Logo Lamed.frhttp://www.aish.comAccueil Lamed.fr
...
.

Paracha

.
...
...
.

Soutenez-nous

.
...
Paracha / Exploration back  Retour

Les dangers de l'Extase

Dans cette parasha, nous trouvons les instructions données à Aaron en ce qui concerne le service de Yom Kippour. En guise d'introduction à ce service, on rappelle la mort des deux fils d'Aaron, Nadav et Avihou, établissant ainsi un lien entre le service et leur disparition fatidique.

L'objectif de Yom Kippour est d'obtenir le pardon pour le peuple tout entier :

Car en ce jour, Je vous pardonnerai, pour vous purifier de toutes vos fautes, devant D-ieu vous serez purs. [Lévitique 16:30]

Comparativement à la nation tout entière, une attention spéciale est accordée au Sanctuaire et aux Cohanim, les prêtres.

Il (le CohenGadol) fera expiation pour le "Saint des Saints" et la tente d'assignation; et il fera expiation pour l'autel et pour les prêtres et pour tout le peuple de la communauté il fera expiation. [Lévitique 16:33]

Ainsi, le service est en partie destiné à expier les fautes des cohanim.

Auparavant, on nous a précisé qu'Aaron lui-même ne devait pas entrer n'importe quand à l'intérieur du Saint des Saints, mais à un moment précis, et selon un rituel bien codifié. Alors que Nadav et Avihou étaient entrés dans le Sanctuaire et s'étaient approchés de D-ieu dans un moment d'extase, Aaron reçoit des instructions très précises sur la manière et les conditions du service divin.


L'Eternel dit à Moïse : parle à Aaron ton frère et qu'il ne vienne pas à tout moment dans le sanctuaire qui est au-delà du rideau, en face du couvercle qui est sur l'arche et il ne mourra pas car J'apparaîtrai dans un nuage sur le couvercle. [Lévitique 16:2]

La signification est claire : la ligne de démarcation entre le service divin et le service de soi-même, peut être extrêmement mince, mais cette ligne peut faire la différence entre la vie et la mort.

COMPRENDRE YOM KIPPOUR


Afin de mieux comprendre cela, et par là même le service de Yom Kippour, nous devons comprendre en quoi le comportement des enfants d'Aaron leur a été fatal.

Le Shem MiShmouel, décrit la faute de Nadav et Avihou comme la conséquence d'une passion et d'un amour pour D-ieu illimités mais aussi débridés. Cette passion a été générée par les évènements du huitième jour de l'inauguration du Tabernacle (voir parasha Shemini). Le Talmud nous dit également que ce jour était particulièrement aimé de D-ieu :

Il a été enseigné : en ce jour il y avait autant de joie devant D-ieu, qu'au jour de la création du Ciel et de la Terre. [Meguila 10b]

Dans cette atmosphère de joie, et agissant sous l'émotion, dans un moment d'extase, Nadav et Avihou s'approchèrent de D-ieu de façon incorrecte et par conséquent moururent.

Le sérieux et l'austérité de Yom Kippour semblent contraster avec l'extase de Nadav et Avihou. Le message est clair. Le danger d'une expérience religieuse née de l'extase est d'essayer de créer une relation qui n'est pas voulue par D-ieu.

Agir selon ses émotions, c'est rendre l'expérience subjective et égoïste. Il s'agit alors d'une expérience religieuse désirée par la personne et non par l'objet du service. Avec un tel comportement, la personne risque de franchir la limite en créant un dieu à son image plutôt que de manifester l'image de D-ieu qui est en elle.

Cela ne veut pas dire que le Judaïsme ne reconnaît pas qu'un acte religieux sincère puisse provenir d'une expérience extatique. En effet, c'est possible. Nous désirons tous un rapport avec D-ieu animé par la joie, mais une telle relation ne peut se développer qu'à partir du désir de faire plaisir à D-ieu tel qu'Il nous l'a demandé, (selon Ses modalités et non les nôtres).

L'AMOUR ET LA CRAINTE DE D-IEU

C'est la frontière entre "l'amour de D-ieu" et "la crainte de D-ieu" dont parlent nos sages.

Ce n'est qu'après le service de Yom Kippour, au cours duquel nous suivons les moindres détails des instructions divines, que nous pouvons établir une relation avec D-ieu fondée sur l'amour. A l'époque du temple, le service de Yom Kippour se terminait par un immense débordement de joie :

Rabban Shimon ben Gamliel a dit : Il n'y avait pas, en Israël, de jours plus joyeux que le 15 Av et Yom Kippour. [Mishna Taanit 4:8]

Les sages nous rapportent que les rues de Jérusalem étaient tellement remplies de fidèles que le Grand Prêtre, le Cohen Gadol, ne rentrait chez lui que plusieurs heures après la fin du Jeûne. La plus grande manifestation de joie, Sim'hat béte hashoéva, était célébrée une semaine après Yom Kippour.


On disait : celui qui n'a jamais vu "sim'hat béte hashoéva", n'a jamais vu la joie de sa vie. [Mishna Souka 5:1]

La symbiose entre la crainte de D-ieu, manifestée par l'observance des moindres détails, et la célébration joyeuse de l'amour de D-ieu est stigmatisée par cette fête.

Un autre personnage était lui aussi transporté par cette extase, par ce sentiment de joie extrême généré par son amour pour D-ieu : le Roi David (Samuel II 6:16). Mais David possédait aussi un sens profond de "la crainte du Ciel", comme en témoigne le Livre des Psaumes.

L'extase, la contemplation de Nadav et Avihou, n'était pas compensée par ce deuxième élément indispensable, équilibrant. Voilà pourquoi, les instructions détaillées du service de Yom Kippour (jour où la crainte de D-ieu était probablement la plus ressentie), sont mentionnées juste après avoir évoqué leur comportement.

L'encens qu'ils ont apporté est remplacé par l'encens offert par Aaron, ce dernier devant suivre à la lettre l'ordre divin, car le moindre écart aux instructions divines dans le déroulement de ce service peut être fatal. Les aliments et les boissons des fils d'Aaron sont remplacés par un jour de total abstinence d'aliments et de boissons.

LES DEUX BOUCS


D'autres détails du service de Yom Kippour prennent également un nouveau sens quand ils sont comparés aux agissements de Nadav et Avihou. Le rituel central du jour impliquait deux boucs, l'un offert dans le Temple, l'autre envoyé dans le désert.

Le bouc offert dans le sanctuaire était "korbane lashem" (sacrifice pour D-ieu). L'autre, envoyé vers un lieu de désolation et poussé du haut d'une falaise, était "korbane laazazel" (sacrifice pour azazel) qui a donné naissance à une expression devenue célèbre : "bouc émissaire".

Ce rituel est quelque peu étrange. Pourquoi prendre un bouc, simplement pour le rejeter et l'envoyer au loin, vers un endroit désert où personne n'assistera à son sacrifice? Ce rituel semble nous apprendre la différence fondamentale qui existe entre le service divin, accepté et aimé de D-ieu, et "le bouc émissaire" qui représente ce qui a été rejeté par D-ieu. Mais il y a plus encore.

En ce qui concerne les deux boucs de Yom Kippour, la Mitsva est qu'ils soient identiques en apparence, en taille et en valeur; ils doivent être choisis en même temps. [Yoma 62a]

Cette Mishna enseigne que ces deux boucs devaient être identiques, comme des jumeaux. Ceci paraît étrange. Pourquoi les boucs devaient-ils être identiques, surtout quand on sait combien la signification qu'ils revêtaient était différente?

Le thème des "jumeaux", jumeaux qui sont en tout point opposés, apparaît souvent dans la Torah. Les jumeaux les plus célèbres étant évidemment Jacob et Esaü. Ils étaient diamétralement opposés : l'un bon, l'autre mauvais. Personne ne pouvait les confondre. Toutefois, ils avaient peut-être quelques ressemblances. Rashi nous dit que jusqu'à l'âge de 13 ans, on ne pouvait les distinguer (Rashi, Bereshit 25:27). Le Midrash affirme :

Essav méritait d'être appelé Jacob et Jacob méritait d'être appelé Essav. [Midrash Zouta Chir Hachirim 1:15]

Leur ressemblance était telle que leur père les a confondus. L'un s'habilla comme l'autre et l'autre parla comme le premier.

Pourquoi le plan divin a-t-il mis en scène des jumeaux? Etait-il nécessaire que ces "frères ennemis" soient jumeaux? Le fait d'être frères aurait peut-être été suffisant. Manifestement, la Torah voulait que Jacob et Essav, soient quasiment identiques. Leur ressemblance représente peut-être l'infime ligne de démarcation qu'il peut y avoir entre un comportement louable et l'idolâtrie, entre le bien et le mal.

Rav Yits'hak Hutner a relevé cette ressemblance et en a conclu que lorsque des choses paraissent semblables extérieurement, c'est un signe pour que l'on se concentre davantage sur l'aspect intérieur, sur l'essence même, afin de percevoir la différence (voir Pa'had Yits'hak, Pourim, page 43).

Le thème des deux boucs est intrinsèquement lié aux personnalités de Jacob et Esaü ils paraissent identiques à l'extérieur, mais leur essence est aux antipodes. La raison pour laquelle nous avons besoin d'offrir le second bouc, le bouc émissaire, c'est que trop souvent nous nous trouvons dans l'habit d'Esaü au lieu de nous comporter comme le Jacob/Israël que nous sommes.

Ce parallèle entre les deux boucs sacrifiés le jour de Yom Kipour et la relation Jacob/Esaü est renforcé par le texte de la Torah. Rappelons-nous du fameux épisode où la mère de Jacob le convainc de s'habiller comme son frère pour prendre la bénédiction de son père. Rebecca lui précise :

Va maintenant vers le troupeau et rapporte-moi deux bons boucs...[Genèse 27:9]

Le Midrash développe cette idée :
D'où savons-nous que c'était grâce au mérite de Jacob (que nous apportions les deux boucs à Yom Kippour)? Ce sont les deux boucs auxquels sa mère a fait référence lorsqu'elle dit : "Va maintenant vers le troupeau et rapporte-moi deux bons boucs..." Pourquoi sont-ils appelés "bons"?

Rabbi Brekhia a dit au nom de Rabbi 'Helbo : "ils sont bons pour toi et bons pour tes enfants. Ils sont bons pour toi lorsque tu entreras et prendras les bénédictions de ton père, et ils sont bons pour tes enfants lorsqu'ils se saliront par le péché tout au long de l'année. Ils prendront alors ces deux boucs, les offriront et ils seront purifiés" [Pessikta Rabbati section 47]

L'entrée de Jacob dans la pièce où se trouvait son père peut être mise en parallèle avec l'entrée, une fois par an, du Cohen Gadol, le Grand Prêtre, dans le Saint des Saints. Jacob a préparé pour sa rencontre deux boucs, ses descendants en feront de même plus tard.

UN BOUC POUR AZAZEL

Bien que nous puissions maintenant comprendre la symbolique des deux boucs, nous n'avons toujours pas d'explication sur la signification du bouc envoyé vers un lieu de désolation et sur le nom qu'il porte : bouc "pour azazel".

Rabbi Mena'hem Azarya DeFano, dans son ouvrage "Sefat Emet" explique que le nom Azazel est l'acronyme de ze le'oumat ze 'assa Elokim, "D-ieu a fait correspondre l'un à l'autre", un verset de l'Ecclésiaste :

Quand les choses vont bien, sois heureux, mais au jour du malheur, réfléchis : D-ieu a fait correspondre l'un à l'autre, pour que l'homme ne trouve rien à redire contre Lui. [Ecclésiaste 7:14]


Selon Rabbi DeFano, le contraste entre le bien et le mal, avec l'acceptation que les deux émanent de D-ieu, est résumé dans ce verset. Dans la même idée, le Midrash explique que D-ieu a créé à la fois Jacob et Essav (voir Pessikta DéRav Kahana, chapitre 28).

Il est fascinant de noter que l'exemple type illustrant que le bien comme le mal émanent de D-ieu n'est autre que le cas de Jacob et Esaü. Dès lors, nous comprenons que quelque part, le bien a besoin du mal pour exister, pour la seule et unique raison d'avoir quelque chose à rejeter. C'est son contraste avec le mal qui permet au bien de briller.

Les problèmes surgissent lorsque l'homme emprunte les voies du mal, s'identifiant à elles, au lieu de les rejeter. Ce chemin est un rejet de D-ieu et de l'image de D-ieu qui est en nous, comme en témoigne un autre détail du rituel de Yom Kippour.

C'est le tirage au sort qui déterminait lequel des deux boucs identiques devait être sacrifié dans le Sanctuaire et lequel était destiné à Azazel.

L'idée de faire appel au sort, semble être une concession au "hasard" qui jalonne l'existence humaine. Et pourtant, cette conviction de penser que la vie est déterminée par le hasard, plutôt qu'orchestrée par D-ieu, est considérée comme contraire au Judaïsme. C'est Amalek, l'ennemi qu'Israël doit effacer de la surface du globe, qui adhère à cette philosophie.

Souviens-toi de ce que t'a fait Amalek en route quand vous êtes sortis d'Egypte. Il t'a rencontré en chemin... [Deutéronome 25:17-18]

Rashi explique que le terme "il t'a rencontré", karkha, peu utilisé dans la Torah, signifie "par hasard". Par ces quelques mots Rashi nous apprend toute la différence entre le Judaïsme et la philosophie d'Amalek. Nous croyons en un D-ieu qui est impliqué dans l'Histoire, alors que pour Amalek, la vie n'est qu'une succession de coïncidences. Haman, l'un des plus célèbres descendants d'Amalek, a utilisé le "sort" pour déterminer quel était le meilleur jour pour attaquer et exterminer les Juifs. Ces derniers, en réponse à cela, se sont tournés vers D-ieu, ont placé leur confiance dans Son implication dans l'Histoire et ont été sauvés. De la même manière, Moshé priait et levait les mains au Ciel, alors que la bataille contre Amalek faisait rage autour de lui, pour signifier aux Juifs que lever les yeux, demander l'aide du Très-Haut et n'avoir confiance qu'en Lui était la seule arme contre Amalek.

Quand le Juif faute et commence à se comporter comme Essav, oubliant D-ieu qui est à chaque instant impliqué dans l'histoire du monde, D-ieu l'invite à entrer dans le Sanctuaire, représenté par le Cohen Gadol.

Le tirage au sort des deux boucs nous contraint à examiner notre comportement : n'avons-nous pas indirectement adhéré à la philosophie d'Essav et d'Amalek, philosophie qui consiste à penser que la vie n'est qu'une succession de "hasards", de "chances" ou de "malchances"? Ignorer que D-ieu s'implique dans les moindres détails de notre vie constitue la source de toute faute. Par conséquent, à Yom Kippour, rien ne peut être oublié, chaque détail est important.

Chaque détail de Yom Kippour est la reconnaissance de l'implication de D-ieu dans nos vies. Cette journée est remplie de respect et de crainte, une crainte qui ne peut se ressentir qu'après avoir compris que D-ieu est intimement impliqué dans nos vies. Cette crainte, en retour, donne naissance à une joie qui ne peut se ressentir qu'après avoir compris que le D-ieu que nous craignons est le D-ieu du pardon et d'un amour infini.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Ari KAHN
Le rabbin Ari Kahn, un disciple de Rav Yossef Dov Soloveitchik, est diplômé de la Yeshiva University. Il se consacre actuellement à l’enseignement à Aish HaTora ainsi qu’à l’Université Bar Ilan, où il est Directeur des programmes pour étudiants étrangers. Il donne fréquemment des conférences aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud pour le compte de cette université et d’Aish HaTora.
  Liens vers les articles du même auteur (38 articles)


Emettre un commentaire
 Nom
 Prénom
 Email *
 Masquer mon email ?
Oui  Non
 Sujet
 Description (700 caractères max) *
 * Champs obligatoires
...
.

Outils

MODIFIER LA TAILLE DU TEXTE
.
...
...
.

Et aussi...

.
...