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Marieur, Marieuse mariez-moi!De Eliezer, le serviteur de notre patriarche Abraham, au concept du SpeedDating, en passant par la Yente du " Violon sur le Toit " : le rôle des marieurs dans la communauté juive à travers les âges.

On raconte qu'une fois, une matrone romaine a demandé à Rabbi Yossi: "Quelle est l'occupation de D.ieu depuis qu'Il a créé le monde?"

"Il consacre son temps à unir des couples" lui a-t-il répondu.

Elle fut surprise. "C'est là Son activité? Même moi, je peux accomplir ce travail. Aussi grand que puisse être le nombre de mes serviteurs et de mes servantes, je pourrai les marier".

"Peut-être cela vous paraît-il facile, " lui a répliqué Rabbi Yossi "Pour D.ieu, c'est aussi compliqué que de partager la mer".

Elle plaça rapidement mille serviteurs en face de mille servantes et déclara: "Celui-ci épouse celle-ci et celle-ci épouse celui-ci" et ainsi de suite pour les mille couples.

Le lendemain matin, les deux mille domestiques frappaient à sa porte et protestaient: "Je ne veux pas de lui, je ne veux pas d'elle".

Elle envoya chercher Rabbi Yossi et reconnut: "Rabbi, votre Torah est vraie".

LE MARIEUR SUPREME

Le Talmud explique: " Elle a eu l'impression que le mariage était une affaire simple parce que, à la différence de D.ieu, elle ne pouvait pas saisir que les différences essentielles de caractères entre deux personnes étrangères font obstacle activement à la réussite de leur union.

" Il n'y a aucun doute ", concluent les Sages du Talmud, " D.ieu Lui-même doit être le premier et suprême marieur. Qui d'autre peut allier deux personnalités dissemblables de telle sorte qu'elles adhèrent l'une à l'autre comme une même "chair"? N'a-t-il pas arrangé l'union d'Adam et Eve? "

Cet argument fut tellement décisif que l'on retrouve dans le Midrach le principe que "les mariages sont faits dans les cieux" à cinq reprises.

Par cette expression, il ne faut pas y voir du pur romantisme mais la formulation rigoureuse du concept de prédestination. D.ieu décide des personnes qui s'uniront avec succès. Le Talmud ne note-t-il pas: "Quarante jours avant la naissance d'un enfant, une voix céleste proclame: la fille d'Untel se mariera avec le fils d'Untel."

"Si la séléction d'un conjoint est réglée à l'avance, pourquoi faut-il entrer dans le processus si complexe de la recherche de l'âme sœur? "

Un problème épineux se pose: si la sélection d'un conjoint est réglée à l'avance, pourquoi faut-il entrer dans le processus si complexe de la recherche de l'âme sœur? Et pourquoi tant de mariages échouent?

Rabbi Akiva répond à une question similaire concernant la notion de prédestination en disant: "D.ieu connaît toute chose, néanmoins l'homme a son libre arbitre". D.ieu sait ce que nous ferons et comment nos affaires vont réussir mais l'organisation de notre vie ne dépend que de nous. Une fois seulement que tout a été arrangé, on peut dire avec confiance que c'est ce que D.ieu a originellement décrété.

L'HISTORIQUE DU CHAD'HAN

La tradition du marieur ou chad'han remonte jusqu'à Eliézer, l'intendant d'Abraham, figurant le premier super-marieur que l'humanité ait connu; il organisa le mariage du patriarche Isaac avec Rébecca, notre mère.

Ainsi qu'il est raconté dans la Bible (Genèse 24, 1-67), Abraham ayant constaté que les femmes de Canaan ne convenaient pas, du point de vue moral, à son fils Isaac, décida de lui chercher une épouse à l'étranger. Il envoya Eliézer en lui faisant promettre, sous serment, de trouver une femme digne de son fils "parmi les membres de sa famille et de la maison de son père" qu'il avait quittés, sur l'ordre de D.ieu, pour aller au pays de Canaan. Eliézer partit pour le lieu de naissance de son maître et rencontra Rébecca, fille de Bathuel, neveu d'Abraham. Il crut voir en elle le parti convenant à Isaac; mais pour cela, lui fit passer un examen dans le but de vérifier ses qualités de bonté et d'hospitalité. Rébecca réussit pleinement en répondant à toutes ses exigences: elle était généreuse, extraordinairement accueillante et désintéressée, bienveillante envers les étrangers et même à l'égard des animaux. Eliézer alors amèna Rébecca chez Isaac et "et il l'aima".

La signification de la fonction de chad'han, dans les temps anciens, se déduit de la racine chidu'h voulant dire "arrangement". Chidu'h est, à l'origine, un mot araméen qui a pour sens "tranquillité" ou "calme". La connotation du mot chad'han est que le marieur apaise les parents, qui sont anxieux au sujet des projets de mariage de leurs enfants. C'est également le serein aboutissement pour deux personnes épuisées par leurs rêves non réalisés, leurs attentes décevantes et l'interminable recherche du compagnon aimant pour leur descendance.

UNE TRADITION HONORABLE

La tradition du chad'han existe depuis longtemps dans la vie juive et est considérée comme une fonction particulièrement honorable. Un bonimenteur ne pouvait jamais jouer ce rôle d'unificateur d'êtres humains. Il devait être foncièrement intègre et capable de juger équitablement afin d'être chargé d'une tâche aussi vitale que de régler des unions durables.

" Le rôle du chad'han atteint son apogée dans les âges les plus sombres de l'oppression et de la dispersion des Juifs exilés en Europe. "
Au temps du Talmud et pendant les siècles suivants, ce sont les directeurs des Hautes Ecoles de Torah à qui on demandait habituellement de recommander les étudiants pouvant remplir les conditions d'un mariage. La raison est évidente: en addition de leurs nécessaires qualités morales, ces rabbins connaissaient étroitement d'une part les jeunes éléments les meilleurs méritant d'en être les lauréats et d'autre part les familles les plus importantes de la communauté supportant ses institutions.

Le rôle du chad'han atteint son apogée dans les âges les plus sombres de l'oppression et de la dispersion des Juifs exilés en Europe. Au moment où la survie du peuple juif est en danger et que les critères élevés de moralité individuelle semblent menacés de disparaître, l'institution de marieur le stabilise, le rassure et l'encourage. Ce fut particulièrement vrai aux treizième et quatorzième siècles quand les Croisades ont ravagé le peuple juif et l'ont éparpillé sur tout le continent. Des communautés entières ont été séparées et isolées et peu de liens ont pu être maintenus entre les différents groupes de Juifs.

Ce fut aussi à cette époque que l'idée d'amour romantique s'est imposée dans le monde. Les rabbins ne considérèrent pas l'élan romanesque éprouvé par deux personnes comme une base suffisante pour un mariage réussi et sentirent que le système du chad'han amenuisait les risques de badinage entre les gens.

Quoique la beauté eût été une marchandise estimée que le chad'han avait à proposer dans son stock, il était porté à ne pas favoriser les unions en raison de facteurs physiques. Au contraire, il fondait ses choix sur des qualités de piété, d'intelligence et de compétence conférant permanence au mariage et encourageant un haut degré de stabilité morale des membres de la communauté.

Vers la fin du Moyen Age, un nouveau type de marieur apparaît: le chad'han professionnel payé pour son travail. Il est probable que la communauté, craignant la contagion de l'amour romantique et de son influence potentielle désastreuse sur la société juive, a décidé de rémunérer ses marieurs.

Dès le quinzième siècle, des grands érudits tels que le Maharal gagnent leur vie en tant que chad'hanim professionnels. Les questions et les réponses sont enregistrées dans les Responsa rabbiniques médiévales indiquant comment, combien et quand faut-il payer le chad'han. S'il est prouvé qu'il a conclu un mariage malheureux, il peut être exclu et ses honoraires refusés. Si, au contraire, l'union s'avère exceptionnellement réussie, il peut raisonnablement réclamer le double de son dû. La loi juive fixe donc le mode de sa rétribution mais l'éthique juive enjoint qu'il soit intègre.

GARDIEN DES VALEURS JUIVES

Les rabbins du Talmud disent au sujet de D.ieu, le premier chad'han: "Il unit deux personnes, même s'Il doit les amener des quatre coins de l'univers".

De la même manière, le chad'han voyageait de ville en ville, occupé constamment à démêler un écheveau inextricable, et racontant au père du jeune homme que la jeune fille idéale se trouvait à cent kilomètre de là. Sachant qu'il était périlleux de voyager sur les routes du Moyen-Age sans escorte armée en raison des brigands de grands chemins et difficile et long de naviguer même aux meilleurs moments, il n'y avait pratiquement aucun autre moyen pour les familles que le chad'han possédant des qualités uniques de courage, de pénétration psychologique et du talent de médiation.

En fait, la loi juive le reconnaissait et stipulait qu'il devait être payé plus cher lorsque les deux fiancés habitaient des endroits très éloignés l'un de l'autre. De la sorte, le chad'han unifiait littéralement des communautés entières et des provinces.

A la même époque, il jouait un rôle complémentaire important en apportant des informations sur les événements se produisant dans les diverses communautés juives éloignées. Alors que pour nous, un mariage ou une nouvelle sont des choses courantes, en ces temps-là, ils remplissaient la fonction vitale d'encourager les petits groupes de Juifs à ne pas désespérer en leur montrant qu'ils n'étaient pas seuls mais faisaient partie de l'ensemble plus étendu des Juifs, qu'ils étaient reliés aux larges centres urbains, aux grands érudits et à Jérusalem même.

Des dizaines de familles lui étaient familières; ainsi détenait-il la clé de mariages réussis pour leurs enfants. En conséquence, la communauté s'inquiètait plus que jamais de l'authenticité des origines familiales. Un mariage mixte, la conversion d'un de ses membres à une autre religion ou la naissance d'un enfant illégitime pouvaient diminuer notablement les chances d'un bon chidou'h pour tous les autres enfants de la famille. Puisque le conjoint n'était pas choisi lors d'une rencontre aléatoire, le risque de mariage mixte était pour ainsi dire insignifiant.

Comme le chad'han ne se contentait pas seulement d'accorder les qualités intérieures des futurs époux mais aussi d'harmoniser les lignées familiales et leurs niveaux intellectuels et économiques, les familles savaient que leur avenir dépendait de leur réputation religieuse et morale. C'était l'aiguillon qui les poussait à ambitionner une meilleure qualité de vie juive et qui a produit, dans la société juive, cette stabilité religieuse et morale, tant enviée par les peuples qui l'entouraient.

En ces temps-là, l'idéal des parents aisés était de marier leur fille avec un étudiant en Torah à l'avenir prometteur. Seul le chad'han pouvait arranger cela et, grâce a son génie unir l'intelligence avec la richesse. Il accomplissait, par ce moyen, des prouesses de manipulation génétique qui assurèrent la survie de l'intelligentsia.

" Le pauvre comprenait que le meilleur chemin pour sortir de son état était la réussite intellectuelle. "

Il est intéressant de noter que ce processus rendit un service capital à la société d'une autre manière: puisque l'érudit en Torah pouvait atteindre les échelons supérieurs de l'échelle sociale, le pauvre comprenait que le meilleur chemin pour sortir de son état était la réussite intellectuelle.

Pareillement, la fille née dans un milieu défavorisé avait au moins l'espoir raisonnable que les enfants qu'elles mettraient au monde, s'ils étudiaient, pourraient s'unir à des familles riches. Même les sœurs, les parents et les enfants de l'érudit bénéficiaient de son prestige. Les rabbins disaient: "Respectez les enfants du pauvre car des érudits de la Torah en sortiront".

DECLIN ET REEMERGENCE

Peu à peu, au cours des siècles, le besoin social de chad'han a diminué. Les communautés étaient plus stables, les communications et les transports plus faciles et les Juifs se regroupaient dans les grandes villes.

En outre, les jeunes gens se trouvèrent soudainement émancipés et cherchèrent à vivre à titre personnel les idéaux romantiques dont ils s'étaient imprégnés . Les traditionnels clients des chad'hanim se sentaient alors purement rabaissés de s'adresser à eux car c'était un signe évident de leur propre inadaptation.

Le chad'han vit son image de messager céleste accomplissant la volonté divine se transformer en celle d'un simple négociant en viande. Vers la fin du seizième siècle, ses activités furent observées étroitement et donnèrent lieu à de nombreux commentaires et de libelles à consonance morale qui dédaignaient ses techniques. En l'espace de cinq cents ans, le chad'han perdit son attrait pour devenir l'objet de moquerie et d'anathème social.

Mais des arguments solides ont fait renaître la fonction de chad'han. Quand les gens se marient jeunes - par exemple 21 ou 22 ans pour un homme, 18 ou 19 ans pour une femme- leur sens du jugement à cet âge est, au moins, douteux et l'entente intellectuelle à l'école est souvent confondue avec l'amour éternel.

Les années récentes sont les témoins d'une résurgence du judaïsme orthodoxe qui considère l'environnement contemporain moralement déficient; le chad'han a donc réapparu, avec en poche un diplôme universitaire et mettant à la disposition du public une base de données informatisée de propositions de mariage.

Les communautés orthodoxes, particulièrement aux Etats-Unis, exploitent les services de ces modernes courtiers en mariage qui n'ont plus les traits ridicules de leurs prédécesseurs. Ces chad'hanim sont très répandus dans les grandes villes comme Paris ou New York. Entrepreneurs privés, ils font rarement de la publicité et sont découverts par l'intermédiaire de recommandation personnelle.

Il ne serait pas surprenant que le monde juif, cherchant désespérément à se préserver, craignant l'effondrement imminent de la culture ambiante et stupéfié par le taux grandissant de divorces, n'accueille chaleureusement, sous un nouvel aspect, l'ancien chad'han dont la lignée remonte, après tout, à D.ieu lui-même.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Maurice LAAM
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