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La concurrence et la liberté d'enseigner

Ce que nous apprend la Loi Juive sur la concurrence commerciale et la concurrence intellectuelle.

CONCURRENCE ET REGLEMENTATION

Les réglementations profitent essentiellement aux industries réglementées - ainsi qu'à leurs salariés - et nuisent aux consommateurs.

Les sciences économiques nous ont appris que la concurrence entre les entreprises, en règle générale, profite aux consommateurs. Les restrictions qui leur sont imposées, comme les diverses formes d'exigences ou d'interdictions gouvernementales sur la concurrence, bénéficient souvent à celles de ces entreprises ainsi protégées de la concurrence. On a pu constater à maintes reprises et dans tous les pays que les réglementations profitent essentiellement aux industries réglementées - ainsi qu'à leurs salariés - et nuisent aux consommateurs qui doivent subir des prix plus élevés et une moindre variété de produits.

La leçon à en retirer est que, même s'il arrive que certaines réglementations gouvernementales soient essentielles pour le bon fonctionnement de la concurrence dans l'économie, il faut prendre garde de ne pas abandonner la proie pour l'ombre, même pour les meilleurs raisons du monde, au prétexte de vouloir " protéger " les consommateurs contre la concurrence.

L'idée selon laquelle la concurrence est une bonne chose est relativement récente dans la pensée occidentale, et il lui arrive d'être contestée, notamment par les puissants groupements d'intérêts qui ont beaucoup à y perdre. Ces groupements incluent tout autant les bénéficiaires directs des restrictions et ceux qui ont le pouvoir de les imposer, c'est-à-dire les pouvoirs réglementaires et les législateurs.

Une étude de la halakha en la matière nous en apprendra beaucoup sur la manière de percevoir la concurrence. Et de fait, il existe un contraste frappant entre la halakha et l'histoire des politiques économiques, surtout en Israël.
 

POUR UNE PROTECTION DES CONSOMMATEURS

La préoccupation majeure de la halakha est de protéger les consommateurs au moyen de la concurrence.

En gros, la loi juive voit d'un bon œil le libre accès de tous aux métiers et la concurrence entre compétiteurs. Non pas qu'il n'ait jamais existé de restrictions à la concurrence mais, dans son ensemble, loi juive est tout à fait compatible avec celle-ci . Et, ainsi que nous le verrons plus loin, même l'exception majeure jamais apportée au principe de la libre concurrence, le 'hérèm hayichouv, n'a jamais cessé de reconnaître l'importance de cette dernière.

La base théorique de la halakha sur l'accès aux professions est constituée par le principe de hassagath guevoul, examiné notamment dans Baba Bathra 21b. On y discute du point de savoir sur un détaillant a le droit d'empêcher un collègue de s'établir à proximité de chez lui. La majorité est d'avis que, dès lors que le concurrent est un membre de la communauté payant ses impôts, l'accès à proximité lui est permis. Mais que faut-il entendre par " proximité " ? La majorité permet l'accès à l'intérieur d'une même agglomération, mais elle laisse non résolu l'accès dans la même rue. Quant à la minorité, elle estime qu'un négociant établi peut empêcher l'accès même à l'intérieur d'une même agglomération. En revanche, en ce qui concerne les enseignants en Torah, minorité et majorité se rejoignent pour leur donner accès n'importe où.

Il est vrai que l'on peut parfois justifier au nom de l'économie les protections offertes aux commerçants contre des concurrents qui s'installent trop près de chez eux. C'est ainsi que si le propriétaire d'un fonds de commerce a passé des années à se développer une réputation pour attirer une clientèle à un endroit déterminé, il se pourrait, en l'absence de toute protection, qu'il ne s'engage dans aucun investissement et que cela nuise aux consommateurs.

Cependant, la préoccupation majeure de la halakha est de protéger les consommateurs au moyen de la concurrence, et non de sacrifier leur bien-être en permettant aux commerçants de se protéger contre celle-ci. Et même s'il existe une opinion - au demeurant controversée - qui permet d'empêcher la concurrence dans le cas de menace de ruine financière pesant sur le titulaire, les enseignants échapperont toujours à toute restriction puisqu'ils ont toujours le droit de s'installer librement en tout lieu.
 

UNE RESTRICTION HISTORIQUE

Le 'hérèm hayichouv constitue, comme le système européen des guildes, une entrave à la concurrence.

Il est probable que la restriction majeure jamais apportée aux règles sur la libre concurrence a été instituée dans les communautés juives de l'Europe du Moyen-âge sous la forme du 'hérèm hayichouv.

Le 'hérèm hayichouv était une institution rabbinique (takkana) par laquelle les détaillants pouvaient empêcher l'accès de concurrents dans leur communauté. Il n'est jamais apparu en Espagne ni dans les pays musulmans, et il n'a eu droit de cité que dans les pays européens où le système des guildes imposait des restrictions similaires aux commerçants chrétiens. Le recours au 'hérèm hayichouv apparaît en conséquence comme un exemple de cas où le judaïsme a subi une forte influence de la part de la culture environnante.

Tout en reconnaissant que cette institution n'était pas compatible avec l'opinion talmudique majoritaire sur l'ouverture à la concurrence, les négociants juifs médiévaux (qui avaient souvent à affronter de très dures conditions économiques) ont réussi à y avoir recours pour assurer leur protection. Il faut dire qu'il pouvait se présenter des circonstances spéciales où il n'aurait pas été approprié d'appliquer l'opinion de la majorité, par exemple, si l'arrivée de Juifs dans une ville risquait de provoquer des actes de violence de la part des non-Juifs, auquel cas il devenait tout à fait justifié d'instituer des restrictions.

Bien que le 'hérèm hayichouv constituât, comme le système européen des guildes, une entrave à la concurrence, certaines exceptions remarquables lui ont été apportées qui n'étaient pas en vigueur, autant que nous sachions, dans leur équivalent chrétien.
D'une manière générale, le 'hérèm hayichouv ne s'appliquait ni aux réfugiés politiques ni aux enseignants.
 

L'éMULATION PAR LA CONCURRENCE

La première exception est compréhensible compte tenu de l'importance que le judaïsme attache au rachat des captifs. La seconde est remarquable parce qu'elle révèle deux données fondamentales de la culture juive. En premier lieu, le judaïsme considère comme positive la concurrence entre rivaux (" la jalousie parmi les érudits accroît la sagesse ", Baba Bathra 21 b). D'autre part, même quand ils se sont ralliés aux arguments - au demeurant fallacieux - du système des guildes, les partisans du 'hérèm hayichouv ont dû reconnaître, comme l'avaient fait leurs aïeux, que la survie du judaïsme dépend de l'éducation selon la Torah.

Peut-être aurait-il été vain de vouloir résister aux exigences des commerçants soucieux de leurs privilèges d'imposer à leur propre bénéfice et aux dépens des consommateurs des limitations à la liberté d'établissement. Mais de telles prétentions à des privilèges n'auraient jamais réussi à justifier de pareilles restrictions s'agissant de ce qui constitue la clé de la survie du judaïsme : l'enseignement de la Torah.

Quels principes la tradition rabbinique sur la concurrence nous a-t-elle transmis jusqu'à nos jours ?
Ils sont nombreux, mais nous n'en citerons ici que trois :

- En premier lieu, la protection des consommateurs passe par la concurrence, et non par les limitations qu'on lui impose. Le démantèlement de l'interventionnisme pesant du gouvernement sur l'économie israélienne, un sous-produit de l'idéologie socialiste, devra se poursuivre à grands pas.
- La création d'une classe de contrôleurs aptes à entraver la concurrence, qu'ils soient rabbins ou fonctionnaires de l'Etat, crée le danger qu'il se développe des inefficacités et de la corruption, contrôleurs et contrôlés étant tentés de s'entendre entre eux aux dépens des consommateurs. Par exemple, toute tentative par les autorités chargées de la surveillance de la cacherouth d'user de leurs pouvoirs pour protéger contre la concurrence les établissements en place devra être dénoncée et éliminée.
- Enfin, l'enseignement de la Torah reste la clé de la réussite et de la survie du judaïsme. On ne tolérera donc aucune tentative de vouloir empêcher d'autres personnes d'enseigner la Torah.

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Asher MEIR
Le rabbin Asher MEIR a reçu un diplôme de Ph.D. en Economie au Massachusetts Institute of Technology, ainsi que l'ordination rabbinique en Israël après avoir étudié pendant douze ans dans des yechivoth. Il dirige le Jewish Business Response Forum, au JCT Center for Business Ethics, et il enseigne les sciences économiques au Jerusalem College of Technology. Avant son installation en Israël, il a travaillé comme conseiller économique auprès de l'administration Reagan. Il a publié plusieurs articles sur des sujets relatifs au commerce et à l'économie modernes et sur la loi juive.
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