-	Allons Toubich, ne pleure
    pas ainsi ! console de tout son cœur de pomelo
  le hérisson de Daphna. Moi non plus, ils ne m’ont pas touché !
  Et pourtant je suis fais de pruneaux d’Agen !
 
  
  -	Et nous ? ajoutent les petits lutins de pâte d’amande ! Plus
  de la moitié d’entre nous sont restés sur la table. Je
  me souviens que l’an dernier, nous avons tous, tous, fait partie du repas
  ! C’est ainsi, Bonhomme ! Il y a des bonnes années et des mauvaises
  !
  
  -	Mais ce n’est pas la même chose, non ce n’est pas pareil
  ! Car il ne vous a pas détesté comme il m’a détesté,
  gémit Toubich, Il ne vous a pas regardé méchamment ! Il
  ne vous a pas reproché de lui gâcher sa fête .... !
  
  Il est à présent minuit. Du coucou de bois vernis accroché dans
  le salon, sort tout à coup un petit oiseau bleu :
  
  -	Coucoubichevat ! Coucoubichevat ! Coucoubichevat … chante-il. Et bonne
  année aux arbres du monde entier !
C’est au douzième Coucoubichevat que l’oiseau quitte sa
  boîte. Il s’envole et se pose sur la table partiellement débarrassée
  :
  
  -	Oh, Toubich ! Comment vas-tu mon copain, tu es encore là ? Ouah !
  Ce que tu es beau cette année ! Tu es lumineux !
  
  - Bonsoir ! répond tristement le bonhomme.
  
  -	Et bien que se passe-t-il ? Pourquoi cette mine ! Mais, mais … Tu pleures
  !
 
  
  -	Oui, il pleure à cause de Ilan qui s’est fâché parce
  qu’il n’est fait que de fruits d’Israël et, qu’il
  ne le trouve pas beau ainsi !
  
  -	Pas beau ? Mais … Il ne voit pas clair ce garçon ! Je crois
  qu’il a besoin de lunettes !
  
  -	Des lunettes pour voir la lumière de la Kedoucha ? Ca existe ? s’étonne
  le Hérisson de Daphna.
  
  - Bien sûr ! Attendez, je crois bien que j’en ai une paire dans
  ma maison !
  
  -	Vraiment ! se réjouit Toubich, tu pourrais nous la prêter ?
  
  -	Quelle question ! Je vais tout de suite la chercher.
L’oiseau bleu retourne dans son horloge, farfouille à grand bruit
  dans ses affaires, et en sort après un petit moment, les plumes ébouriffées,
  tenant dans son bec un objet bizarroïde :
  
  -	Les voilà ! dit-il. …Pleines de poussière mais en bon état
  !

  
  Emerveillé, le bonhomme les prend dans ses deux figues :
  
  -	Oh ! Merci ! Merci Coucou bleu ! Je vais les donner à Ilan, et comme
      cela, il verra que je suis plein de lumière !
 
  
  -	Veux-tu que j’aille le réveiller ? propose le Coucou de
      bois.
  
  - …Pas la peine… J’suis déjà réveillé...,
      dit soudain une petite voix ensommeillée. … J’ai entendu
      des voix, alors je me suis levé !
 
  
  -	On dit bonsoir quand on est poli ! lance sèchement le petit oiseau.
 
  
  -	Pardon ?
  
  -	Et on s’excuse, lorsqu’on a fait de la peine ! rajoute-t-il
    durement.
Le plus jeune de la maison
    le regarde interloqué :
 
  
  -	A qui parles-tu ? A moi ?
  
  -	Oui !
  
  -	J’ai fais de la peine à quelqu’un ? s’étonne
  le garçonnet.
  
  -	Parfaitement ! Tu as fait pleurer mon copain Toubich !
 
  
  -	Moi ? !
  
  -	Oui, toi ! Tu lui as dit qu’il était moche, et que tu ne voulais
  pas de lui ! Tu ne sais pas combien de larmes il a versé à cause
  de toi, n’est-ce pas Toubich ? ! 
Toubich baisse ses yeux
    d’olives
    noires !
    
  -	Si c’est vrai que tu as pleuré à cause de moi, j’en
  suis désolé ! s’excuse Ilan sincère … Je … Mais …Mais
  vous devez comprendre que moi, j’aime les belles couleurs ! …Ce
  n’est pas ma faute si Hachème a fait des fruits « Kadoche » qui
  ne me plaisent pas ! Tu aurais préféré que je te dise
  des mensonges ? !
En entendant sa réponse, le Bonhomme éclate une fois de plus
  en sanglot. Il est à présent si malheureux qu’il voudrait
  tomber de la table et disparaître dans le jardin pour ne plus jamais
  revenir ! Jamais, jamais, jamais !
 
  
  - Ce n’est pas gentil de parler ainsi, tu n’as pas honte ! sermonne
  le hérisson pruneau.
  
  -	Nous aussi te disons que tu n’es pas beau ! Et nous préférerions être
  sur la table d’un autre garçon ! accusent les lutins de pâte
  d’amande.
  
  - …Un garçon qui n’est pas capable voir la beauté des
  fruits d’Israël ne peut pas être un bon garçon ! lui
  reproche encore le Coucou bleu. Tu ne mérites pas les larmes de mon
  ami !
  
  -	Et bien vous n’avez qu’à vous en aller ! Partez par la
  fenêtre si cela vous fait plaisir ! Et ne m’embêtez plus
  ! 
  Et l’enfant se tourne vers le mur et se met à bouder.
  
  Un silence glacial envahit alors la salle à manger ! Personne n’ose
  dire un mot ! Personne n’ose faire un geste ! 
  Après ce court moment de malaise, Toubich, qui a courageusement séché ses
  larmes, se décide à briser la glace :
  
  -	Bien ! Euh … Nous n’allons pas rester ainsi fâchés
  ! Après tout Ilan a le droit de penser ce qu’il pense !
 
  
  -	Parfaitement ! marmonne le petit.
  
  -	Alors on est copain même si je ne suis pas beau ? ! Je ne te gâche
  plus ta fête ? !
  
  -	Non ... s’adoucit Ilan.
  
  -	Alors serrons-nous la main !
Et Toubich lui tend sa
    main figue. C’est alors que Ilan remarque les
  lunettes :
  
  -	Et qu’est-ce que c’est ce drôle de machin que tu tiens
  ?
  
  -	Ce sont des lunettes ! Des lunettes un peu spéciales ! répond
  Toubich. Tu veux les essayer ?
  
  -	Les essayer ! Mais pourquoi ? Je vois très bien ! 
  
  -	Ca, ce n’est pas sûr ! Siffle le petit oiseau. 
  
  Ilan haussent les épaules :
  
  -	Qu’est ce qu’elles ont de spécial ? interroge-t-il.
  
  -	Elles permettent de voir la lumière de la Kedoucha !
  
  -	La lumière de la Kedoucha ? La Kedoucha a une lumière ?
  
  -	Oui bien sûr, une lumière magnifique !
  
  -	Ah oui ? ! Cela m’intéresse ! Je veux bien tes lunettes !
Heureux de sa réaction, Toubich lui remet les lunettes. Sans attendre,
  le garçon, curieux, les pose sur son nez. Tout à coup le monde
  qui apparaît à son regard se transforme ! Et malgré la
  nuit, il distingue à présent une lumière inconnue de lui
  :
  
  -	Ouah ! s’exclame-t-il. Ouaaaah ! Oh là là là là là !
  Mais qu’est-ce que c’est beau !

  
  Puis il pivote vers Toubich :
  
  -	Mais c’est vrai que tu es magnifique ! Tu es même le plus merveilleux
      des bonhommes de fruit que je n’ai jamais vu ! 
Toubich rit de bonheur.
  
  -	Ouah ! C’est ça la lumière de la Kedoucha ? continue
  Ilan les lunettes toujours sur le nez, mais c’est trop extraordinaire
  ! Pourquoi ? Mais pourquoi Hachème nous la cache ? Le monde est bien
  plus beau ainsi ! Pourquoi, mais qui peut me dire pourquoi ?
  
  -	Oh là ! En voilà une grande question ! répond Toubich. … Je
  ne sais pas si elle a une réponse ! 
  
  -	Mais bien sûr que oui ! assure le Hérisson de Daphna, sachez
  qu’à toute question il existe une réponse ! 
  
  -	Et tu la connais cette réponse ? interroge Ilan les yeux toujours écarquillés à travers
  ses lunettes.
Embarrassé, le Hérisson
    de Daphna se gratte sa gorge de pomelo :
    
  -	Euh… Et bien… En fait, non ! Il faut la chercher ! 
  
  -	La chercher, mais où ? 
  
  Hérisson le regarde désolé, il ne sait pas, les autres
  non plus d’ailleurs ! Les lutins se concertent en chuchotant, tandis
  que Toubich se frotte sa tête de grenade :
  
  -	Et si nous allions interroger l’Ancien des arbres ! propose soudain
  Coucou bleu.
 
  
  -	Tu le connais ? s’exclame Toubich admiratif.
  
  - Oui très bien, il m’arrive quelquefois d’aller lui faire
  un petit coucou quand je m’ennuie tout seul dans mon horloge ! Il est
  très vieux, et aussi très gentil. C’est lui qui m’a
  offert cette paire de lunettes, un soir pour me remercier d’avoir chanté pour
  lui.
  
  -	Mais qui est-ce ? dit Ilan, plus intéressé que jamais.
  
  -	L’Ancien des arbres est un magnifique arbre que Hachème a planté au
  milieu du jardin d’Eden ! Dans la Torah, il est appelé l’Arbre
  de la Vie ! Le Midrash Hagadol explique que celui qui cherche une réponse
  peut la trouver chez lui ! 
  
  -	Vraiment ? Alors allons-y au plus vite ! Décrète le petit tout
  en glissant les lunettes dans la poche de son pyjama. Comment arrive-t-on jusqu’à lui
  ?
  
  -	Facile, il suffit de grimpez sur un rayon de lune qui éclaire la terre.
  Il vous mènera à l’endroit où pousse le vieil arbre
  !
Un rayon de lune menant
    au jardin d’Eden, cela semble un peu bizarre à Ilan.
  Mais étant donné qu’il est au beau milieu d’un rêve,
  il l’accepte facilement.

  
  De peur d’être dévoré par Minouche, le chat de la
      maison, les lutins et le Hérisson de Daphna ont refusé de
      partir. 
  
  Donc, seuls Coucou bleu et Ilan, avec Toubich bien installé sur son épaule
      sortent par la grande porte-fenêtre du salon.
  
  Le temps est un peu frais en cette nuit du quinze du mois de Chevat. 
  
  Le garçon frissonne à cause d’une brise légère
      qui souffle sur son visage. 
  
  -	Dis-moi Toubich ! demande-t-il tout à coup, un peu inquiet, tu n’entends
      pas de drôles de bruits ? 
  
  -	Oui, répond ce dernier en riant, ce sont les arbres qui baillent !
      Ils sont en train de se réveiller après de long mois de sommeil
      ! 
  
  Ilan rit à son tour. Cela l’amuse d’écouter le réveil
      des arbres !
  
  Après une petite marche, ils arrivent au pied d’un olivier. Fasciné,
      Ilan découvre un faisceau lumineux semblable à un tapis roulant.
      L’enfant hésite quelques secondes, puis saute à pieds joints
      sur la lumière. Cette dernière le transporte tout droit vers
      le ciel. Après quelques instants d’enchantement, Coucou bleu
      annonce :
  
  -	Nous sommes arrivés ! L’Ancien des arbres est tout près
      d’ici, au milieu de ce grand jardin.
 
  
  -	Approchez, mes amis ! dit soudain une voix mélodieuse. Je suis
      heureux de votre visite ! 
  
  -	C’est lui ! chuchote l’oisillon. 
 

  
  -	Bonjour Coucou bleu, comment vas-tu ? ! 
  
  -	Je vais bien, grâce à Dieu ! Je suis venu te souhaiter un
          joyeux anniversaire !
  
  -	Tu es bien gentil ! Mais qui m’as-tu donc amené ? ! Oh Toubich
            ! Comment vas-tu Bonhomme ! Tu es bien beau cette année ! Rien que des
            fruits d’Israël ! Quel honneur !
  
  Très ému, Toubich rougit de ravissement : 
  
  - Merci ! Arbre de Vie ! Merci !
  
  -	Et toi petit homme ? Comment t’appelles-tu ? continue l’Ancien.
  
  -	Ilan. Murmure le garçonnet fort intimidé.
  
  -	Ilan … C’est un très joli nom ! En hébreu, il signifie « arbre
            fruitier » ! Mais je devine que tu es monté jusqu’à moi à cause
            d’une question, n’est-ce pas ? ! Quelle est-elle ? Je t’écoute
            !
  
  -	Euh …Euh … Hésite-t-il toujours très impressionné,
            Je… Je…voudrais savoir pourquoi je ne vois pas la lumière
            de la Kedoucha sans lunettes !
  
  - … Sans lunettes ? Réfléchis bien mon garçon.
            A ton avis, pourquoi porte-t-on des lunettes ? !
  
  -	Euh … Euh…Parce qu’on ne voit pas bien !
  
  -	Et bien, c’est la réponse que tu cherchais !
  
  -	Je ne vois pas bien ? Pourquoi je ne vois pas bien ?
 
  
  -	A cause de ton yétser hara (penchant au mal) ! Il se met devant
          tes pupilles et il les voile !
  
  -	Il les voile ! Se révolte soudain Ilan, mais de quel droit ? Et puis
            d’où vient-il celui-là ? Qui l’a mis devant
            mes yeux ?
  
  -	Oh la ! s’exclame l’arbre millénaire. C’est
            une longue histoire ! Tu veux que je te la raconte ?
  
  -	Oui, bien sûr !
  
  -	Alors assieds-toi près de moi et écoute attentivement
            ! 
Ilan obéit, et l’Ancien commence son récit
    :
    
  - Et bien voilà, tout commence au commencement ! Pour créer l’univers,
  Hachème utilisa une énergie spéciale, une énergie
  qui permet de mettre la matière en petits morceaux, (cellules et chromosomes)
  ! Ces petits morceaux sont devenus ensuite des étoiles, des oiseaux,
  des éléphants, des ours, des hommes, des fleurs, des champignons,
  etc.… !
  
  -	Et alors ?
  
  -	Alors, alors… Après que les étoiles, les oiseaux, les éléphants,
  les ours, les hommes, les fleurs, les champignons, etc.…, furent créés,
  cette force aurait dû disparaître du monde !
 
  
  A cette époque, il n’en restait plus que dans les fruits de mon
  ami, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, et aussi dans le roi
  des animaux d’alors, c’est à dire dans le serpent. En ce
  temps là, cette énergie était en dehors de l’homme
  ! Malheureusement, Adam et Eve n’ont pas écouté lorsque
  Hachème leur a demandé de ne pas en manger ! Cette force de découpage
  est entrée en eux, et s’est transformée en yétser
  hara (penchant au mal) ! Car les fruits de mon ami était encore « Orla ».
  Même de nos jours il est interdit d’en manger. La Torah nous dit
  que tant qu’un arbre est un bébé, tant qu’il a moins
  de quatre ans, ses fruits sont pleins de cette force qui aurait dû partir
  !
 
  
  Et voilà pourquoi on fête Tou bichevat, grâce à cette
  fête, on connaît l’âge des arbres !
  
  -	Et que devons-nous faire à présent !? demande Ilan très
  inquiet. D’après ce que tu dis, on aura toujours, toujours besoin
  de lunettes !
  
  -	A présent que cette force est en nous, petit, il faut se battre pour être
  sans cesse plus fort qu’elle ! 
  
  -	Comment ?
  
  - Oh, il existe toutes sortes de combats !
  
  -	Lesquels ?
  
  -	Et bien s’efforcer d’être constamment gentil par exemple
  ! Ou encore, prier Hachème pour qu’Il t’aide, pour qu’Il
  nous aide tous ! Tu peux aussi étudier la Torah, et apprendre à écouter
  ses bons conseils ! Et enfin tu dois manger plein de Kedoucha !
  
  -	Manger de la Kedoucha ?
  
  - Oui, plus tu en auras en toi, et plus tu auras de chance de gagner la guerre,
  et à la fin cette énergie deviendra un Yetser Tov (penchant au
  bien), et le monde redeviendra aussi beau qu’avant !
  
  -	Manger de la Kedoucha ? répète l’enfant ! Cela se mange
  la Kedoucha ?
  
  -	Oui bien sûr, lorsque tu manges des fruits de la terre d’Israël,
  et en particulier des sept sortes, tu manges de la Kedoucha !
Et d’un seul coup, Ilan se réveille.
 
  
  Il se lève d’un bond, se lave les mains, et se précipite
  vers la salle à manger.
 
  
  Là, sur la table, raide comme un piquet, Toubich est toujours sur son
  assiette. Le garçonnet le fixe droit dans ses yeux de raisins secs,
  et avec toute son attention. Puis il sourit :
  
  -	Tu vois Toubich, je fais ce que le grand arbre m’a enseigné !
  Je vais manger de la Kedoucha ! Et je vais même dire la bénédiction,
  je suis sûr que « ça va » en rajouter !
  
  Et le petit Ilan commence à manger les dattes qui se trouvent dans le
  panier face à lui. Il en mange une, puis deux, puis trois. Il prend
  ensuite des figues sèches, boit du jus de raisin…
  
  A cet instant son papa qui revient de la prière du matin, entre dans
  la pièce. Il aperçoit alors son petit garçon se regardant
  attentivement dans le miroir :
  
  - Ilan ? ! Mais que fais-tu ? demande-t-il amusé.
 
  
  -	Je regarde, papa, je regarde ! répond ce dernier avec beaucoup de
  sérieux.
  
  -	Tu regardes ? Que regardes-tu ?
  
  -	Si j’ai toujours besoin de lunettes !
  
  Joyeux Tou Bichevat, les enfants, et n’oubliez pas votre Toubich
!
