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Le 9 Av et les 3 semaines

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Les Rendez-vous de l'Année Juive / Le 9 Av et les 3 semaines back  Retour

Le Neuf Av: les racines du mal

Le Temple de Jérusalem fut détruit à cause de la haine gratuite... C'est l'amour gratuit qui hâtera sa reconstruction. Quelques exemples de la vie de nos Sages pour nous montrer la voie...
Le 9 Av est le jour le plus austère du calendrier juif. Ce long jeûne estival commémore la destruction du Temple de Jérusalem suivi de l’exil. D’après la tradition, c’est la dégénérescence spirituelle des Juifs de l’époque qui doit être considérée comme la racine de ce drame. En effet, disent nos maîtres, la Providence divine n’a pu éviter le désastre du fait de la haine gratuite caractérisant cette génération. Plus précisément, plusieurs textes talmudiques indiquent que c’est le manque de respect mutuel entre les hommes et l’humiliation que certains faisaient subir à d’autres qui ont causé la perte de Jérusalem.

Le Talmud raconte en effet (traité Guitin, p.55b et 56a) que c’est une scène d’humiliation publique qui provoqua la crise menant à la destruction de Jérusalem: « C’est à cause de Kamtsa et Bar Kamtsa que Jérusalem fut détruite : Un homme avait pour ami un homme nommé Kamtsa et pour ennemi un homme du nom de Bar Kamtsa. Un jour, il fit un banquet et envoya son serviteur inviter Kamtsa. Le serviteur se trompa et invita Bar Kamtsa (les commentaires expliquent que ce dernier vint de bon cœur, persuadé que l’autre voulait, par son invitation, se réconcilier). Lorsque l’homme trouva son ennemi assis à sa table, il se dit : comment se fait-il que cet homme soit ici ?
- Que fais-tu là ? Va-t-en, lui dit-il.
- Puisque je suis-là, permets-moi de rester, et je te rembourserai tout ce que j’aurai mangé et bu.
- Non !
- Je payerai la moitié des frais du banquet.
- Non !
- Je payerai tout ce que t’a coûté le banquet.
Mais l’autre refusa aussi cette proposition. Il saisit son ennemi et le chassa. Ce dernier pensa : puisque les rabbins qui sont présents n’ont pas protesté contre l’affront qui m’a été fait, j’en conclus qu’ils l’approuvent… Je vais donc aller les dénoncer auprès du gouvernement romain ».
Et Bar Kamtsa organisa une machination visant à faire passer les rabbins pour déloyaux à l’égard de l’empereur romain, ce qui conduisit à la destruction du Temple.
Le jeûne du 9 Av est donc l’occasion de prendre la mesure de la gravité de l’humiliation causée à autrui à propos de laquelle les sages déclarent (Maximes des Pères, 3,15) : « Celui qui fait rougir publiquement son prochain n’a pas part au monde futur (olam haba) »
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La gravité de la honte causée à quelqu’un est également mise en exergue dans l’enseignement suivant : « Il  vaut mieux se jeter dans une fournaise ardente que d’humilier son prochain en public ». Dans un autre passage, le Talmud (traité Baba Metsia, p.58b) compare l’humiliation publique à un homicide : « Celui qui humilie publiquement son prochain, c’est comme s’il le tuait ». L’expression talmudique utilisée pour parler de meurtre est « verser des sangs » (« chéfikhout damim »). L’emploi du pluriel pour le mot « sang » est ainsi justifié par les rabbins : « son sang et celui de ses descendants potentiels ». Cela signifie que le meurtre tue un homme et tous ceux qu’il aurait pu engendrer et qui ne viendront jamais au monde (Michna Sanhédrin, chap.4). Mais si l’humiliation est comparée à l’homicide, comment expliquer l’emploi du mot sang au pluriel dans ce cas? Rabbi Yossef ‘Haïm de Bagdad (1833-1909, surnommée le Ben Ich ‘Haï) explique qu’à chaque fois que quelqu’un repense à l’humiliation qu’il a subie, sa honte se renouvelle et ce souvenir le « tue » à nouveau (Ben Yéhoyada sur Baba Metsia 58b).
 

Nos sages ont toujours été extrêmement vigilants quant à cet interdit d’humilier ou de mettre mal à l’aise autrui.
 

En écho à l’épisode de Kamtsa et Bar Kamtsa cité plus haut, on raconte qu’un important différend opposa les rabbins de Brisk (Lituanie) à certains abatteurs rituels dont les compétences et la rigueur étaient sérieusement remises en cause. Rabbi Itsh’ak Zeev de Brisk (1897-1960) réunit chez lui plusieurs rabbins pour débattre de la question. Quelle ne fut pas la stupéfaction des rabbins quand ils aperçurent l’un des abatteurs rituels suspects chez le rabbin, qui s’était invité lui-même en vue de perturber la réunion. Les rabbins lui demandèrent de quitter la pièce mais il refusa, expliquant que seul le maître de maison était autorisé à lui demander de prendre la porte. Malgré l’insistance de ses collègues, Rabbi Its’hak resta silencieux. Ce n’est que bien plus tard que l’ « invité surprise » sortit de sa propre initiative. Les hôtes du rabbin s’étonnèrent de son mutisme alors qu’un seul mot de sa part aurait suffit à convaincre l’indésirable de laisser la réunion se dérouler comme prévu. Il se contenta de leur dire : « A cause de l’humiliation de Bar Kamtsa (référence au texte talmudique évoqué plus haut), notre Temple a été détruit et vous auriez voulu que je mette quelqu’un à la porte de chez moi, au risque de l’humilier ! »
On raconte que Rabbi Yéhochoua Leib Diskin (1818-1898. Il est né en Lituanie puis s’est installé à Jérusalem. Il est surnommé le « Maharil Diskin ») réunissait ses élèves chez lui au sortir du Chabbat pour un temps d’étude autour d’un verre de thé. Un soir, l’élève qui avait préparé le thé s’était trompé et avait confondu le sel et le sucre. Il versa plusieurs cuillérées de sel dans le verre du maître qui buvait d’ordinaire son thé très sucré pour des raisons de santé.
A peine avait-il goûté son thé que Rabbi Y. Leib comprit ce qui s’était passé… mais il ne dit pas un mot. Son épouse rentrant dans la cuisine aperçut le sel près de la théière et voulant mettre en garde son mari, s’écria: « Attention ! On a mis du sel dans ton verre ».
Les élèves comprirent que le maître n’avait quant à lui rien dit et avait bu plusieurs gorgées de thé salé, malgré sa santé fragile, car « il vaut mieux se jeter dans un fournaise ardente que de faire honte à son  prochain en public ».

Les invités étaient nombreux, le soir de Péssa’h, à la table de Rabbi Akiva Eiger (1761-1837). L’un des convives renversa maladroitement son verre de vin sur la nappe immaculée et en fut extrêmement gêné. Discrètement, Rabbi Akiva Eiger donna un coup de pied dans la table de sorte à ce que son verre se renverse également. Il s’exclama alors : « Cette table est bancale, tout va finir par se renverser ! ».

Rabbi ‘Haïm Ozer Grodzinski (1863-1943, Lituanie) était un jour en route accompagné par ses élèves. Un passant les interpella en leur demandant de lui indiquer une certaine rue. Il s’agissait d’une rue située à l’opposé de la ville. Le rabbin, en dépit d’un emploi du temps très chargé, accompagna l’homme, une demi-heure durant,  jusqu’à la rue recherchée.
- Pourquoi ne t‘es-tu pas contenté de lui indiquer la bonne direction, comme cela se fait lorsque quelqu’un cherche son chemin ? demandèrent les élèves.
- N’avez-vous pas remarqué –répondit le maître- que cet homme a des difficultés de langage ? Je l’ai senti très gêné en me parlant, du fait de son bégaiement. Je voulais donc lui épargner la gêne d’avoir à nouveau à demander sa route plus tard…

Dans le même esprit, Rabbi Eliyahou Dov Lizrovitch dont le pas était toujours très rapide, ralentissait jusqu’à l’extrême lorsqu’il passait à côté d’une personne âgée qui marchait lentement. Il expliqua à ses élèves qu’il craignait de vexer ceux dont la démarche était lente, en les croisant à vive allure. Il ne fit jamais d’exception à la règle, même s’il mit un jour une heure et demie pour effectuer un parcours lui prenant d’ordinaire une vingtaine de minutes… ayant changé de rythme en apercevant sur le même trottoir que lui un homme très affaibli et extrêmement lent.

Le degré d’exigence de la tradition juive en matière de dommages moraux causés à autrui nécessite une grande finesse, comme en témoigne ce récit : Rabbi Its’hak El’hanan Spector (1817-1896,) reçut un jour un télégramme en provenance d’une communauté juive sollicitant l’avis du sage sur un problème de droit rabbinique. Le rabbin fut étonné car il s’agissait apparemment d’une question relativement simple à laquelle le rabbin local aurait dû pouvoir répondre aisément. Rabbi Itsh’ak El’hanan se souvint alors qu’il y avait eu jadis quelque mésentente entre le rabbin de cette communauté et ses fidèles. Il se dit que le rabbin avait peut-être émis, par inadvertance, un avis erroné et que ses opposants avaient saisi l’occasion pour le déstabiliser. La réponse du Rav Spector devait permettre d’apporter la preuve de l’erreur du rabbin…
Il décida alors d’envoyer à la communauté une réponse…erronée ! Suivie quelques heures plus tard d’un rectificatif annulant la réponse précédente : Il s’agissait de sauver l’honneur du rabbin local en montrant que même le grand rabbin Spector avait hésité sur ce point…



Le jeûne du 9 Av donne à chacun l’occasion de travailler sur ses qualités morales et sur son comportement quotidien en matière de respect d’autrui. D’ailleurs, la tradition enseigne que si Jérusalem et le Temple ont été détruits à cause de la haine gratuite, seul un renversement de situation et une manifestation active d’un amour et d’une amitié entre les hommes pourra  effacer, dans une perspective messianique, la plaie causée par la destruction de Jérusalem.
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
Le Rav Amitaï ALLALI
Commissaire Général des Eclaireuses Eclaireurs Israélites de France (EEIF), avant de devenir conseiller pédagogique pour l’enseignement juif à l’école George Leven. Il a enseigné à l'Institut Universitaire Rachi de Troyes et a dirigé la Section Normale des Etudes Juives de l'A.I.U. (Alliance Israélite Universelle). Il a occupé des postes rabbiniques dans les communautés de Bordeaux et de Vincennes et est aujourd’hui conférencier à l’association LEV. Il est l’auteur de « La Tsédaka : Lois et commentaires sur les dons aux pauvres de Maïmonide » paru aux éditions Lichma en 2006, « Les trompettes d'argent » (Octobre 2008), "Leçons de diét-éthique" (2ème trimestre 2009), et "Les prophètes, les enfants et les fous" (1er trimestre 2010).
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