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Le “Da Vinci Code” et les Juifs“LE best-seller du 21ème siècle ” ! Les chiffres sont stupéfiants. Vendu à quarante millions d’exemplaires dans le monde. Traduit dans 44 langues. Et pour finir, bientôt sur les écrans de cinéma avec la star américaine Tom Hanks en vedette.

Les critiques sont unanimes : le Da Vinci Code de Dan Brown tient une place unique dans l’histoire de l’édition.

Et ce qu’il faut bien avouer, c’est que l’Eglise catholique n’en est pas particulièrement ravie.

Après tout, l’auteur ne s’est pas contenté de rédiger un roman à clé captivant. En effet, en prenant comme point de départ un meurtre au musée du Louvre, il a tissé tout autour une histoire pleine de complots chrétiens, de tentatives menées en haut lieu d’étouffer l’affaire, d’anciennes sociétés secrètes et suggère à maintes reprises que tout cela appartient plus à de la réalité qu’à la fiction.

L’histoire écrite dans un style de roman à clés introduit le lecteur dans le monde des ordres catholiques qui existent réellement, dans des lieux saints importants qui peuvent être aisément visités et le met en présence de personnages célèbres aussi bien du passé et que du présent qui partagent tous la conviction, telle que cela est présenté, qu’il s’agit de la plus grande mystification théologique de l’histoire.

“Presque tout ce que nos ancêtres nous ont enseigné au sujet du Christ est faux”, se lamente un des personnages de Dan Brown. Un de ses héros affirme même : “la foi est fondée sur une mystification. ”

Mêlant réalité et fiction dans un mélange inflammable qui laisse les lecteurs incapables d’en discerner la frontière, Brown nous incite à croire, avec plus d’un clin d’œil à l’appui, que des millions de pieux Chrétiens ont été les victimes d’un incroyable canular et que l’on ne leur a jamais dit la vérité au sujet du Saint Graal.

Pendant des siècles, on leur a enseigné que le Saint Graal est la coupe dans laquelle Jésus a bu lors de la Cène. Mais pour Robert Langdon, personnage principal du livre, critique d’art omniscient et alter ego de Dan Brown, ce n’est pas vrai.

Langdon, en des termes didactiques qui font apparemment écho à la conviction intime de l’auteur, nous affirme : “Le Graal symbolise la déesse perdue. Lorsque le Christianisme commença à se développer, les anciennes religions païennes ne s’éteignirent pas si aisément. Les légendes au sujet de la quête du Saint Graal menée par des chevaliers n’étaient en fait que des histoires interdites narrant la recherche de la féminité sacrée perdue. Les chevaliers qui prétendaient ‘être à la poursuite du calice’ utilisaient un langage codé afin de se protéger de l’Eglise qui avait assujetti les femmes, banni la Déesse, brûlé les non-croyants et interdit le culte païen de la féminité sacrée. ” (Le Da Vinci Code)

Brown va encore plus loin. Le corps de la femme représente un récipient dont le plus célèbre porte un nom que tout Chrétien reconnaîtra sur le champ. Et Brown affirme que le Saint Graal, c’est en réalité Marie-Madeleine. Elle était mariée avec Jésus et fut le récipient qui porta ses enfants.

Le secret qu’on ne pouvait révéler depuis la naissance du Christianisme est que Jésus a laissé une descendance florissante et ce, jusqu’à nos jours. Les Grands Maîtres du Prieuré de Sion (une organisation chrétienne existant réellement), parmi lesquels Dan Brown fait figurer Léonard de Vinci, Isaac Newton et Victor Hugo, ont, selon les prémisses du livre, prêté serment de ne jamais dévoiler ce secret au public et l’Eglise catholique romaine a pour charge de supprimer cette information. Brown laisse vivement supposer que seuls les lecteurs qui ont la chance de lire “ce document déguisé en fiction” ont enfin la possibilité de partager cette révélation incroyable.

Il n’y a rien d’extraordinaire à ce que l’Eglise en soit profondément troublée. Pour elle, l’œuvre de Brown est tout simplement un blasphème qui a la prétention d’être un livre d’histoire. Si l’hypothèse de Da Vinci Code est vraie – tout au long du livre on sous-entend qu’il est permis ainsi au lecteur d’avoir accès à des faits authentiques et confidentiels qui, pour les besoins de la cause, ont été couchés sur le papier dans un cadre de pure fiction - , alors Rome se doit de réviser sa foi et son passé, ses croyances ainsi que l’histoire de ses origines.

Mais ce qui me frappe, en tant que rabbin, est que, paradoxalement, les théories mêmes développées par Brown rendant ainsi son livre sacrilège aux yeux des Chrétiens sont des concepts qui font de Jésus un personnage beaucoup plus compréhensible pour les Juifs.

Jésus était donc marié ! Eh bien, pourquoi ne l’aurait-il pas été ? Elevé comme Juif, le célibat aurait été pour lui presque certainement une idée totalement étrangère. “Procréez et multipliez”, tel est le credo biblique que tout Juif considère comme sacré. La loi (Canon 33) sur le célibat en tant qu’idéal chrétien ne sera décrétée qu’au Concile d’Elvire (300-306) : Il est décidé que les évêques, les curés et les diacres ou tout clerc chargé d’un ministère n’ont pas le droit de se marier et qu’ils doivent s’éloigner de leur femme et de ne pas engendrer d’enfants ; quiconque le fera sera privé de l’honneur de la fonction cléricale.

Les spécialistes de la Chrétienté en expliquent la raison : l’Eglise voulait protéger la richesse de son clergé en empêchant qu’elle ne soit dissipée au cours d’héritages familiaux. Un clerc non-marié restituera toujours ses biens à Rome.

Les historiens ont souligné les effets terribles de cette doctrine. On encouragea invariablement “ les meilleurs et les plus brillants” à emprunter la voie prestigieuse de la prêtrise. Leurs gênes furent ainsi condamnés à disparaître héréditairement. Chez les Juifs, d’autre part, ce sont ceux qui détiennent le potentiel intellectuel le plus élevé qui se tournent vers la vie rabbinique, toute à l’étude, à l’enseignement et à l’édification de grandes familles. Ceci, affirme Will Durant dans son livre classique The lessons of History (les leçons de l’Histoire), est la raison pour laquelle le nombre de prix Nobel et de réussites juifs est, du point de vue statistique, incroyablement si élevé.

Ce qu’il y a de plus gênant pour les Chrétiens, c’est un Jésus marié, car beaucoup plus proche d’une figure humaine que d’un dieu à adorer. Le Christianisme ne peut pas admettre que l’objet de leur vénération soit un être sexuel – ou même quelqu’un conçu par un acte sexuel. Une attitude taboue à l’égard du plaisir physique a conduit les enseignements chrétiens à s’éloigner de leurs sources bibliques. Mais pour les Juifs, cela ne pose aucun problème que Moïse fût marié. La Torah que Moïse nous a transmise, non seulement ordonne le mariage mais le qualifie également de kidouchin – un état idéal de sainteté.

Voilà donc le point capital qui a séparé pendant des siècles le Judaïsme et le Christianisme. Les Juifs n’ont épargné aucun effort à ce que l’on ne confonde pas ses plus grands dirigeants avec D.ieu ; Moïse a toujours été considéré comme un être humain, mortel, capable même de commettre un péché pour lequel il fut puni et empêché d’entrer dans la Terre promise. Son lieu de sépulture devait rester caché afin qu’il ne donne pas lieu à une adoration outre mesure. La grandeur de Moïse réside justement dans ses qualités humaines. Il représente le potentiel de l’homme. En lui, on voit ce que, en tant qu’êtres humains, nous sommes capables de devenir.

Les Chrétiens, au contraire, tiennent à ce que Jésus soit considéré non pas comme un homme mais comme un dieu ; sa forme humaine ne peut en aucun cas éclipser sa divinité. Jésus ne fut pas un homme qui s’est élevé mais un dieu descendu sur la terre. Des fragilités physiques et des faiblesses humaines ne peuvent sous aucun prétexte entrer dans la composition de son caractère.

Et c’est la brèche qu’a ouverte Brown en révélant, quoiqu’au moyen d’un récit ressemblant en apparence à une fiction, la réalité “humaine” du fondateur du Christianisme. Un Jésus marié et père de famille n’est, pour l’Eglise, rien moins qu’un dieu rétréci.

C’est pourquoi les Juifs ne doivent pas être bouleversés par le succès de Da Vinci Code. Après tout, ce triomphe est la cause de la question que se posent plus de quarante millions de personnes et à laquelle les Juifs ont depuis longtemps répondu : Jésus ne fut pas D.ieu ; ce fut un être humain.

Et peut-être viendra le jour où le monde reconnaîtra l’enseignement du Judaïsme, à savoir : ce n’est pas D.ieu qui s’est transformé en homme mais l’homme qui doit s’efforcer de ressembler du mieux qu’il peut à D.ieu.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Benjamin BLECH
Le rabbin Benjamin Blech est professeur de Talmud à Yeshiva University (New-York) et il a été pendant 37 ans rabbin de la congrégation "Young Israel" à Oceanside. Il a publié de nombreux ouvrages, dont: "Comprendre le Judaïsme".
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COMMENTAIRE(S) DE VISITEUR(S)  5
Cet article est tres intéressant ! - 27 Juin 2010 - par Sandrine
Merci pour la diffusion.
Personnellement , je ne crois pas qu´un être humain puisse être " croisé" avec des dieux ou des déesses . Cette maniere de voir Jésus vient sans doute des croyances gréco-romaines qui foisonnent de demi-dieux , de " héros" , comme on les appelle.
Jésus . s´il a existé , a été un homme tout á fait comme les autres , né d´un homme et d´une femme .
Je ne pense pas non plus qu´il est le messie annoncé par les prophetes.
Peut-être a-t-il été une sorte de médium,
de guérisseur mais si l´on se penche un peu plus sur les paroles des prophetes ,
l´on s´apercoit que le vrai messie aura sans le moindre doute un autre profil.
Quant au fait si Jésus a été marié ou pas , tout le monde n´est pas appelé á trouver un ou une partenaire sur Terre.
Donc , même s´il n´a jamais eu de femme dans sa vie , c´était parce que sa destinée devait être ainsi et non parce qu´il était un dieu.
Et s´il a été marié ou avec une femme ,
même raisonnement.
L´église catholique divinise Jésus mais divinise également Marie car elle la dit parfaite. Or , une créature , ne serait-ce que parce qu´elle est finie et non infinie , ne peut être parfaite.
Seul Elohim est parfait.
"ce sont ceux qui détiennent le potentiel intellectuel le plus brillant qui se tournent vers la vie rabbinique" - 6 Décembre 2006 - par myriam ... <emiriam@caramail.com>
Avec tout le respect que je dois au rabbin, cette affirmation, pas trop modeste, disons que...elle n'est pas toujours confirmée dans les faits...
Pour le reste, je ne vois pas le besoin d'accorder aux délires de Brown la moindre légitimité. Lisons son ouvrage comme une fiction, un roman d'aventures historique, un passe temps plus ou moins plaisant. Le considérer comme une thèse qui devrait nous donner matière à réflexion et analyser son contenu dans nos forums est lui faire trop d'honneur qu'il ne mérite certainement pas.
Un peu léger - 16 Juin 2006
Je viens de voir le film Da Vinci Code, un film sympa avec pas mal d’action et de rebondissements. J’ai cru comprendre que Dan Brown était romancier pas historien ou théologien.
Reprendre des parties de ce film et en faire des affirmations afin de défendre un point de vue tel que « Jésus est Dieu » ou « Jésus n’est pas Dieu ». Je trouve ça un peu léger. J’ai souvent lu des choses très intéressantes sur ce site, mais là je suis vraiment déçu.
Je vous rappel que l’église ne nie pas l’humanité de Jésus, le credo de l’église catholique dit « vrai Dieu, vrai homme ». Ca peut sembler être un mystère, mais ne nous contentons pas de telles affirmations pour défendre nos idées.
Da Vinci Code - 24 Mai 2006 - par GROJSMAN Danielle
J'avais lu ce livre dès qu'il est sorti et j'ai tout de suite pensé que ça n'irait pas sans réactions de la part des chrétiens. Je suis tout à fait d'accord avec l'article du Rabbin Blech quant à l'idée que c'est l'Homme qui doit s'efforcer de s'élever et non D.ieu qui se fait homme....
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