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A qui incombe la charge de prendre des mesures pour soulager les souffrances et les privations qui résultent de situations de pénurie ou de désastres naturels ?
Faut-il laisser chaque individu se débattre dans la recherche d’une protection, ou bien la société a-t-elle une responsabilité dans ce domaine ?
La sécheresse et la famine dont il est question dans cette paracha et dans celle qui la suit, soulèvent l’importante question du rapport d’ordre éthique que nous devons entretenir avec les denrées alimentaires de base, les matières premières essentielles et les services, quel que soit le système économique. La question morale qui se pose est celle de savoir à qui incombe la charge de prendre des mesures pour soulager les souffrances et les privations qui résultent de situations de pénurie ou de désastres naturels. Faut-il laisser chaque individu se débattre dans la recherche d’une protection, ou bien la société a-t-elle une responsabilité dans ce domaine ?
Cette question nous interpelle sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les catastrophes naturelles, les guerres, ou les bouleversements économiques qui engendrent pénuries ou famines. Le judaïsme affirme clairement, dans tous ces cas, que la société a l’obligation en dernier ressort de protéger, tant par la contrainte que par l’éducation, les besoins essentiels de ceux qui sont hors d’état d’y pourvoir eux-mêmes, quelle que soit la cause de leur détresse. Cela découle de la nature même du judaïsme, à la fois communautaire et nationale, et aussi de sa conscience que l’égocentrisme et l’égoïsme limitent nécessairement le pouvoir de la philanthropie individuelle de résoudre les situations d’une telle ampleur. Il n’est pas étonnant, dès lors, de trouver des décisions halakhiques et des règlements communautaires qui tendent à cette fin. Les rabbins gardant ce fait bien présent à l’esprit ont délibérément faussé les lois du marché qui leur étaient familières et qu’ils avaient même acceptées comme étant efficaces, essentielles et morales.
Nous pouvons discerner, globalement, quatre formes d’intervention :
 

Les restrictions apportées à la liberté du commerce.

« On ne peut pas gagner deux fois sur la vente d’œufs » (Baba Bathra 91a). Dans la discussion qui se développe autour de cette règle, une controverse s’installe entre deux Sages, Rav et Chemouel, quant à la signification de l’expression : « deux fois ». Le premier la comprend comme désignant un bénéfice de 100 %, le second l’applique aux intermédiaires dans la chaîne de distribution. La plupart des autorités retiennent ce dernier avis. De même, tandis que le Rambam considère que l’injonction se réfère uniquement aux œufs, l’avis de la majorité, tel qu’il est reflété par le Choul‘han ‘aroukh, est qu’il ne s’agit que d’un exemple, et donc que cette règle s’applique à toutes les denrées alimentaires de base (‘Hochèn michpat 231, 23) : « On n’a pas le droit de commercer en Erets Yisrael sur les denrées où il y a ‘hayyei néfech (“denrées essentielles à la vie”). » Mais il est permis, là où l’huile est abondante, de s’enrichir en en faisant commerce (Baba Bathra ibid.). De telles restrictions sont destinées, en réduisant les intermédiaires, à lutter contre la hausse des prix. En revanche, lorsque la distribution sur une vaste échelle par des intermédiaires est à l’avantage du consommateur, il est permis de s’y livrer sans restrictions. Nous apprenons cela à partir de la même source talmudique, qui distingue entre ceux qui commercent sur des denrées auxquelles ils n’apportent aucune transformation, et ceux qui, les ayant emballées ou transportées d’un endroit à l’autre, ont fourni une réelle valeur ajoutée rendant légitime leur activité commerciale.
 

Le contrôle des prix.

Tous les codes et décisions rabbiniques imposent au beith din « d’annoncer les prix fixés [des denrées de base] et de nommer des inspecteurs à cette fin… Le bénéfice ne doit pas excéder un sixième [calculé sur le coût total, frais compris]. En outre, toutes les autorités reconnaissent que les gens d’une ville, par un vote à la majorité de tous les citoyens ou de leurs représentants, peuvent fixer les prix du pain et de la viande comme ils l’estiment nécessaire. Quiconque ne se plie pas à leur décision sera puni » (Michné Tora, Hilkhoth mekhira, 14 ; voir aussi ‘Hochèn michpat 231, qui donne une définition légèrement différente des denrées de base). Toutes les fois qu’il y a hausse de prix suite à des changements dans l’offre ou la demande, le vendeur est libre de pratiquer ceux qui lui conviennent jusqu’à ce que soit publiés des prix imposés par la collectivité.

Nous disposons par conséquent de preuves multiples de la conscience qu’avaient les Sages du Talmud de l’impact de la demande sur les prix. Il nous est donc facile de comprendre qu’ils aient pris des mesures pour agir sur cette demande, ainsi qu’il est rapporté dans la Michna suivante : « Comme le prix des pigeons offerts en sacrifices par les femmes après accouchement avait atteint un dinar d’or, Rabbi Chim‘on ben Gamliel annonça qu’il ne rentrerait pas chez lui aussi longtemps qu’il n’en aurait pas diminué le prix. Il enseigna alors qu’une femme n’aurait à offrir qu’un seul pigeon, quel que fût le nombre d’enfants mis au monde. [Cette décision halakhique] entraîna le même jour une baisse des prix à deux quarts [de dinar d’argent, soit un cinquantième de dinar d’or (Bartenoura)] » (Kerithoth 1, 7). Cette méthode consistant à lutter contre les hausses de prix excessives et les monopoles en bouleversant les règles de la halakha a continué d’être utilisée par les rabbins à travers les âges. C’est ainsi que l’on a écarté, le Chabbath, la consommation du poisson à cause des prix excessifs pratiqués par un cartel de pêcheurs (Techouvoth ha-Tséma‘h tsédeq 21 [16ème siècle] ; voir aussi Michna beroura, Hilkhoth Chabbath [20ème siècle]). De la même manière, la pratique consistant, de nos jours, à vendre les ethroguim dans des boîtes fermées, et à réduire de cette façon la frénésie des clients acharnés à découvrir le fruit le plus parfait, a été instituée sur instructions des rabbins.
 

Favoriser l’offre.

« Il est interdit d’exporter depuis Erets Yisrael des denrées essentielles à la vie [motsrei ‘hayyei néfech]… Rabbi Yehouda HaNassi permet le transport de marchandises d’une région à une autre en Erets Yisrael » (Baba Bathra 90b). Le Rambam est d’un avis contraire à celui de Rabbi Yehouda en considération du fait qu’une telle exportation risquerait de causer une pénurie dans la région exportatrice. Il est intéressant de noter que Rabbi Yehouda ben Betheira permettait l’exportation de vin étant donné que le fléchissement des stocks allait diminuer l’immoralité qui résulte souvent de sa consommation excessive. Nous sommes ici en présence d’un autre exemple de l’interaction entre les considérations morales générales et celles purement économiques, si caractéristique du traitement par la loi juive des questions économiques.

Le bien-être du consommateur a le pas sur les profits excessifs accumulés par les commerçants et industriels en période de pénurie. On en est même venu, pour le préserver, à modifier une halakha essentielle en matière de contrat de vente. En règle générale, le transfert de propriété sur des biens mobiliers que l’on a achetés ne s’opère pas seulement par la remise de l’argent, mais il exige un acte d’entrée en possession. Cette disposition a pour conséquence que le vendeur conserve la responsabilité de tous dommages subis par les marchandises vendues tant qu’elles sont en sa détention. A défaut de cette règle, le vendeur serait naturellement porté à se montrer négligent en ce qui concerne un bien qui n’est plus légalement le sien. Cependant, avant les fêtes, il a été permis aux consommateurs d’acquérir un morceau de viande simplement en en payant le prix. Les bouchers, de leur côté, préféraient faire abattre le moins d’animaux possible afin de profiter de l’accroissement de la demande à l’approche des fêtes. C’est ainsi que la décision selon laquelle « ils devaient abattre un animal même si un seul client voulait acheter un dinar de viande prélevée sur un bœuf qui en valait mille » a efficacement contribué à maintenir les prix à un niveau normal (‘Houlin 83a).
 

Enseignements moraux.

Toute forme de contrôle des prix, de rationnement, ou d’intervention visant à influer sur l’offre ou la demande lorsque l’économie est en état de déséquilibre et donc de pénurie engendre un marché noir ou des hausses de prix illégales. La seule protection contre ces effets pervers est un consensus sur la justification morale de l’intervention. Quand ce consensus fait défaut, comme ce fut le cas pendant les années de « prohibition » aux Etats-Unis, toute intervention a des effets contraires et crée des problèmes moraux qui peuvent être plus graves que ceux qu’elle voulait résoudre.

Les rabbins ont, à toutes les époques, parfaitement compris les mécanismes économiques de l’accaparement des marchandises en temps d’abondance de l’offre, suivie de leur revente lorsque la demande augmente ou que se produisent des pénuries. Ils ne se sont cependant préoccupés que du problème moral. Nous citerons par exemple ce que disent les Sages du Talmud de « ceux qui spéculent sur les produits alimentaires, ceux qui prêtent de l’argent à intérêt, qui utilisent de faux poids et qui jouent sur les prix. C’est de cette sorte de gens que parle le prophète ‘Amos lorsqu’il dit : “Dieu a juré qu’Il n’oubliera jamais ce qu’ils ont fait” (Amos 8, 7). » De même ont-ils opéré une distinction entre les commerçants et les intermédiaires, d’une part, auxquels il est interdit de spéculer, et les producteurs eux-mêmes, d’autre part. Ceux-ci n’ont pas l’obligation de vendre leurs produits au public, et il leur est permis de les conserver par devers eux pour tirer profit d’une pénurie (Baba Bathra 90b).

 

Traduction et adaptation par Jacques KOHN
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
Méir Tamari
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