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Au-delà d'une ressource économique comme les autres, le travail devient un mélange composite de moralité et d’économie puisqu'il concerne l'humain et s'imbrique avec la psychologie, le bien-être et l’intérêt personnel.
Cette paracha est surtout consacrée aux vingt années que Ya‘aqov a passées au service de Lavan : sept pour chacune de ses filles, et six pour les troupeaux.

A considérer les choses superficiellement, le travail est une ressource économique comme les autres, dont le prix, représenté par les salaires, et l’utilisation l’emploi sont déterminés par les mêmes facteurs que ceux qui régissent les autres ressources. Mais en réalité, le fait que cette ressource là s’applique à des hommes s’imbrique tellement dans un mélange de psychologie, de bien être humain et d’intérêt personnel que les rapports d’employeur à employé, qui ne sont rien d’autre, au départ, qu’une affaire d’offre, de demande et de coût, deviennent un mélange composite de moralité et d’économie. Il faut trop de temps, et en termes humains trop d’efforts, pour que les forces du marché puissent fonctionner seules. Les licenciements économiques et le chômage ne sont pas des problèmes qui peuvent être résolus par des structures de sécurité sociale. Ils affectent aussi les évaluations par les individus de leur valeur par rapport à leurs familles et à la société. Les gens ne travaillent pas seulement pour recueillir des avantages économiques, de sorte que le marché du travail n’est pas déterminé uniquement par les salaires. Une activité professionnelle traduit aussi des aspirations intellectuelles, émotionnelles et artistiques, tandis que le niveau de l’emploi exerce une influence sur la structure politique, sociale et éducative de la société. Les enjeux qui se dégagent de ces différents facteurs seront abordés selon les valeurs éthiques et les conceptions morales de chaque société, donc ici de la société juive.

En droit strict, les halakhoth en matière d’emploi sont celles du louage de services, sans plus, si bien qu’elles apparaissent dans toutes nos codifications dans le chapitre relatif à la location, à côté des règles applicables à celle d’animaux de trait ce qui correspond aujourd’hui à nos outils de travail d’artisans et de biens immobiliers. L’une des deux parties prend l’autre en location pour exécuter une certaine tâche en échange d’une rémunération fixée par les lois du marché. La coutume et les usages fournissent aux deux contractants une protection dans les domaines non stipulés dans leur contrat. Il n’existe nulle part aucune exigence de fidélité politique ou sociale, ni aucun statut spécial ou rapport personnel qui découleraient spécialement de leurs rapports contractuels.

Même si notre propos n’est pas d’examiner ici les questions touchant aux réductions d’effectifs et à la sécurité de l’emploi, il paraît nécessaire de présenter un bref résumé des halakhoth relatives aux droits et aux devoirs des salariés et des employeurs, telles qu’elles sont présentées dans le chapitre intitulé sekhirouth po‘alim du Tour Choul‘han ‘aroukh et dans le Rambam. L’employeur a l’obligation de payer les salaires à la date convenue, et tout retard est considéré par la halakha comme une forme de vol (Michné Tora, Hilkhoth guezèla 1, 4). On ne doit pas charger un employé d’un travail dangereux, même s’il accepte ou qu’on lui offre un salaire plus élevé, mais on n’a pas à le préserver des risques normaux de la vie courante. Le Rambam considère qu’un employé est tenu de consacrer à son employeur toutes ses forces, toute sa capacité de travail, et de lui être entièrement dévoué, et il s’appuie en cela sur la description des efforts déployés par Ya‘aqov pour Lavan (Berèchith 31, 38 à 40). Un salarié n’a pas le droit de faire acte de piété aux dépens de son employeur, de sorte qu’il existe des formes abrégées d’actions de grâce et un allègement de certaines lois sur le Chemoné ‘essrei pendant les heures ouvrées (Michné Tora, Hilkhoth berakhoth 2, 2). La Tora stipule explicitement qu’un ouvrier occupé à manipuler des produits alimentaires a le droit d’en consommer sur place, mais non d’en emporter chez lui, ni de s’en empiffrer, ni d’inviter sa famille à se joindre à lui (Michné Tora, Hilkhoth sekhirouth 12, 3). Lorsqu’il est un chomèr sakhar (« dépositaire à titre onéreux »), l’employé est responsable de tous les dommages causés par sa négligence ou par une mauvaise utilisation des équipements ou du matériel que lui a confiés son employeur. La halakha réprouve l’utilisation du téléphone, du courrier électronique et d’autres équipements et matériels de son employeur à des fins privées. Cela constitue une forme de vol, portant à la fois sur le coût de cette utilisation et sur la non-exécution de son travail. Souvent considérés comme marginaux et insignifiants, de tels actes sont en réalité le point de départ d’une dégradation morale, et constituent des ferments de corruption dès lors qu’ils deviennent pratique courante et acceptée. Cela rappelle le comportement des hommes de la génération du déluge, qui pratiquaient sur une grande échelle des chapardages portant sur des objets d’une valeur inférieure à une perouta.

La réduction des effectifs de main-d’œuvre et la sécurité de l’emploi sont devenues aujourd’hui un enjeu majeur dans les relations sociales. Il est vrai que, jusqu’à très récemment, du moins dans les industries de haute technologie, c’était la fidélité des employés et la chasse aux talents qui étaient au cœur de ces relations. Dans leur essence, les deux représentaient toutefois les deux faces de la même médaille.

Dans les deux cas, l’employeur et l’employé sont des agents libres, et ils peuvent utiliser leur liberté à leur gré. Les employeurs ont le droit, selon la halakha, sous réserve des stipulations contenues dans les contrats, de licencier leurs employés dans un but d’efficacité, pour accroître leurs bénéfices, ou même s’ils veulent simplement arrêter leur propre activité économique. C’est ainsi qu’une responsa du dix-neuvième siècle, encore valable aujourd’hui, permet à un chef d’entreprise de débaucher des travailleurs employés par un concurrent à seule fin d’économiser les frais de leur formation. L’auteur de cette décision, Rav Avraham de Sokhatchow, l’a motivée en ces termes : « Quand le précédent employeur les a embauchés, il ne leur a pas promis de les employer toute leur vie durant, pas plus qu’eux-mêmes ne se sont engagés à travailler pour lui à tout jamais » (Avnei nézèr, ‘Hochèn michpat, chapitre 40). Une offre d’emploi ne peut pas être interprétée comme une promesse qu’il sera conservé à vie, à moins que ce ne soit spécifié dans le contrat.

De la même manière, les salariés doivent pouvoir partir librement et chercher ailleurs de meilleures conditions, car ils ressembleraient, sinon, à de véritables esclaves. Les peuples européens, au Moyen-Age, ont troqué leur liberté contre une protection politique et physique fourni par la féodalité. L’emploi à vie est un compromis semblable entre la liberté et la sécurité économique. Dans son effort pour assurer la liberté des Juifs de toute autorité autre que celle de D.ieu, la halakha a donné aux travailleurs le droit de quitter leurs emplois même au cours de la période convenue (Choul‘han ‘aroukh, ‘Hochèn michpat 333, 3). Ils devront, il est vrai, réparer les dommages subis par l’employeur, mais ce droit n’en existe pas moins . Ce besoin d’être affranchi de toute domination exercée par les autres a été pris en considération dans la règle selon laquelle un rabbin ou un travailleur pour le compte de la collectivité n’a pas le droit de s’engager par contrat au-delà de trois ans, afin de préserver sa liberté de quitter son poste (Techouvoth ha-‘Hatham sofèr, ‘Hochèn michpat 172).

Il existe, entre un salarié et un esclave, une importante distinction halakhique qui illustre les conséquences du choix entre la sécurité de l’emploi et la liberté : on ne peut profiter de la perte par un esclave de sa liberté pour lui imposer un travail humiliant ou exténuant, tandis qu’il est permis d’avoir une telle exigence envers un salarié, étant donné qu’il est un homme libre et qu’il peut refuser le travail qu’on lui a proposé.

Pour importante que soit cette définition du contrat de travail, envisagé comme un accord conclu entre deux parties jouissant l’une et l’autre d’une totale liberté, reste le problème moral de la perte de dignité et de ressources subie par le salarié congédié. Même s’il n’existe aucune responsabilité légale, il est certain que des mesures doivent être prises en sa faveur. Mais ce devoir s’inscrit dans une perspective de tsedaqa, et non dans celle d’un droit consacré par la loi. Les mesures qui seront prises à ce titre seront toujours limitées, à la fois dans le temps et dans leur portée, faute de quoi elles produiront des effets contraires à ceux que l’on attend d’elles. Des aides illimitées créent une dépendance permanente qui affaiblit la moralité du bénéficiaire.

L’employeur est tenu de verser une certaine forme d’indemnité de licenciement, même si elle n’est pas stipulée dans le contrat ou si elle n’est pas exigée par la loi. Cette obligation s’appuie sur une disposition de la Tora qui impose au maître d’un ‘évèd ‘ivri de remettre à celui-ci des gratifications à la fin de son service (Devarim 15, 14). Celles-ci sont considérées par les auteurs classiques comme un acte de ‘héssed, et non comme un droit consacré par la loi. Le Rambam inscrit cette obligation dans son chapitre sur la tsedaqa et l’applique aussi au salarié. « Celui qui a employé un Juif pendant une longue période, et même pour une courte durée, devra lui accorder à la fin du contrat un peu des richesses dont D.ieu l’a gratifié » (Séfèr ha-‘hinoukh, mitswa 482).

Au-delà des obligations imposées à l’employeur, la société a celle de se soucier du faible et de l’indigent, et donc des chômeurs. Elle doit financer ses aides par les ressources fiscales lorsque la philanthropie d’origine privée est insuffisante. On se rend compte, en étudiant les lois relatives à la charité, que celle-ci va bien au-delà de la simple fourniture du gîte et du couvert. Etant donné que la fourniture d’un emploi, l’aide à une nouvelle entreprise, et même les conseils sont considérés comme les formes les plus élevées de la charité, ces gestes de bienfaisance s’appliqueront ici aussi. La société est tenue d’instituer une politique de création d’emplois sous la forme qu’elle estimera la plus efficace, et de mettre en place les structures sociales propres à réparer les résultats mentaux et psychologiques des licenciements économiques. Ceux qui viennent d’être réduits au chômage doivent être considérés, comme le veut la halakha, comme d’anciens riches devenus pauvres, et donc recevoir une aide leur permettant de conserver leur précédent mode de vie, ou, selon l’expression employée par les codificateurs, « même un cheval à monter et un héraut pour les précéder, en signe de respect ». Rav Sim‘ha Bunem de Psyskha voyait dans ce cheval le signe que « même un nouveau pauvre a besoin de ce genre de vanité ».

 

Traduction et adaptation par Jacques KOHN.


A PROPOS DE L'AUTEUR
Méir Tamari
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