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Juste… Merci !Si je suis là pour écrire ces lignes, c’est parce qu’au fin fond de la France profonde, de simples paysans ont su prendre leurs responsabilités et permettre qu’une petite famille juive perdue dans la tourmente puisse continuer son histoire.


Le 18 janvier, le Président Chirac accompagné de Madame Simone Veil dévoilera une plaque dans la crypte du Panthéon afin d’honorer le souvenir et l’action des « Justes » de France. Ceux-ci sont au nombre de 2725 à ce jour, selon le Comité français de Yad Vashem.

L'inscription qui sera dévoilée dans la crypte du Panthéon le 18 janvier est la suivante : "Sous la chape de haine et de nuit tombée sur le France dans les années d'occupation, des lumières par milliers, refusèrent de s'éteindre. Nommés « Justes parmi les nations » ou restés anonymes, des femmes et des hommes de toutes origines et de toutes conditions ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites et des camps d'extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l'Honneur de la France, ses valeurs de Justice, de Tolérance et d'Humanité".

Nos Maîtres nous enseignent dans le traité de Betsa « Hanoten matana le’havero tsarikh lehodi’o » (« celui qui donne un cadeau à son ami doit le lui faire savoir »). A travers cet enseignement, nos Maîtres du Talmud nous enseignent l’importance d’une notion fondamentale dans le judaïsme : la hakarat hatov (la reconnaissance du bien). Bien sûr, disent nos Maîtres, il s’agit d’un cas dans lequel la personne qui a reçu n’a pas honte et ne se sent pas gênée vis à vis de la personne qui lui a donné, car si tel était le cas, l’anonymat serait requis.

Rachi, le célèbre commentateur, précise sur place : « Car à travers cela, se développera l’affection et l’amitié entre les gens ». Dans notre existence, nous avons tous besoin les uns des autres. Répondre à une demande, exprimée ou non, va révéler en premier lieu le désir que l’on a d’apporter à l’Autre et lui fera prendre conscience de son importance à nos yeux. Il ne s’agit donc pas de créer une relation verticale donneur-receveur mais bien plus horizontale entre deux êtres qui, à un moment T, ont besoin l’un de l’autre même si l’un est effectivement donneur et l’autre receveur.

Exprimer sa reconnaissance c‘est avant tout redonner du poids à ce qui nous semble être du domaine de la normalité.

Il est intéressant de constater qu’en hébreu, la reconnaissance se dit « connaître le bien » : il ne s’agit donc pas juste de dire merci mais de prendre la mesure de ce que l’Autre nous a apporté. C’est souvent face à l’absence que nous réapprenons à prendre la mesure et l’importance de ce que l’Autre nous apporte ne serait-ce qu’à travers sa présence. Lorsqu’un conjoint part en voyage quelque temps, nous réalisons ô combien, de par sa présence, de par des choses qui paraissent normales et banales, il peut nous apporter. Exprimer sa reconnaissance c‘st avant tout redonner du poids à ce qui nous semble être du domaine de la normalité.

Un des Maîtres de l’école du Moussar, le Rav Wolbe, fait remarquer que l’absence de reconnaissance peut à elle seule transformer une relation d’amour en une relation de haine. C’est la raison pour laquelle les premiers mots que prononce le Juif quand il s’éveille le matin est « modé » : je dis merci à l’Eternel de m’avoir permis à nouveau de me réveiller en pleine expression de mes moyens pour entreprendre à nouveau une nouvelle journée avec tout ce qu’elle pourra produire.

Cette phrase là n’est pas juste un rituel mais elle est une invitation à la réflexion sur l’importance non pas juste de reconnaître à l’intérieur de soi mais de verbaliser les choses, de les exprimer, de les dire. Lorsqu’on apportait les prémices des fruits au temple de Jérusalem, on devait dire au prêtre : « Nous avons été esclave en Egypte, nous sommes sortis d’Egypte, nous sommes arrivés sur la terre d’Israël que D.ieu nous a donnée et voici les prémices des fruits de cette Terre. » Pourquoi toute cette introduction, pourquoi relater la sortie d’Egypte ? Pourquoi insister sur la Terre ? La situation en tant que telle nous informe que nous sommes en relation avec des fruits de la terre d’Israël. Nos Maîtres apprennent de là qu’il faut savoir s’arrêter et prendre la mesure de tous les événements qui nous ont permis d’arriver jusqu’à ce moment là.

En sauvant des individus, ce sont des générations entières qu’ils ont sauvées.

Si déjà, pour ce qui est du domaine du normal, nous nous devons de prendre conscience de ce que l’Autre nous a apporté et le lui exprimer, alors, à plus forte raison, nous devons savoir exprimer celle-ci vis-à-vis des choses extra-ordinaires dont nous avons pu bénéficier. Ces milliers de Justes qui, de manière tout à fait ordinaire et évidente, pour eux, ont réalisé des actes extra-ordinaires se doivent non pas d’être récompensés, mais être reconnus, en leur disant que nous sommes capables de prendre la mesure de ce qu’ils nous ont apporté.

En sauvant des individus, ce sont des générations entières qu’ils ont sauvées. Notre reconnaissance doit être aussi celle de ceux qui sont prêts à apprendre de leurs actions qu’un acte peut avoir des conséquences immenses et que nous aussi devons pouvoir imaginer que parfois des choses totalement banales peuvent être à l’origine de résultats extra-ordinaires.

Une commémoration ne doit pas juste être un moment d’émotion mais bien plus un moment de réflexion sur la capacité que nous avons nous aussi de reconnaître et, de l’autre côté, à agir pour apporter aux Autres.

Il est intéressant de constater qu’on érige des stèles du souvenir. Ces stèles faites en pierre nous rappellent ceci, à l’image du mot hébraïque « Even », qui contient en lui le terme « Av « (pierre) et « Ben » (le fils) : une pierre du souvenir est là pour nous apprendra la nécessité de faire exister quelque chose au futur, à l’image de cette transmission du parent vers l’enfant.

Pour cela, il faut agir afin qu’eux aussi prennent la mesure de cette notion de reconnaissance et de responsabilité vis-à-vis des autres.

Si j’ai le bonheur aujourd’hui de pouvoir écrire ces quelques lignes, c’est parce que je fais partie de ces générations qui ont pu exister, parce qu’au fin fond de la France profonde, de simples paysans ont su prendre leurs responsabilités et permettre que ce qui semblait n’être qu’une petite famille juive perdue dans la tourmente puisse continuer à pérenniser et à continuer son histoire.

Le plus beau merci qu’on puisse leur faire, c’est d’être prêt à faire vis-à-vis des autres, même dans des circonstances qu’on espère beaucoup moins tragiques, faire ce qu’ils ont fait pour que nous puissions nous aussi exister.




A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Elie LEMMEL
Après des études en Yechiva (Israel et France) et l'obtention d'une semih'a il dirige depuis 1995 l'association Arakhim France. Il crée en 2000 l'association LEV, le site internet Lamed.fr, et en 2002 la maison de la famille. Directeur du journal VDJ, il intervient régulièrement à la radio et tient une chronique sur ActuJ. Membre du comité d'ethique de RAMBAM france il crée par ailleurs l'émission Chalom RAV sur TFJ. Conférencier international, il intervient sur de nombreux sujets et plus particulièrement sur celui de la famille;
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