Le slogan : " Cessons d'acheter    anglais ! " lancé il y a plusieurs années par le gouvernement de la Malaisie    répondait à des allégations parues dans la presse britannique selon lesquelles    des pots-de-vin étaient offerts aux fonctionnaires pour s'assurer d'importants    contrats.Parmi ces    fonctionnaires, selon la presse, figurait le Premier ministre lui-même.
En même temps, la question    s'est posée en Grande-Bretagne sur l'opportunité d'utiliser les fonds destinés    officiellement à aider économiquement la Malaisie comme un pot-de-vin national    pour le même but. Les firmes britanniques étaient menacées de perdre près d'un    milliard de Livres Sterling sous la forme d'annulations de contrats, d'abandons    de participations dans de grands projets et de refus de marchandises exportées.
Il était évident, au-delà    des pertes financières, que la mise en application et la poursuite de cette    politique ne manqueraient pas d'entraîner une augmentation du chômage.
 
Les pratiques immorales et les problèmes éthiques qu'elles posent sont présents dans presque toutes les économies
Les sociétés européennes    et américaines, le plus souvent, assurent que la corruption, les méthodes de    production dangereuses et les procédés de fabrication écologiquement dommageables    sont acceptés comme faisant partie des cultures locales, et donc sont couramment    pratiqués dans beaucoup de pays étrangers. Celles d'entre elles qui n'opéreraient    pas selon ces normes différentes risqueraient de se trouver désavantagées si    elles respectaient leurs propres normes alors que leurs concurrents ne le feraient    pas.
C'est ainsi que l'on a    prétendu que la promulgation du Corrupt Practices Act aux Etats-Unis    a eu pour effet un tel désavantage, étant donné que beaucoup de pays européens    et du Sud-est asiatique n'ont pas de législation similaire.
 
Cependant, l'indignation    devant l'argument selon lequel le recours à l'aide de l'Etat et à la corruption    privée sont essentiels compte tenu de la " culture différente " semble parfaitement    justifiée. Après tout, on peut montrer que les pratiques immorales et les problèmes    éthiques qu'elles posent sont présents dans presque toutes les économies et    dans des entreprises de toutes tailles, quelle que soit leur origine nationale    ou ethnique.
Les employés des services    " achats " des sociétés reçoivent souvent des ristournes afin qu'ils restent    fidèles à un fournisseur spécifique.
Les organisateurs de voyages    touristiques encaissent parfois des commissions spéciales et confidentielles    payées en nature ou en espèces afin qu'ils incluent dans leurs itinéraires certaines    compagnies aériennes, hôtels, restaurants et magasins.
Les fonctionnaires en poste    dans les administrations investies d'un pouvoir de surveillance et de contrôle,    dont les salaires sont souvent sans commune mesure, tant ils sont modestes,    avec les pouvoirs dont ils sont investis, ont parfois du mal à refuser d'être    payés pour fermer les yeux sur un manquement ou pour composer dans un sens donné    des spécifications et des contrats afin qu'ils conviennent à certains groupements    ou à certaines sociétés.
Toutes les formes de paiements    subreptices ou d'informations livrées à des personnes non autorisées constituent    en fait des actes de corruption.
 
MEFAITS    ECONOMIQUES ET MORAUX
 
 
Le judaïsme considère tous ceux dont les décisions ont pour effet un transfert de richesse ou de propriété d'un individu à un autre, comme des juges
Tous ces cas ont pour conséquences    des dommages subis par les consommateurs, par les concurrents ou par les deux.
Le coût direct de    la corruption est mis à la charge du consommateur, soit sous la forme    d'une augmentation des prix, soit sous celle d'une baisse de qualité des services    ou des biens. Les entreprises qui ne peuvent pas fournir de paiement illégal    ne seront pas capables de se maintenir sur le marché.
La conséquence n'en sera    pas seulement une baisse des ventes et des bénéfices, mais aussi une perte pour    les consommateurs qui devront en supporter le coût, à cause de la diminution    de la concurrence.
 
Plus importants que les    effets économiques sur les consommateurs ou les concurrents, sont ceux de nature    morale sur toutes les parties concernées.
Le judaïsme considère tous    ceux dont les décisions ont pour effet un transfert de richesse ou de propriété    d'un individu à un autre, comme des juges. Les fonctionnaires officiels, les    représentants politiques élus, les dirigeants de sociétés, et certains employés,    qui acceptent de tels paiements, déforment leurs décisions exactement comme    les divers niveaux de l'autorité judiciaire, avec exactement les mêmes résultats.
Les versets bibliques,    qui affirment que " la corruption aveugle les yeux des sages et déforme les    paroles des justes ", s'appliquent tout autant à eux.
Cependant, l'origine des    paiements n'est pas moins coupable. C'est le paiement qui conduit le bénéficiaire    à déformer son jugement ou à abuser de sa position. Sans lui et sans l'action    du payeur, rien n'arriverait d'immoral ou de contraire à l'éthique. Nos Sages    faisaient sobrement remarquer que " ce n'est pas la souris qui vole mais le    trou " (Qiddouchin 56b).
 
LE POUVOIR    ABSOLU CORROMPT ABSOLUMENT
 
 
La fiscalité et l'activité économique du secteur public exigent d'être surveillées et scrutées plus attentivement que les activités des individus ou des sociétés
L'activité des gouvernements    dans le fonctionnement même des marchés, constitue souvent un de ces " trous    " et permet aux actes malhonnêtes de se développer.
La France est le    dernier pays en date où un personnage de premier plan, le Président Mitterrand,    a été impliqué dans un scandale résultant de paiements effectués par un important    homme d'affaires.
En Italie, des industriels    occupant l'avant de la scène, des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires    ont été tellement compromis dans des scandales que non seulement ils ont été    emprisonnés ou démis de leurs fonctions, mais que, lors des élections, des partis    comme celui des Démocrates-Chrétiens ont été écartés du pouvoir. La tardive    promulgation de codes éthiques par les grandes sociétés italiennes n'a fait    qu'exprimer leur réaction aux exigences de réformes présentées par l'opinion    publique.
Le Japon non plus    n'a pas été épargné par la vague de réforme. Des élections, il y a plusieurs    d'années, ont arraché le pouvoir des mains du Parti Libéral-Démocrate qui le    détenait depuis des décennies, pour le remplacer par d'ardents adversaires de    la corruption.
 
Si l'on recherche un    modèle commun à ces pays, et à d'autres, qui chancellent pareillement sous les    scandales financiers, ce n'est pas un cadre éthique accepté et étranger au monde    occidental que l'on trouve, mais l'engagement des gouvernements dans le fonctionnement    des marchés.
En Italie, plus de 50 %    de l'activité économique était générée par des sociétés appartenant au secteur    public.
La France essaie encore    de se débarrasser de son héritage économique d'origine socialiste.
Au Japon, il a toujours    existé un rapport étroit entre les entreprises financières et industrielles    et la classe politique.
Dans tous ces cas,   l'aptitude du gouvernement à réglementer, l'existence de sociétés possédées    par les gouvernements avec des objectifs sociaux plutôt qu'économiques, et l'influence    du budget de l'Etat sur l'activité économique, procurent la nécessité et l'occasion    de scandales financiers.
Les enveloppes remises    aux hauts fonctionnaires, les contributions versées aux partis politiques et    l'abus du pouvoir bureaucratique sont devenus des comportements normaux dans    le secteur des affaires bien plus que des aberrations causées uniquement par    la cupidité personnelle.
Il est vrai qu'il y a de    nombreux besoins sociaux ou écologiques que le secteur privé ne peut pas satisfaire,    que ce soit à cause de leur coût, de leur l'étendue ou du conflit entre le bien    public et le gain personnel. Cela signifie qu'une économie socialement juste    a besoin de la participation d'un secteur public et qu'une législation régulatrice    est souvent nécessaire. Mais on ne doit pas perdre de vue, en même temps, les    tentations à la malhonnêteté. Pour méritoires et conformes à l'éthique qu'elles    soient, la fiscalité et l'activité économique du secteur public exigent d'être    surveillées et scrutées plus attentivement que les activités des individus ou    des sociétés car, après tout, si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt    absolument.
 
DES MESURES    POUR EVITER LES ABUS DE POUVOIR
 
 
Le prêtre qui recueillait l'argent du Temple le faisait pieds nus et vêtu d'une simple chemise dépourvue de poches
Depuis les temps bibliques,    une législation socialement orientée, conçue pour pourvoir aux besoins de la    société, a toujours été une caractéristique du judaïsme.
En même temps, on a pris    grand soin d'instituer des règles destinées à protéger contre les abus de pouvoir.
Le prêtre qui recueillait    l'argent du Temple le faisait pieds nus et vêtu d'une simple chemise dépourvue    de poches.
Il n'a pas été permis aux    fils du grand prêtre 'Eli et du prophète Samuel de succéder à leurs illustres    pères à cause de leur malhonnêteté.
Même Moïse, le législateur,    père de tous prophètes, a pris soin de rendre compte de toutes les richesses    accumulées pour la construction du Tabernacle, afin d'être à l'abri de toute    suspicion.
Si le Roi, c'est-à-dire    l'Etat, a le droit de lever des impôts et de prononcer des expropriations, il    ne peut le faire que pour le bien-être de la société et non pour son bénéfice    personnel. C'est ainsi qu'il y a eu une approbation prophétique de la grève    des impôts déclenchée contre Roboam, le fils et successeur de Salomon, et une    ratification halakhique du refus par Nabot de vendre son vignoble au roi Achab.
Traduction et adaptation de Jacques KOHN