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L'éthique dans les affaires et l'année de chemita

Les commandements relatifs à l'année sabbatique, connue en hébreu sous le nom de chemita, vont plus loin qu'une simple année de jachère de nos domaines agricoles : les principes essentiels qui caractérisent la manière juive de définir le droit de propriété peuvent être déduits des lois de chemita

Cette année juive 5768 (2008) est en Israël une année sabbatique, une année pendant laquelle, sur ordre de la Torah, on n'effectue pas de travaux agricoles. Mais les commandements relatifs à l'année sabbatique, connue en hébreu sous le nom de chemita, vont plus loin qu'une simple année de jachère de nos domaines agricoles. En fait, les principes essentiels qui caractérisent la manière juive de définir le droit de propriété peuvent être déduits des lois de chemita.
 

JUSTICE ET éGALITé SOCIALe

Contrairement au reste du temps, où le propriétaire a la pleine jouissance de ce qu'il produit, les pauvres ont, pendant la septième année, un libre accès aux fruits de son exploitation.

La chemita est mentionnée principalement dans trois endroits de la Torah. Une première fois dans Chemoth, parachath Michpatim. Examinons les versets à l'intérieur de leur contexte :
" Et un étranger, tu ne l'opprimeras pas, car vous connaissez, vous, l'âme de l'étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte. Et six années tu ensemenceras ta terre, tu recueilleras sa récolte. Et la septième, tu la laisseras en relâche, tu l'abandonneras inculte, pour qu'en mangent les indigents de ton peuple, et la bête du champ mangera le surplus. Ainsi feras-tu pour ton vignoble, pour ton oliveraie " (Exode 23, 9 à 11).

L'accent est mis ici sur l'égalité et la justice sociale. Contrairement au reste du temps, où le propriétaire a la pleine jouissance de ce qu'il produit, les pauvres ont, pendant la septième année, un libre accès aux fruits de son exploitation. Le contexte du premier de ces versets relie ces prescriptions à la sympathie que nous devons témoigner à l'exploité, telle qu'elle nous a été enseignée par notre expérience en Egypte.

Dans Lévitique, parachath Behar, les lois de la chemita sont définies avec plus de détails.
Examinons quelques-uns de ses versets : " Parle aux enfants d'Israël et tu leur diras : "Quand vous entrerez dans le pays que je vous donne, la terre se reposera un Chabbat pour D.ieu. Six années tu ensemenceras ton champ, et six années tu tailleras ton vignoble, tu recueilleras sa récolte. Et à la septième année un Chabbat de repos sera pour le pays, un Chabbat pour D.ieu, ton champ tu ne l'ensemenceras pas et ton vignoble tu ne la tailleras pas. Le produit spontané de ta moisson, tu ne le moissonneras pas, et les raisins de ton vignoble, tu ne les vendangeras pas, il y aura une année de repos pour le pays." " (Lévitique 25, 2 à 5).
 

INTERVENTION DE LA PROVIDENCE DIVINE

La chemita est une leçon destinée à nous faire prendre conscience de l'existence d'une providence divine.

Dans ce passage, l'accent n'est plus mis sur la justice sociale, mais sur un aspect religieux : la terre a un Chabbat pour D.ieu. Ce thème est répété plus loin dans les versets : " Et si vous dites : "Que mangerons-nous dans la septième année, puisque nous n'ensemencerons pas et nous ne recueillerons pas nos récoltes ?" J'ordonnerai ma bénédiction pour vous dans la sixième année, elle fera la récolte pour trois années. Et la terre ne sera pas vendue à perpétuité car à moi est la terre, car des étrangers et des habitants vous êtes auprès de moi " (Lévitique 25, 20 et 21, 23).

Le message que nous livrent ces versets reste pertinent même dans une société où règne une égalité exemplaire : l'homme n'est pas le maître du monde ni la source de la bénédiction, c'est D.ieu qui l'est. Notre repos pendant l'année sabbatique, tout comme celui du Chabbat hebdomadaire, introduit une interruption dans notre activité productrice destinée à nous rappeler que nous n'en sommes pas les maîtres. La chemita est une leçon destinée à nous faire prendre conscience de l'existence d'une providence divine.

Cependant, le message d'égalité sociale n'est pas absent ici non plus. Aussitôt après les versets ci-dessus rapportés, la Torah continue :
" Le Chabbat du pays sera pour vous à manger, pour toi et pour ton serviteur et pour ta servante, et pour ton homme à gages et pour ton habitant qui résident avec toi. Et pour ton animal et pour la bête sauvage qui sont dans ton pays, toute sa récolte sera à manger " (Lévitique 25, 6 et 7). De nouveau ici un message d'égalité : cette année-là, tous se partagent à égalité les fruits de la terre.

Cependant, ces versets portent un message supplémentaire. Contrairement à ceux de Michpatim qui mentionnaient simplement que la chemita est destinée à permettre au pauvre de manger, la Torah ordonne ici explicitement que ce sont les produits de cette année qui sont à manger. Notre tradition nous apprend que cette expression confère une sainteté spéciale aux produits de l'année de chemita, une sainteté qui nous invite tout à la fois à les utiliser comme nourriture ou pour d'autres agréments, et à nous abstenir de les gaspiller. (Souka 40a).
Bien plus, ces produits ne peuvent pas être traités comme des marchandises que l'on n'exploite que pour en retirer un profit (Pessa'him 52b).
 

UNE VOIE MéDIANE

Pendant cette année-là, les fondements de la propriété privée sont partiellement suspendus, tandis qu'ils sont rigoureusement appliqués pendant les autres six années !

S'en remettre ainsi à la providence de D.ieu est problématique pour deux raisons.
En premier lieu, la nature même du profit est qu'il ne bénéficie qu'à une seule personne. Le profit est ce qui caractérise le mieux la propriété privée, alors que le message contenu dans l'année de chemita stipule que la générosité de D.ieu est destinée à tous.
En second lieu, il est dans une certaine mesure aliénant de s'attacher à des objets. Il importe peu au commerçant, en définitive, de vendre des pommes ou de la laine. Ce sont les lois du marché qui l'incitent à examiner ce qu'il lui coûte de fabriquer telle marchandise ou de l'acheter et ce qu'elle vaut à la vente. En revanche, l'essence de la providence divine est de nous fournir de magnifiques objets pour notre plaisir et notre délice.

Pour résumer le message contenu dans ces deux passages, la Torah nous apprend que la production économique est, certes, habituellement créée par nos efforts, mais qu'elle est en dernière analyse un cadeau de D.ieu et le résultat de Sa bénédiction. Cette bénédiction nous est transmise pour que nous en profitions, mais à la condition que nous nous rappelions que chacun de nous, en dernière analyse, possède un droit égal aux manifestations de la providence divine.

Un message analogue nous a été fourni par la manne, qui venait directement de D.ieu. La quantité de manne que chaque personne trouvait à sa disposition était le même qu'il en eût ramassé beaucoup ou peu (Exode 16, 18).

La Torah contient un troisième passage traitant de l'année de chemita. Dans Deutéronome(parachath Reéh), il nous est ordonné de faire remise des dettes pendant la septième année. Ce passage est proche des versets qui nous enjoignent d'être généreux quand nous donnons aux pauvres. Nous trouvons ensuite le commandement de libérer les esclaves après six années de travail, comparables aux six années du cycle de la chemita, et à leur offrir des cadeaux qui les aideront à être indépendants. (Deutéronome 15, 1 à 18).

Mais l'un des aspects les plus intéressants de l'année de chemita est sans rapport avec ses lois mais avec son calcul. L'année sabbatique n'a lieu qu'une fois tous les sept ans ! Pendant cette année-là, les fondements de la propriété privée sont partiellement suspendus, tandis qu'ils sont rigoureusement appliqués pendant les autres six années !

La parachath Michpatim commence par énoncer les règles applicables à l'esclave hébreu. S'il nous est ordonné de le traiter avec bonté, l'inégalité fondamentale entre maître et serviteur, comme entre patron et employé, n'est pas mise en question. Les lois principales sur les dommages, qui figurent parmi les sauvegardes les plus importantes de la propriété privée, sont énoncées dans cette paracha, tout comme l'interdiction pour les juges de favoriser le pauvre dans le jugement (Exode 23, 3).

Si le commerce des fruits est interdit pendant l'année sabbatique, celui d'autres marchandises reste totalement licite, comme il l'est les autres années, et il bénéficie de la même protection juridique que celle qui entoure les possessions personnelles.
De fait, une des expressions employées par le prophète Ezechiel pour décrire le peuple juif à l'époque qui précédera sa libération est : " … un peuple rassemblé d'entre les nations, rassemblant "miqné veqinyane" ("du bétail et des possessions") " (Ezechiel 38, 12).
 

LE MESSAGE DE LA CHEMITA

Voici donc le message de l'année de chemita :

1. La propriété privée est permise et légitime, mais nous devons nous rappeler que tout appartient, en dernière analyse, à D.ieu - " la terre est à Moi " (Lévitique 25, 23).

2. La Torah nous encourage à jouir de nos possessions, mais n'oublions pas que la générosité de D.ieu est destinée tout autant aux autres. " Le produit du pays sera pour vous à manger, pour toi et pour ton serviteur et pour ta servante… " (Lévitique 25, 6).

3. Il est naturel qu'il y ait des riches et des pauvres, mais les riches ont le devoir de se montrer généreux envers les pauvres. " Car ne cessera pas l'indigent du milieu du pays, c'est pourquoi je t'ordonne en disant : "Ouvrir, tu ouvriras ta main à ton frère, à ton pauvre et à ton indigent, dans ton pays." " (Deutéronome 15, 11).

4. Il est naturel qu'il y ait des maîtres et des serviteurs, des patrons et des employés, mais le maître doit traiter l'esclave avec humanité. " Ne le domine pas avec dureté " (Lévitique 25, 43). Le maître doit aussi le libérer tôt ou tard et lui permettre de voler de ses propres ailes. " Il te servira six années, et dans la septième année tu le libéreras. Et quand tu le libéreras, vous ne le laissera pas partir les mains vides " (Deutéronome 15, 12 et 13).

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Asher MEIR
Le rabbin Asher MEIR a reçu un diplôme de Ph.D. en Economie au Massachusetts Institute of Technology, ainsi que l'ordination rabbinique en Israël après avoir étudié pendant douze ans dans des yechivoth. Il dirige le Jewish Business Response Forum, au JCT Center for Business Ethics, et il enseigne les sciences économiques au Jerusalem College of Technology. Avant son installation en Israël, il a travaillé comme conseiller économique auprès de l'administration Reagan. Il a publié plusieurs articles sur des sujets relatifs au commerce et à l'économie modernes et sur la loi juive.
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