" Tu n'accepteras    pas de cadeau corrupteur " (Deutéronome 16, 19).
 
VERSEMENTS DE BAKCHICH
 
Rabbi Moché Isserles assimile de même les hommes politiques aux juges, puisque les décisions rendues par les uns comme par les autres doivent être totalement objectives.
Il est fréquent,    dans beaucoup de pays, de verser des enveloppes afin de se garantir la fidélité    de sa clientèle. Ce peut être aussi des cadeaux ou des gratifications    remis à des fonctionnaires publics pour qu'ils accélèrent    le traitement de dossiers. Dans d'autres cas, on charge des intermédiaires    de faciliter les ventes d'une manière non-conformiste grâce aux    entrées dont ils disposent dans les administrations, et on leur verse    de copieuses rémunérations.
Dans beaucoup de cas, ces    payements sont exigés comme des préalables à toute opération    ou à toute participation à des adjudications de marchés,    si bien que même les sociétés les plus scrupuleuses sont    obligées d'y avoir recours afin de préserver leurs intérêts    commerciaux. Est-ce que cela constitue la corruption interdite par la Tora?
L'interdiction biblique    visant les dons corrupteurs s'applique au juge qui siège en audience,    et non à l'individu. C'est ainsi que rien ne s'oppose à ce que    je remette un cadeau à un citoyen privé pour l'inciter à    acheter ma marchandise. Il n'a en effet à juger personne d'autre que    lui-même.
Cependant, beaucoup d'autorités    étendent l'interdiction aux fonctionnaires publics, car ils doivent décider    sur des sujets d'intérêt collectif. Rabbi Yomtov Lipman Heller    (le Tossefot Yom Tov, Prague, Pologne, 1579-1654) écrit : " Même    les fonctionnaires publics qui n'ont pas à décider sur des sujets    liés à la Torah doivent s'abstenir de recevoir des cadeaux pour    leurs services " (Pilpoula 'Harifta, Sanhédrin chap.3).    Le Rema, Rabbi Moché Isserles (grand décisionnaire qui a ajouté    au Choul'han Arou'h l'opinion des sages Ashkénaze, Cracovie, 1525-1572),    assimile de même les hommes politiques aux juges, puisque les décisions    rendues par les uns comme par les autres doivent être totalement objectives    ('Hochèn michpat 37).
De même, un représentant    du gouvernement qui fait dépendre sa décision de la taille ou    du contenu des pots-de-vin qu'il reçoit se rend coupable de corruption.
Il est interdit de lui offrir    de tels cadeaux, geste assimilable à celui qui consiste à "    placer un obstacle sous les pas de l'aveugle " (Lévitique    19, 14). Cependant, si la seule tâche qui incombe à ce fonctionnaire    est de choisir les offres qui remplissent les conditions pour pouvoir participer    à une adjudication, mais sans pouvoir décider laquelle l'emportera    sur les autres, il peut être permis de lui verser une commission pour    pouvoir être admis à concourir aux côtés des autres    offres.
 
OBTENIR L'EGALITE DES    CHANCES
 
Un Juif est censé représenter D.ieu en se comportant vertueusement et honnêtement, et s'il agit autrement il offense son Créateur et s'avilit lui-même.
D'où une autre question    : considère-t-on qu'il y a corruption interdite lorsque je n'agis que    pour obtenir une chance égale de succès, et non pour infléchir    en ma faveur les plateaux de la balance ? Dans ce cas, non seulement je n'incite    pas le juge à une transgression, mais je peux être considéré    comme l'empêchant de pécher en l'incitant à rétablir    l'équilibre entre les parties.
En revanche, je justifie et encourage sa propension à se laisser acheter    par mon acceptation d'entrer dans son jeu. Pour cette raison, une éminente    autorité rabbinique a interdit de donner cette sorte de gratification,    car même si elle n'est pas assimilable à un obstacle mis sous les    pas d'un aveugle - comme c'est le cas lorsqu'un juge se laisse acheter de toute    manière - il n'est pas permis d'encourager un comportement condamnable    (Birkhei Yossef, 'Hochèn michpat 9, 3).
Cependant, cette interdiction    n'est pas un acceptée par tous, compte tenu du fait que le résultat    final consiste de toute façon en un jugement injuste et imparfait. Rabbi    Yaïr 'Hayim Bachrach (1638-1702) considère que la rigueur spécifique    de la loi juive, que ne permet pas de corrompre un juge même pour obtenir    une vraie justice, ne s'applique pas dans un environnement séculier.
C'est ainsi que, si un Juif    apprend qu'il est accusé injustement, mais qu'il aura la possibilité    d'être jugé impartialement en versant un pot-de-vin (mais non pour    obtenir un avantage injuste), il peut lui être permis de le faire s'il    s'agit d'un juge non juif. Il est certes interdit au juge de recevoir tout présent    corrupteur, mais celui qui le donne n'a pas commis de péché si    son intention est seulement de corriger un préjugé défavorable    dont il est la victime. On notera à ce sujet que le Rabbi Bachrach en    donne pour preuve que la Torah met l'accent sur l'acceptation de pots-de-vin,    et non sur leur don ('Havoth Yaïr, responsa 136).
Cette analyse présuppose    que si un juge accepte les mêmes faveurs de la part des deux parties,    il les jugera sans préjugés. Rabbi Mena'hem Hameïri n'accepte    pas ce point de vue, attendu que si un juge reçoit des pots-de-vin des    deux côtés il sera plus enclin à agir comme arbitre entre    les parties qu'à chercher qui a raison et qui a tort. Pour cette raison    la Torah a interdit même l'acceptation de paiements de même montant    donnés par les deux côtés. (Le Meïri ne traite pas    de la question des tribunaux non juifs.)
Reste à formuler    deux autres remarques. Si un Juif verse des pots-de-vin, il s'expose à    profaner le nom de D.ieu, puisque la corruption est interdite par toutes les    religions et par tous les systèmes juridiques. Si donc on devait s'apercevoir    qu'un Juif a donné des présents corrupteurs, c'est tout son idéal    spirituel qui s'en trouverait perverti. Un Juif est censé représenter    D.ieu en se comportant vertueusement et honnêtement, et s'il agit autrement    il offense son Créateur et s'avilit lui-même.
En outre, un Juif qui s'engage    dans des procédures louches pour y gagner sa subsistance rompt avec la    croyance à laquelle nous sommes attachés, selon laquelle Il procure    des moyens d'existence honnêtes à toutes les créatures vivantes.    Si nous croyons véritablement que D.ieu est la source de notre gagne-pain,    nous n'avons aucune raison de nous engager dans des activités hasardeuses    qui risquent de nous inciter à pécher.
La corruption ne doit occuper    aucune place dans ce que nous faisons, et nous réussirons ainsi à    trouver notre subsistance en même temps que nous honorerons notre statut    de peuple élu de D.ieu.
Source: Te'houmine,    Vol. 5, p. 333.
(Traduit de l'anglais par    Jacques KOHN)