Logo Lamed.frhttp://www.aish.comAccueil Lamed.fr
...
.

Paracha

.
...
...
.

Soutenez-nous

.
...
Paracha / Exploration back  Retour

La Beauté de Joseph

Dans cette parasha, Joseph interprète les rêves de Pharaon, prévoyant sept années d'abondance et sept années de famine. En récompense, il devient vice-roi, le deuxième homme le plus puissant d'Egypte. Quand la famine s'abat sur le pays comme il l'avait prédit, ses frères viennent en Egypte pour s'approvisionner. Joseph les reconnaît, mais eux ne le reconnaissent pas. Il ne dévoile pas son identité et décide de les mettre à l'épreuve. Il s'écoulera quelques temps avant qu'il ne se révèle à eux et qu'il n'envoie chercher son père.

A travers les générations, les commentateurs ont été perturbés par l'apparente insensibilité de Joseph, compte tenu du temps qu'il met pour rencontrer son père qui pleure toujours sa mort. Pourquoi Joseph a-t-il mis autant de temps avant d'organiser ces retrouvailles? On pourrait le justifier par le désir de vengeance de Joseph envers ses frères pour leur perfidie, mais cela semble incohérent avec la réputation de Tsadik de Joseph, un homme bon et juste. De plus, quand la vengeance empiète sur les responsabilités filiales de Joseph et laisse Jacob dans le deuil et dans la faim, tout retard semble alors inexcusable.

Dans son commentaire sur la Torah, Na'hmanide (Ramban) pose cette question :

Pourquoi durant tout ce temps passé en Egypte, Joseph n'a-t-il pas essayé d'entrer en contact avec son père? Après tout, la Terre d'Israël n'est qu'à "six jours" de voyage de l'Egypte, selon les calculs de Na'hmanide.
Pourquoi, quand il est devenu le chef intendant de la maison de Potiphar, Joseph n'a-t-il pas envoyé de lettre à son père (et il pouvait facilement faire une telle chose), l'informant qu'il était vivant et qu'il se portait bien?
De plus, il est évident qu'une fois devenu vice-roi - le deuxième homme le plus puissant d'Egypte - il pouvait faire tout ce qu'il voulait.

Toutes ces nombreuses années où Jacob se languissait et portait le deuil de son fils préféré, auraient pu être évitées. Joseph, lui, ne se languissait-il pas de son père? Comment pouvait-il rester loin de son père durant toutes ces années?

Selon Ramban, Joseph ne pouvait pas contacter Jacob tant que les rêves qu'il avait faits quand il était jeune ne s'étaient pas réalisés. Joseph avait rêvé que ses frères se prosterneraient un jour devant lui. D'ailleurs, la révélation de ce rêve avait engendré la jalousie de ses frères, et avait conduit à sa vente et à son asservissement. Le texte montre que Joseph ne s'est révélé qu'après la réalisation de ce rêve.

D'autres commentateurs Bibliques ne partagent pas la réponse de Na'hmanide. Les rêves sont du domaine de D.ieu, et non de celui de l'Homme. L'Homme lui, doit faire ce qui est moral, et l'attitude morale de Joseph, aurait été d'informer son père qu'il était en vie et bien portant.

Un commentateur contemporain, Rav Yoel Bine Noun, a suggéré que la question de Na'hmanide ne se pose peut-être pas. En fait, c'est la question inverse que nous devrions poser : Pourquoi Jacob n'a-t-il pas contacté Joseph? La réponse semble évidente : Jacob pensait que Joseph était mort. Mais Joseph, de son côté, ne savait pas ce qui s'était passé à la maison. Il ne savait pas que ses frères l'avaient déclaré mort, et il aurait bien pu se demander : "pourquoi mon père ne prend-il pas contact avec moi?"

Rappelons-nous les faits : Joseph savait que son père avait connaissance de l'hostilité qui régnait entre lui (Joseph) et ses frères. Il était donc légitime de se poser la question suivante : "pourquoi mon père m'a-t-il envoyé rendre visite à mes frères ce fameux jour? Pourquoi m'a-t-il mis dans une situation aussi dangereuse?" De plus, Joseph devait avoir à l'esprit les antécédents familiaux : lorsqu'une mésentente se manifestait, la solution était de se séparer. On peut le voir dans l'attitude d'Avraham et de Loth : quand ils réalisent qu'ils ne pouvaient pas co-habiter, ils se séparent. Le même scénario s'est produit avec Ismaël et Isaac, et avec Jacob et Essav. Joseph aurait très bien pu supposer qu'en raison de la discorde qui régnait dans la maison de son père, Jacob ait décidé d'adopter la même solution, et de l'envoyer très loin. Joseph pouvait donc se demander : "Mon père, voulait-il m'éloigner de notre maison? N'est-il pas donc finalement à l'origine de ma vente comme esclave?".

Rav Yoel Bine Noun suggère : "ce n'est uniquement lorsque Yehouda lui révèle que Jacob "pleure" son fils favori qui avait été 'déchiré en morceaux (par une bête)' [Genèse 44:28], que Joseph réalise que son père le croit mort. A partir de ce moment là, Joseph décide de se révéler à ses frères, et fait venir son père".

Bien que l'interprétation de Rav Bine Noun soit très originale, elle manque cependant de soutien parmi les Sages. De plus, cette explication dépeint Joseph comme un personnage indésirable, (en le comparant à Ismaël ou Loth), doutant fortement de l'amour que lui porte Jacob.

Comme nous l'avons noté précédemment, les Sages nous enseignent qu'un des thèmes majeurs du Livre de la Genèse est "maâssé Kol Nidré simane labanim", qu'on peut littéralement traduire par "les actions des pères sont un signe pour leurs descendants", ou plus succinctement, "l'Histoire se répète". Les événements dans la Torah créent des réalités spirituelles qui se répèteront à d'autres moments de l'histoire Juive. Ainsi, il doit y avoir dans ce qui se passe ici, une signification bien plus profonde que les 'simples' déboires de Joseph.


Rabbi Shimshon de Sens, l'une des autorités de l'époque des Tosfot, suggère :


" Si Joseph avait envoyé un message pour raconter tout ce qui s'était passé, ses frères se seraient dispersés dans toutes les directions, à cause de la honte qu'ils auraient éprouvée. Joseph a donc travaillé lentement pour les ramener et pour éviter de leur faire honte. Son intention était bonne." [Tosfot Hashalem]

Selon Rabbi Shimshon, les rêves de Joseph alors qu'il était jeune, n'avaient rien à voir avec son plan d'action. Son problème était plutôt : "Comment informer mon père que j'étais en Egypte durant tout ce temps là, et ce, du fait de mes frères qui m'avaient vendu comme esclave?" Cette idée est développée dans les commentaires de Rav Shimshon Raphaël Hirsch :


" ... La raison pour laquelle Joseph n'a pas envoyé de lettre à son père était la suivante : que gagnerait Jacob dans le retour d'un fils si dans le processus il en perdrait dix?... Ainsi, Joseph a employé tout le subterfuge [nécessaire pour informer son père] et à mon avis, c'était certainement digne de la sagesse de Joseph." [Rabbi Shimshon R. Hirsch 42:9]

Selon cette approche, l'attitude de Joseph était complètement altruiste. Retrouver son père aurait très certainement été un événement exceptionnel sur le plan personnel. Mais cela aurait eu des conséquences tragiques. C'est pourquoi Joseph a choisi de rester seul.

D'autres commentateurs pensent que Joseph était motivé par le désir de réhabiliter ses frères. Joseph a orchestré la série des événements qui ont amené Benjamin en Egypte et qui a donné à ses frères l'occasion de défendre le plus jeune membre de la famille. Ainsi, ici aussi, le but poursuivi par Joseph va au-delà de son intérêt personnel, nous donnant par là un aperçu du haut niveau spirituel de son auteur.

Une lecture attentive du texte d'une part et, une étude des sources Midrashiques et Kabbalistiques d'autre part, vont permettre une compréhension plus précise du personnage, et apporteront la lumière sur les qualités morales de Joseph.

Les commentaires de la Torah concernant l'apparence physique de Joseph sont intéressants :


Joseph était de belle prestance et beau à voir. [Genèse 39:6]

Cette précision n'est pas citée quand Joseph est jeune, ni dans un contexte encore plus logique, à savoir la première fois qu'il est présenté dans le texte. Ce verset intervient après que Joseph ait enduré la raillerie de ses frères, la vente et l'esclavage. Toutefois le verset suivant évoque l'attirance de la femme de Potiphar envers Joseph. En fait, selon l'explication simple du verset (le pshate), la beauté de Joseph est mentionnée quand l'aspect physique de Joseph devient important.

Cependant, le verset qui décrit la beauté de Joseph, est le même verset utilisé par Na'hmanide lorsqu'il évoque les occasions où Joseph aurait eu la possibilité, en tant que chef de la maison de Potiphar, d'entrer en contact avec son père :


Il (Potiphar) abandonna tout ce qu'il avait dans la main de Joseph... et Joseph était de belle prestance et beau à voir. [Genèse 39:6]


Sans doute, y a-t-il une signification bien plus profonde à la mention de la beauté de Joseph. Quelle est la source de la beauté de Joseph? La dernière personne que la Torah décrit comme étant belle, n'est nulle autre que Rachel sa mère :

... mais Rachel était belle de visage et de belle apparence. [Genèse 29:17]


Nous pouvons donc conclure que Joseph ressemblait à sa mère. En fait, le Midrash et le zohar font tous les deux, allusion à ce lien.


Rabbi Yits'hak a dit, 'Jetez un bâton dans la terre, et de lui en sortira un autre. Parce qu'il est dit "Et Rachel était belle de visage et de belle apparence", c'est pour cela (que l'on trouve écrit) "Joseph était (de belle prestance et beau à voir)". [Béréshit Rabba 86:6]


Le Midrash dit "qu'une pomme ne tombe pas loin de l'arbre", et la beauté de Joseph venait donc de Rachel. Le zohar va un peu plus loin :


Quand Jacob regardait Joseph, son âme se réconfortait, comme s'il avait vu la mère de Joseph, car la beauté de Joseph était semblable à la beauté de Rachel. [zohar 216b]


Il ne fait aucun doute alors : Joseph a hérité la beauté de sa mère. Cependant, il y a d'autres sources qui indiquent implicitement et explicitement que Joseph ressemblait à son père!


Rabbi Yehouda a dit, "Son visage (de Joseph) ressemblait à celui (de Jacob)." [Midrash Rabba 84:8]


Le zohar, donne apparemment un autre avis, et souligne aussi la ressemblance entre le père et le fils :
Celui qui regardait Joseph voyait l'image de Jacob. [zohar 1:180a]


La ressemblance entre le père et le fils nous donne un éclairage sur les commentaires des Sages à propos de la réaction de Joseph face aux avances séduisantes de la femme de Potiphar :


Elle le saisit par son vêtement en disant... : à cet instant, l'image de son père lui est apparue dans la fenêtre. [Talmud Sotah 36b]

Quand Joseph regarde la fenêtre, il voit son propre reflet, mais il voit en fait l'image de son père, tellement la ressemblance est grande. Cette vision va préserver Joseph de la tentation. Si Joseph ressemblait à son père, que signifie alors que sa beauté était celle de sa mère? Bien sûr, la Torah ne nous parle pas d'un simple trait physique, qui n'est qu'un sillon sur la peau. La beauté de Rachel doit aussi évoquer des caractéristiques spirituelles.

Dans une longue discussion Midrashique à propos de la réponse céleste quant à la destruction du Premier Temple, D.ieu appelle Abraham, Isaac, Jacob, Moshé et Jérémie. Chacun de ces grands personnages avance une raison pour justifier la reconstruction du Temple. D.ieu, cependant, n'est pas convaincu. Alors, nous dit le Midrash, Rachel prend la parole :


À ce moment là, notre mère Rachel bondit devant le Saint Béni soit-Il, et dit : "Maître de l'Univers, il est dévoilé devant Toi, que Ton domestique Jacob m'a aimée d'un grand amour et a travaillé sept ans pour mon père afin de m'épouser. Quand ces sept années se sont achevées, et que le temps était venu pour que je l'épouse, mon père a conspiré pour me remplacer par ma sœur (le soir des noces). C'était très dur pour moi, car connaissant le complot, je l'ai révélé à mon mari, et lui ai donné un signe pour qu'il puisse me distinguer de ma sœur, pour que mon père ne puisse pas me remplacer par ma sœur. Après cela, je me suis 'consolée' et j'ai eu pitié de ma sœur afin qu'elle ne soit pas humiliée. Et le soir, ma sœur a pris ma place, et je lui ai donné tous les signes convenus avec mon mari pour qu'il pense qu'elle était Rachel. Plus que cela : je me suis mise sous le lit sur lequel il dormait avec ma sœur; et quand il lui parlait, elle restait silencieuse et je répondais à toutes les questions pour qu'il ne reconnaisse pas la voix de ma sœur. J'ai été bonne envers elle, je n'étais pas jalouse d'elle et ne l'ai pas humiliée. Et si moi, une créature de chair et de sang, de poussière et de cendres, je n'ai pas jalousé ma rivale et ne l'ai pas exposée à la honte et au mépris, Toi, Roi Eternel et Miséricordieux, pourquoi serais-Tu jaloux du culte idolâtre dans lequel il n'y a aucune réalité, et pourquoi (à cause de cela), as-Tu exilé mes enfants, qui ont été tués par l'épée, laissant à leurs ennemis faire d'eux ce qu'ils ont voulu?!" Immédiatement après, le Saint béni Soit-Il, eut pitié et répondit : "Pour toi Rachel, Je ramènerai Israël à leur place (sur sa Terre)". [Eikha Rabba Intro. Seconde. 24].

La beauté et la grandeur de Rachel résident dans sa capacité à renoncer à ses propres besoins ou désirs pour l'amour de sa sœur. Joseph montre ce même trait de caractère, mais uniquement quand il est plus âgé, en Egypte. A ce moment là, il désire ardemment, et peut facilement, entrer en contact avec son père mais il ne le fait pas. Suite à cette abnégation, sa beauté va briller.

Selon le Midrash, Rachel aura en récompense pour son dévouement, la construction du Deuxième Temple. Quelle était donc la récompense de Joseph pour son dévouement? Nous avons évoqué plus haut l'idée que "l'Histoire se répète", grâce aux forces spirituelles créées par les actes de nos ancêtres. Les Juifs devaient être asservis, et leur asservissement a été mis en mouvement par la vente de Joseph, par la dynamique spirituelle de sinat hinam, "la haine gratuite". Plus tard, cette haine gratuite sera à l'origine de la destruction du Deuxième Temple. Le Deuxième Temple a été construit grâce à l'amour et la bonté de Rachel et, quand ses enfants ont cessé d'agir d'une façon semblable à la sienne, quand la haine a fait partie intégrante de leur vie, le Deuxième Temple s'est effondré.

En approfondissant cette idée un peu plus, nous voyons que, si le potentiel de "haine gratuite" n'avait pas été créé, le Deuxième Temple n'aurait pas été détruit. C'est pourquoi, une fois que le pouvoir de haine gratuite avait été lâché dans le monde par ses frères, Joseph a cherché à créer un antidote spirituel.

Une analyse plus précise de l'origine de la confrontation entre Joseph et ses frères clarifiera ce concept. Dans le rêve, qu'il a raconté à ses frères, Joseph avait vu qu'ils se prosterneraient tous un jour devant lui. Mais les frères pensaient que le leader parmi eux, et à cet égard de la nation toute entière, était Yehouda. Ainsi, la revendication de Joseph constituait une offense gravissime, une trahison. Les frères ont mal interprété les rêves de Joseph : pour eux, il s'agissait d'un rejet du leadership de Yehouda. Mais Joseph, lui, pensait que les frères devaient se réunir autour de lui, un fils de Rachel, tout autant qu'autour de Yehouda, un fils de Léa - pour que la puissance d'unité puisse être créée et servir de précédent spirituel.

Quand les frères viennent en Egypte pour s'approvisionner, Joseph les met à l'épreuve. La Torah décrit la scène :


Joseph vit ses frères et les reconnut, mais il se rendit étranger vis-à-vis d'eux. Il leur parla durement. Il leur dit : d'où venez-vous? Ils dirent : Du pays de Canaan, pour acheter de la nourriture. Joseph reconnut ses frères mais eux ne le reconnurent pas. [Genèse 42:7-8]

Le texte est mystérieux : pourquoi la Torah a-t-elle eu besoin de nous dire deux fois que Joseph a reconnu ses frères? Nous nous rappelons la métamorphose de Yehouda qui a eu lieu dans le Chapitre 38 du Livre de La Genèse [voir Parashat Vayeshev] quand 'Yehouda a reconnu...'. Maintenant, de nouveau, la Torah emploie les mêmes termes pour nous enseigner que Joseph agit avec une intention pure, c'est-à-dire "pour l'amour de D.ieu".

En effet, Joseph continue d'interroger ses frères, les accusant d'être des espions. Dans leur démenti, ils répondent :

Ils dirent : Nous, tes serviteurs, sommes douze frères, les fils d'un seul homme, du pays de Canaan et voici, le plus jeune est avec notre père aujourd'hui et l'un n'est pas (là). Joseph leur dit : C'est ce que je vous ai dit, en disant : vous êtes des espions. [Genèse 42:13-14]

Le dialogue est tout à fait obscur. Pourquoi Joseph les accuse-t-il d'être des espions? Qu'essaye-t-il d'obtenir d'eux? Qu'espère-t-il avoir comme réponse? La réponse est remarquablement simple : Il veut qu'ils reconnaissent "l'espionnage", c'est-à-dire qu'ils sont à la recherche de leur frère disparu. Il veut que ses frères rectifient leur perfidie. Leur repentir sera total s'ils recherchent, "s'ils reconnaissent" Joseph et se réunissent autour de lui. Non pas le remplaçant de Yehouda, mais tout simplement leur frère, le fils de Rachel.

Malheureusement, les frères ratent cette occasion, et Joseph leur donne une deuxième chance (bien que moindre), pour corriger leur acte. Si les frères peuvent se rallier autour de Benjamin, le deuxième fils de Rachel, ils peuvent être pardonnés.

C'est précisément ce qui se passe. Par conséquent, Benjamin devient la force d'unification au sein d'Israël. Le Temple sera construit sur son territoire. Mais cette unité est incomplète, elle s'est faite autour de Benjamin, et non de Joseph. Par conséquent, les Juifs seront plus tard de nouveau désunis et le Temple tombera, détruit par la haine gratuite.

Les lois du repentir précisent qu'une "complète absolution" se réalise lorsque la même occasion de fauter se présente, et que la personne s'en abstient :


Comment prouve-t-on que quelqu'un est un pécheur repentant?... Rabbi Yehouda a indiqué : "avec la même femme, au même moment, au même endroit." [Yoma 86b, codifié par Rambam "les Lois de Teshouva" 2:1]


Cela n'a pas eu lieu. Les frères n'ont pas pris le risque de se présenter au Prince d'Egypte comme des espions, cherchant leur frère (qu'ils avaient vendu des années auparavant) et voulant le retrouver à tout prix pour corriger leur faute. Mais ils ont montré qu'ils n'étaient pas capables de (re)faire le même acte en refusant de vendre Benjamin. Le repentir était là, mais incomplet et donc insuffisant pour annuler complètement leur pêché. Seul le repentir impliquant Joseph lui-même aurait pu fournir l'antidote complet contre le pouvoir de sinat hinam, la haine gratuite, que les frères avaient créée. Manifestement, le commentaire de Ramban qui stipulait que Joseph attendait la réalisation de ses rêves avant de contacter son père, faisait en fait référence à cet antidote qui devait servir d'antécédent spirituel pour le peuple Juif : avant de retrouver Jacob, il fallait que le repentir des frères ait eu lieu. Il fallait qu'ils se prosternent et demandent pardon. Ce n'était pas là le désir mégalomane d'un despote égyptien qui voulait que ses rêves d'enfance se réalisent mais plutôt le stratagème d'un homme généreux, soucieux de réhabiliter ses frères.

Nous pouvons maintenant comprendre le commentaire de Rashi quand Joseph et Benjamin s'enlacent, Joseph pleurant sur l'épaule de son plus jeune frère :

" et (Joseph) pleura sur les cous de Benjamin" ... pour les deux sanctuaires qui étaient destinés à être (érigés) dans la portion de Benjamin et qui seront plus tard détruits. [Rashi, Genèse 45:14]

Joseph a compris qu'un jour le peuple Juif devra se rallier autour de Joseph, non comme un remplaçant de Yehouda, mais comme une préparation pour le Royaume de Yehouda.

Il y aura deux Messies : le Messie descendant de Joseph, qui préparera la voie au Messie descendant de David, lui-même un descendant de Yehouda. Selon la tradition, le Messie fils de Joseph unira tout Israël pour préparer l'arrivée du Messie fils de David; mais le Messie fils de Joseph mourra dans le processus [Soucca 52a] dans un acte de sacrifice de soi pour son peuple. Tout comme son ancêtre Rachel, dont l'abnégation a permis la construction du Second Temple, le Messie fils de Joseph se sacrifiera et permettra la construction du Troisième Temple. Le modèle spirituel est Joseph, qui a choisi de ne pas contacter son père, alors que ces retrouvailles lui auraient procuré une vie "plus agréable".

Joseph le rêveur, le visionnaire, l'interprète des rêves, a vu ce que ses frères ne pouvaient pas voir. Il a consacré sa vie aux autres; il était le grand "donneur". Il s'est imposé une vie solitaire, pour que d'autres aient la chance d'être pardonnés. Il était vraiment beau, à l'image de sa mère.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Ari KAHN
Le rabbin Ari Kahn, un disciple de Rav Yossef Dov Soloveitchik, est diplômé de la Yeshiva University. Il se consacre actuellement à l’enseignement à Aish HaTora ainsi qu’à l’Université Bar Ilan, où il est Directeur des programmes pour étudiants étrangers. Il donne fréquemment des conférences aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud pour le compte de cette université et d’Aish HaTora.
  Liens vers les articles du même auteur (38 articles)


Emettre un commentaire
 Nom
 Prénom
 Email *
 Masquer mon email ?
Oui  Non
 Sujet
 Description (700 caractères max) *
 * Champs obligatoires
...
.

Outils

MODIFIER LA TAILLE DU TEXTE
.
...
...
.

Et aussi...

.
...