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Pourquoi pas?

Deux mots qui changèrent tout dans ma conception de la vie...

La vie est étrange. Parfois, ce qui nous bouleverse le plus peut être la conséquence d’une remarque mineure, d’un incident anodin, auquel on n’avait pas prêté une grande attention au départ.

C’est ce qui m’est arrivé un mardi soir, il y a quelques années. Je sortais de la synagogue quand je remarquai une annonce griffonnée au crayon sur une feuille volante : « Mr Chmouel Grinbaum passe la semaine de deuil à…. Sa femme a été tuée au cours de l’attentat du restaurant Sbarro à Jérusalem. »

« C’est tellement triste », pensai-je, alors que je m’apprêtais à rentrer à la maison et à poursuivre mes activités.

Mon ami Simon sortit ses clés de sa veste et se dirigea vers sa voiture.

« Tu veux que je te dépose ? » me demanda-t-il.

Deux minutes plus tard, on se garait devant chez moi. Alors que j’étais sur le point de descendre de la voiture, Simon me demanda :

« Quand comptes-tu y aller ? »

« Où ? »

« Où ? Ben pour présenter tes condoléances ! »

« Mes condoléances ? Tu veux dire à celui qui a perdu sa femme ? »

« Oui. »

« Je n’avais pas prévu d’y aller. Je ne le connais pas. Et toi, tu le connais ? »

« Non. »

« Alors pourquoi y vas-tu ? » m’étonnais-je.

« Et pourquoi pas ? » me répondit-il en haussant les épaules.

Je me souviens être resté assis, à fixer mon ami Simon, complètement perdu. Dans le silence de la voiture, je sentis que je perdais mon équilibre. Une part évidente, fondamentale, naturelle, originelle de mon être se trouva bouleversée par ces deux mots simples et si porteurs de sens : « Pourquoi pas ? ».

Il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’on pouvait ou qu’on devait présenter ses condoléances  à quelqu’un qu’on ne connaissait pas. N’était-ce pas inconvenant, voire impoli ?  Une intrusion dans un espace privé ? Pourtant, par ces deux mots, Simon m’avait placé devant une conclusion évidente. Je sentais qu’il avait raison.

Je cherchais une réponse, espérant que le rouge qui m’était monté aux joues disparaitrait.

« Pourquoi pas ? Euh… Je ne sais pas. C’est vrai, pourquoi pas ? C'est-à-dire… Euh... Si on y va sans le connaître, alors, comme tu dis… Pourquoi pas ? »

« Que penses-tu de demain matin ? Je passerai te prendre » me dit-il.

« Bien. A 9h. Parfait. Très bien. On y va. Ok. » murmurai-je, la main sur la poignée. « A demain, merci. »

Accablé de honte, je montai chez moi. Il était aussi clairement évident pour moi de ne pas rentre visite à cette personne endeuillée que pour mon ami Simon, de justement le faire.

Le lendemain, à 9h, Simon était là. Un court trajet, et nous y étions. J’avais l’impression que quelque chose d’extraordinaire ou de mélodramatique pouvait arriver à tout moment. Mais rien ne se passa.

« Prêt ? » me demanda Simon.

« Pourquoi pas ? » répondis-je,  me servant de ces deux mots dont je m’étais à présent entiché.

Je descendis de la voiture et me dirigeai vers la maison. Une angoisse sourde m’étreignit et alors que nous pénétrions dans la maison, je m’armai d’un courage feint. Je rentrai dans le salon, et je le vis, assis, seul, sur un petit cageot, le visage perdu. J’eus pitié de lui. Il leva ses yeux, et son visage emprunt de tristesse, me remarqua, et il commença à parler.

« Yaakov Salomon », me dit-il. « C’est si gentil à vous d’être venu ».

Silence. Je le regardai à nouveau et le reconnus. Il avait mangé une fois à la maison, mais j’avais oublié son nom. Je lui fis un sourire timide, et fus encore plus gêné. Je ne dis rien. Alors, il se tourna vers Simon et lui :

« Qui êtes-vous, si je puis me permettre ? »

Il ne pouvait y avoir de situation plus absurde ! Moi, qui n’avais pas du tout l’intention de venir, j’avais été tout de suite été reconnu et mon geste avait été apprécié. Et Simon, l’instigateur de cette Bonne Action, était un parfait étranger pour l’endeuillé. Cela paraissait comme si c’était moi qui l’avais traîné là.

Nous nous assîmes sur les chaises pliantes qui étaient placées à côté de l’endeuillé. Comme le veut la coutume, nous n’avons rien dit et avons attendu que Chmouel parle en premier (à mon avis, c’est une coutume qui fait preuve d’une grande sensibilité. Pourquoi le visiteur dirait quoi que ce soit ? A-t-il la moindre idée de ce que ressent la personne qui a perdu un proche ? Celle-ci veut peut-être parler du disparu. Ou ce sujet est trop douloureux. Ou l’endeuillé veut simplement du silence. C’est pourquoi il est évident que ce n’est pas au visiteur de prendre l’initiative d’une quelconque conversation).

Chmouel nous mit à l’aise rapidement (peut-être avait-il senti mon malaise). Et quand d’autres personnes entraient dans la pièce, il leur demandait : « Qui êtes-vous ? Connaissiez-vous ma femme ? Entrez, entrez… »

Il parla librement du malheur qui le frappait et raconta combien il aimait Chochana, sa femme.

Chochana, qui attendait son premier bébé, déjeunait chez Sbarro quand le kamikaze s’était fait exploser. Elle, le bébé qui n’était pas encore né, et 15 autres personnes avaient été tuées, et 130 personnes blessées.

Nous écoutions ce triste récit et parvenions difficilement à retenir nos larmes.

Malgré tout, Chmouel ne réagissait pas à la mort de sa femme avec colère et amertume. Il réussit à trouver la force de maîtriser ses sentiments pour faire le bien. Le deuil viendrait plus tard. « A partir du moment où elle a été tuée, je me suis dit : C’est une occasion exceptionnelle… Il y a peut être quelque chose que je puisse dire au monde, qui le rende meilleur. » nous confia-t-il.

Après mure réflexion, Chmouel décida de créer l’association Parters in Kindness. Des particuliers lui envoient des récits d’actes de bonté qu’ils effectuent et il diffuse cela par une newsletter dont le nombre d’abonnés atteignait récemment les 25000 inscrits, certains lecteurs venant de pays comme le Koweït et l’Iran.

L’idée est simple : les récits ainsi partagés motivent le lecteur à faire des efforts dans ses rapports à autrui. Ce sont des histoires d’argent (un don à un étranger dans le besoin) ou des actes simples comme le fait d’encourager son prochain dans son entreprise. Chmouel a décidé qu’il voulait améliorer le monde, petit à petit.

Nous sommes restés chez lui une vingtaine de minutes, ce matin là, et je me souviens avoir observé cette pièce et tous ces visiteurs. Il y avait là 18 personnes, et étonnamment, de tous les visiteurs qui étaient venus le consoler, Chmouel ne connaissait que moi. Tous les autres étaient arrivés là comme Simon, grâce à leur grandeur d’âme qui les avait poussés à venir exprimer leur soutien à une personne en détresse. Et tous avaient compris une chose à côté de laquelle j’étais complètement passé.

Ce petit « Pourquoi pas » avait pénétré profondément mon âme.

Les gens intelligents font toujours passer leurs suppositions par le prisme de leur analyse interne.

Nous avons tous des intuitions, des sensations, des idées, des principes, qui, le plus souvent, portent en eux une part de vérité. Ces idées s’insinuent en nous insidieusement, et finissent, sans qu’on s’en rende compte, par constituer la trame de ce sui fait notre philosophie de la vie.

Parfois, il s’agit d’un préjugé négatif sur quelqu’un qu’on connait à peine.

« Je ne sais pas, mais il y a quelque chose en elle qui m’énerve vraiment »

« Sa démarche… Il a vraiment l’air arrogant ! »

Parfois, il s’agit de généralités qu’on entend depuis notre enfance :

« Ces hommes politiques, ils ne se préoccupent de personne ! »

« Un homme, ça ne pleure pas ! »

« Si c’est un professeur qui a dit ça, c’est forcément vrai ».

« Si tu ne sais pas ce que tu fais, alors ne commence pas ».

« L’Histoire, qu’est-ce que ça peut être ennuyeux ! »

Aucune de ces assertions n’est obligatoirement vraie, mais nous sommes nombreux à les tenir pour telles.

Le principe, c’est que nous devons prendre le temps d’examiner toutes nos réactions spontanées, à chaud. Nous devons nous débarrasser de cette idée que si nous avons toujours pensé qu’une chose est vraie, c’est qu’elle l’est forcément. Les gens intelligents font toujours passer leurs suppositions par le prisme de leur analyse interne.

Interrogeons-nous toujours :

·         Pourquoi je réagis ainsi ?

·         Quelle est le fondement de ma réaction ?

·         Ya-t-il des causes subjectives ou des doutes qui influencent mes opinions ?

·         Ai-je peur de la vérité ?

·         Pourquoi ?

Une des conséquences de la tragédie inoubliable du Sbarro, ce fut cette semaine de deuil simple et discrète, durant laquelle des étrangers, des juifs aimants se soucièrent de la peine de leur prochain. Il n’y en eut qu’un qu’il fallut traîner là bas.

Oui, on peut, on doit même faire des visites de condoléances à des personnes que l’on connait, ou pas.

Et parfois, ce qu’on y apprend n’est pas moins profond que le bien que nous faisons.

Et j’espère que j’en ai tiré les bonnes leçons.

 

Traduction de Sarah Weizman

 

 

 

 

 



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Yaakov SALOMON
Yaakov Salomon est Directeur de la création au Service de Recherche et Développement de Aish Hatorah et conférencier pour ses Séminaires de programmes de découverte. Il exerce aussi à Brooklyn, aux Etats-Unis, la profession de psychothérapeute à titre libéral. Il écrit et édite pour le compte de Artscroll Publishing Series. Il est supporté chez lui par sa femme, Temmy, ses huit enfants (dont trois sont mariés), et trois adorables petits-enfants.
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