tant que disposition législative locale, constitue un puissant outil pour l'élaboration, de nos jours, de relations dans le monde du travail.
Son insertion inclut les pensions de retraite et les indemnités de rupture, la syndicalisation et le droit de l'organiser, la sécurité de l'emploi et les règles de sécurité pendant le travail.

Etant donné les changements intervenus avec le temps dans les conditions du commerce et de l'emploi, sa flexibilité a été utilisée par les penseurs religieux pour développer les intérêts des travailleurs dans des domaines que la pensée juive classique n'avait pas explicitement prévus ou anticipés. Cela a contribué à son élasticité et l'aide à servir de base valable au discours éthique contemporain.


(1) Voir par exemple : Rabbi Avraham Gombiner, Maguèn Avraham, Ora'h 'Hayim 890, 22 et Rabbi Moché Sofer, Cheéloth ou-techouvoth 'Hatham Sofer, Ora'h 'Hayim 1, 36.

(2) Rabbi Mordekhaï ben Hillel, Mordekhaï , Baba Metsi'a par. 366 ; Rabbi Moché Isserliss (REMA) Choul'han 'aroukh, 'Hochène michpat 331, 1 ; Tossafoth Baba Bathra 2a s.v. Bagwil.

(3) Voir par exemple : Tossafoth: Baba Metsi'a 83a s.v. Ha-so'hèr et Ketsoth ha'Hochène: 'Hochène michpat 331, 1.

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Dr David SCHNALL
Le Dr. David SCHNALL est professeur de Gestion et d'Administration à la Yeshiva University.
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