Je vous en prie, ne traitez pas mon enfant comme une esclave ; ne l'asservissez pas à vos passions; laissez-la suivre ses aspirations.
" Lorsqu'un homme    place sa fille comme servante, elle ne devra pas quitter la famille où    elle est en service comme le ferait une esclave. " (Exode 21 : 7)
 
Tout le monde connaît    le sens profond de cette réglementation si humanitaire qui, dans des    cas sociaux extrêmement pénibles, permet à un père    de famille d'aliéner la liberté de sa fille mineure pour donner    à celle-ci la possibilité d'entrer dans une famille aisée    et d'élever son niveau social. C'est là le sens littéral    du verset cité ci-dessus.
Mais le " Zohar "    - la Kabbale - voit dans cette loi de la Torah une parabole ; l'homme qui aliène    la liberté de sa fille, c'est l'Eternel. Sa fille, c'est l'âme    humaine qu'il va confier au corps de l'homme. Or celle-ci implore son père    en invoquant le danger d'un tel séjour : " Comment donc peux-tu    m'assigner une telle demeure ? Comment pourrai-je résider en un tel lieu    de perdition ? " L'Eternel, cependant, insiste auprès de son    enfant ; " Va, ma fille; telle est ta destinée. C'est auprès    du corps que je te charge d'une grande et noble mission ". Et l'âme,    en fille obéissante, va rejoindre son enveloppe corporelle. C'est alors    que l'Eternel, plein d'amour et de compassion pour son enfant, s'adresse à    l'homme à qui il l'a confiée en disant : " Je vous en    prie, ne traitez pas mon enfant comme une esclave ; ne l'asservissez pas à    vos passions; laissez-la suivre ses aspirations, permettez-lui de venir me retrouver    de temps à autre! "
 
LA COMMUNICATION AVEC    D.IEU : DES SACRIFICES A LA PRIERE
 
 
C'est avec D.ieu que l'âme va communiquer sans cesse à travers ce chant d'amour qu'est la prière.
De tout temps, l'homme a    senti spontanément le besoin d'entrer en communication avec D.ieu. Reportez-vous    à l'origine de l'histoire de l'humanité et vous verrez Cain et    Abel offrir à l'Eternel les biens terrestres qui leur appartenaient,    Noé remercier le Seigneur par ses sacrifices. Vivant dans la nature,    voyant à tous les instants se manifester le doigt de D.ieu, nos ancêtres    sentaient intimement les liens qui les attachaient au Créateur et lui    exprimaient leurs sentiments au moyen de ces dons matériels qu'ils lui    offraient.
Mais bien vite les hommes    surent s'abstraire de ces offrandes vouées à l'Eternel. Ils n'eurent    plus besoin des sacrifices pour exprimer à D.ieu ce qu'ils ressentaient.    Ils utilisaient maintenant ce noble organe dont D.ieu les avait pourvus et par    lequel il les avait distingués des autres créatures : la parole.    Et nous voyons alors Abraham prier pour Sodome, Isaac épancher son cœur    en faveur de sa femme, Jacob demander l'appui divin par crainte d'Esaü.    Du milieu de l'esclavage égyptien s'élève vers le Seigneur    la première prière collective des nos ancêtres asservis    et Moïse, plus tard, passera quarante jours, en ce mois d'Eloul, à    implorer de D.ieu le pardon pour le peuple d'Israël.
Comment expliquer autrement    cette recherche de D.ieu, cet attrait vers le Très-Haut, qui anime le    fin fonds de notre être, si ce n'est par la présence en chacun    de nous de notre âme, substance toute spirituelle, attirée vers    les sphères célestes dont elle est issue, par la proximité    de cette enfant de D.ieu, liée à son Père céleste    par des sentiments affectueux durables ? Celui-ci l'a confiée au corps    de l'homme. Elle doit le diriger, le guider sur le droit chemin, choisir ce    qui est bon et éloigner de lui toute cause de souffrance et de malheur.    Où trouverait-elle le courage et l'inspiration pour réaliser sa    mission sinon auprès de celui qui l'en a chargée ? C'est avec    lui qu'elle va donc communiquer sans cesse à travers ce chant d'amour    qu'est la prière, c'est de lui que, de la sorte, par l'intermédiaire    de cette communication, elle recevra les conseils et les directives.
 
 
 
L'EMANCIPATION DU CORPS
 
Pendant longtemps il eu    fut effectivement ainsi : l'âme dirigeait les destinées de l'homme.    Dans son élan vers D.ieu, elle avait même réussi à    entraîner le corps qui, en sourdine, l'accompagnait dans son chant. C'est    un duo harmonieux qui, de la sorte, s'élevait vers D.ieu de cette terre    des hommes. Cependant l'âme n'en devait pas moins lutter contre l'emprise    de ce corps auquel D.ieu l'avait confiée. Aussi paradoxal que cela puisse    paraître, plus l'âme défendait les intérêts    du corps de l'homme, plus celui-ci essayait de la brimer et de l'asservir. Ce    n'est pas sans raison que l'Eternel avait fait au corps de sévères    recommandations quand il lui avait confié son enfant. Ne connaît-il    pas à fond chacune de ses créatures?
 
Un flot de paroles en sortit, mais la communication avec D.ieu ne s'établit point.
Le jour vint même    où le corps s'émancipa. Il était capable, dit-il, de faire    par lui-même son bonheur. Il emprisonna donc l'âme dans une cage    et l'empêcha dorénavant d'élever son chant vers l'Eternel.    C'est lui qui allait maintenant la remplacer. Et il se mit à remuer des    lèvres. Un flot de paroles en sortit, mais la communication avec D.ieu    ne s'établit point. C'était une sinistre parodie: il ressemblait    à un oiseau englué qui s'efforce en vain de prendre son vol. Et    l'Eternel, devant ces efforts inutiles, de s'écrier : " Comment    donc pourrait-il s'approcher de moi en ne faisant que remuer les lèvres,    en m'honorant par des mots vides, pendant que mon enfant - l'âme - est    tenue éloignée de moi ? " (Isaie 29, 13). Pendant ce    temps, l'âme humaine, séquestrée, soupirait et se languissait    d'amour, n'ayant pas la possibilité d'entrer en communication avec son    Père céleste.
Cette situation, hélas,    s'est perpétuée ainsi jusqu'à nos jours. Les corps continuent    à prier. Ils prient même beaucoup. On ajouterait même au    nombre de nos prières si l'on pouvait. 
A heures fixes, les vannes s'ouvrent toutes grandes et les mots - beaucoup de    mots ! - sortent en trombe, s'entre choquent, se brisent, se déforment    et s'entremêlent. Mais la quantité y est. Qu'importe le reste.
N'est-il pas dit cependant    : " Lorsque vous voulez m'adresser une prière, n'en faites pas    une affaire d'habitude; faites qu'elles méritent vraiment ce nom: qu'elles    soient un acte de soumission et d'humilité devant le Seigneur "    ? (Avott 2, 18).
Et que dire de la    tenue dans laquelle les corps se livrent à cet exercice purement oratoire?    Mieux vaut ne pas préciser notre pensée. II suffit de dire que    nous ne nous tiendrions pas de la sorte devant une personne pour laquelle nous    avons la moindre considération, que nous n'adresserons pas la parole    à qui que ce soit tout en lui tournant le dos, en souriant à d'autres,    en nous interrompant continuellement pour saluer ou interroger sur leur santé    tous les passants.
Il est écrit pourtant : " Quand vous priez sachez devant qui    vous vous tenez " !
C'est contre une telle prière    - si l'on peut encore l'appeler ainsi - une prière toute corporelle,    privée d'âme, anémiée, superficielle et routinière    qu'il convient d'agir à l'approche de ces jours redoutables où    nous avons l'habitude d'augmenter la quantité de nos prières.
Faisons en sorte que nos prières méritent.
 
QU'EST-CE-QUE PRIER ?
 
 
Prier c'est laisser, notre âme s'élancer librement vers les hautes sphères célestes, l'accompagner de tout notre être dans cet élan vers D.ieu.
Prier c'est vivre quelques    instants dans l'intimité de notre D.ieu, associé à nos    pensées et à nos actes les plus personnels.
Prier c'est se blottir dans    les bras de notre Père céleste pour y épancher notre cœur    sans réserve, lui manifester notre reconnaissance et notre gratitude,    puiser en lui le courage dans les revers que nous subissons, décharger    notre conscience devant celui qui seul peut nous juger réellement.
Prier c'est s'humilier devant    le Souverain Maître qui dirige nos destinées, c'est lutter contre    ce sentiment d'orgueil qui s'élève en nous et nous fait dire si    souvent : " C'est grâce à nos seuls et propres efforts    que nous réussissons dans la vie ".
Prier c'est établir    entre D.ieu et nous une ligne de communication continuelle par laquelle il nous    est possible de l'atteindre sans jamais être coupés et de de recevoir    aussi sa réponse, selon l'image de l'échelle de Jacob : "    Les messagers divins y montaient et en descendaient " .
Prier c'est, selon les 'Hassidimes,    s'élever à des hauteurs vertigineuses au-dessus des contingences    et des préoccupations d'ordre matériel.
Prier c'est alimenter régulièrement    la partie spirituelle de notre être, tout aussi bien que nous subvenons    aux besoins de notre corps.
Prier c'est recueillir à    sa source et fortifier en soi les idées essentielles du judaïsme,    telle que l'unité de D.ieu et du genre humain, le retour à Sion    et l'avènement de l'ère messianique, que seules la prière    a maintenues en nous vivaces malgré toutes les circonstances.
Bref, prier c'est laisser,    notre âme s'élancer librement vers les hautes sphères célestes,    l'accompagner de tout notre être dans cet élan vers D.ieu, nous    abandonner en lui comme un enfant confiant dans les bras de ses parents, contempler    ce modèle de perfection qu'est l'Eternel et nous efforcer de l'imiter.
D'une telle prière    l'homme sort soulagé, plein de courage, rasséréné    et amélioré, grandi après s'être humilié,    plein d'optimisme et d'enthousiasme , rempli d'amour pour D.ieu et ses créatures    et non pas essoufflé, découragé, fatigué et blasé    parce que son âme inassouvie est restée. sur sa soif de D.ieu.
C'est en notre faveur donc et pour notre bien que l'Eternel, nous ayant confié    son enfant - l'âme - nous demande instamment:: "Ne l'asservissez    pas, ne la brisez pas, laissez-la prendre librement son essor, permettez-moi    d'assurer ses besoins spirituels et de se retrouver auprès de Moi, facilitez-lui    par votre tenue et par votre comportement son élan vers son Père    céleste, ne coupez sa communication sous aucun prétexte. Vous    en retirerez les conséquences bienheureuses pour vous-mêmes mais    aussi pour d'autres que vous aurez entraînés par votre exemple,    pour tous ceux qui, alourdis jusque-là par les vicissitudes matérielles,    sauront maintenant s'en dégager et prendre, à votre suite, leur    envol vers les sphères éthérées ":
Un jour le fils de Rabban    Yo'hanann ben Zaccaï tomba malade. Comme les médicaments ne réussirent    pas à le rétablir, son père envoya des émissaires    auprès de Rabbi 'Hanina ben Dossa pour lui demander d'intervenir auprès    du Seigneur en faveur du malade. L'Eternel écouta effectivement la prière    de Rabbi 'Hanina et l'enfant guérit. La femme de Rabban Yo'hanann, étonnée,    demanda alors à son mari :
- "Mais est-ce que Rabbi 'Hanina est un personnage plus important que    toi ? C'est toi pourtant le chef religieux de la Communauté juive! Pourquoi    sa prière a-t-elle été exaucée plutôt que    la tienne ? "
- " C'est, répondit Rabban Yo'hanann ben Zaccai, justement parce    que je suis le chef religieux de la Communauté. Je ne sais pas assez    m'humilier devant l'Eternel ; aussi ne prend-Il pas ma prière en considération    ".
 
 
 
L'ETUDIANT ET LE PORTE-FAIX
 
 
Le corps et l'âme forment une association.
Un porte-faix, un homme    fort et bien musclé, s'avisa un jour de faire un contrat avec un étudiant    d'une Yechiva. Les termes en étaient les suivants : il s'engageait a    fournir à l'étudiant ce qu'il lui fallait matériellement:    celui-ci, par contre, devait lui faire partager les connaissances qu'il acquérait.    Tout alla bien jusqu'au jour où le porte-faix se ravisa. Il voulait dorénavant    intervertir les rôles : c'est l'étudiant, maigre et décharné,    qui devait porter les lourds fardeaux ; quant à lui, il voulait à    partir de maintenant se mettre à l'étude. Bien entendu, de telles    conditions ne purent être acceptées par l'étudiant. 
Il en est ainsi de nous tous : le corps et l'âme forment une association.    Le corps doit subvenir aux besoins matériels des associés ; l'âme    aux besoins spirituels. Combien de gens pourtant inversent les rôles c'est    le corps qui prie et se secoue, les lèvres qui s'agitent mécaniquement.    Par contre l'âme, elle, vaque pendant ce temps aux affaires, au commerce,    à la bourse... (Le Maguid de Doubno)