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Les Rendez-vous de l'Année Juive / Tou Bichevat back  Retour
La Nature a-t-elle une Âme ?Tou Bichevath, c’est le nouvel an des arbres, la fête qui inaugure les prémisses du bourgeonnement et la montée de la sève …


Mais qu’en est-il de Tou Bichevath lors d’une année bissextile, quand sa date est avancée d’un mois ? Question apparemment technique, mais dont les implications sont, en vérité, lourdes de sens en ce qui concerne les rapports que l’Homme entretient avec la Nature.

Le Talmud dans le traité Roche Hachana (15a) se pose la question suivante : lors de l’ année bissextile, Tou Bichevath doit-il tomber le 15 du mois de Chevath comme toutes les autres années ou bien le 15 du premier mois d’ Adar, date a priori mieux appropriée car elle coïncide avec la réalité biologique sur laquelle repose la fête ? La réponse du Talmud est la suivante : on ne doit rien changer à l’habitude des autres années. Même si Tou Bichevath est fêté avec un mois d’avance, c’est la date habituelle qui doit prévaloir.


Le ‘Hatam Sofer s’en étonne : S’il tombe avec un mois d’avance du fait de l’année bissextile, comment dès lors Tou Bichevath pourra-t-il marquer la période de la montée de la sève et du bourgeonnement ? A cette date, nous sommes encore en plein hiver, et il ne se passe encore rien dans la nature ! ( voir Responsa sur le Orakh ‘Haïm, chapitre 14.)


En vérité, répond le ‘Hatam Sofer, le Tout Puissant a donné aux Sages de la Thora le pouvoir de fixer les dates et de régler le cycle des années. Dans ce domaine, la force du Tribunal terrestre dépasse celle du Tribunal céleste. Ce que les Sages décident de par l’autorité de la Thora, la Nature s’y soumettra. Ainsi, la date précoce à laquelle va être fêtée Tou Bichevath, verra la sève monter dans les arbres même en plein mois de janvier… Réponse pour le moins surprenante mais que corrobore Rachi dans son commentaire sur le traité Sanhédrin (18b) : le froid et le chaud, écrit-il, suivent le cycle des années, sauf pendant l’année bissextile où les cycles changent et se plient aux dates fixées par les Sages.


Pour nous aider à mieux comprendre un tel phénomène, reportons-nous à une histoire rapportée dans le Talmud, au traité ‘Houlin(7a) et qui raconte que Rabbi Pin’has ben Yaïr voyageait pour aller payer la rançon de prisonniers en captivité. A un moment donné, il arriva sur les berges du fleuve Guinaï. Les eaux de ce fleuve étaient si profondes et tumultueuses que Rabbi Pin’has s’écria : « Guinaï ! Sépare tes eaux pour que je puisse passer ! » Ce à quoi le fleuve répondit : « Tu veux traverser pour accomplir la volonté de ton Maître ? Mais je coule, moi aussi, pour accomplir la volonté de mon Maître ! Ta mission peut être couronnée de succès, mais elle peut tout aussi bien échouer. La mienne réussira immanquablement car tous les fleuves, par nature, se jettent à la mer ! » A ce moment-là, Rabbi Pin’has ben Yaïr déclara : « Guinaï ! si tu ne me laisses pas passer, je décrèterai que tes eaux cessent de couler à jamais ! » Aussitôt les eaux du fleuve se sont scindées en deux et Rabbi Pin’has put traverser à sec.


Le Or Ha’haïm dans son commentaire sur le livre de l’Exode ( Chap.14, verset 27.) explique que Rabbi Pin’has ben Yaïr s’était adressé au fleuve fort de ses connaissances en Thora, de cette Thora qu’il possédait et qui lui donnait la force d’agir sur les lois de la Nature.


Pour des esprits rationalistes, ces assertions peuvent paraître irrecevables! Nos Sages seraient-ils des devins ou des sorciers ? La Thora leur servirait-elle de baguette magique ?


Si nous faisons l’effort de dépasser la surface narrative pour aller vers le sens, une idée fondamentale se fait jour : ce que nous disent cette histoire et la décision des Sages concernant Tou Bichevath, c’est que la Nature n’est pas une fin en soi ! Seule la personne humaine capable d’obéir à des règles de droit et d’énoncer des jugements de valeur peut l’être. Seul l’Homme, unique dépositaire d’une conscience morale et d’une liberté est un sujet à part entière. Qu’on le veuille ou non, la nature , les plantes, les animaux ne sauraient être des fins en soi. Ils sont et demeurent des objets et non des sujets de droit.


L’écologie quand elle se radicalise aurait tendance à faire de l’univers matériel l’ultime finalité de l’Ethique. Or, l’élaboration d’une éthique humaniste à l’égard de ce qui n’est pas humain est un non sens. Peut-être est-ce là un des travers de notre époque : chercher à appliquer la Morale à des réalités non-humaines. Ne nous y trompons pas : ce fin du fin de l ‘Ethique pourrait un jour nous mener à appliquer les valeurs de l’humanisme à des réalités in-humaines… Peut-être en sommes-nous déjà là lorsqu’insidieusement certains cherchent à trouver les raisons humanitaires du terrorisme… Peut-être est-ce également le vide éthique de l’écologie qui pousse précisément les écologistes à s’occuper de causes (parfois douteuses…) très éloignées de leurs « zones de compétence ».


L’histoire de Rabbi Pin’has ben Yaïr nous dit en substance qu’en face des forces de la Nature, l’origine et la finalité de toute morale reste en dernière analyse l’Homme et que c’est cette morale qui prévaut sur les lois de la nature. En effet, si Rabbi Pin’has s’obstine à traverser le fleuve c’est pour délivrer des prisonniers. Payer la rançon d’hommes pris en otage constitue la Mitzvah ( le commandement) par excellence du souci de l’Autre, celle pour qui la Loi nous permet de « sacrifier » l’argent préalablement destiné à la construction d’une synagogue. D’une certaine façon, le Sacré lui-même se met momentanément en retrait devant la vie d’un homme en danger et qui souffre. Les fleuves doivent interrompre leurs cours devant la volonté d’un homme qui n’a pour seul souci que le bien de son prochain.


Mais cet homme qui se confronte à la Nature n’est pas l’homme à l’état de nature, c’est l’homme sage imprégné de l’étude de la Thora et, de ce fait, capable de maîtriser d’abord sa propre nature. Seule l’étude peut lui conférer une telle force et une telle audace. Elle lui permet de transcender l’apparence tragique des éléments naturels. (Pour lui, les fleuves ne vont pas toujours, pas forcément, à la mer.) Elle permet également aux Sages de fixer Tou Bichevath avec un mois d’avance lorsque la Thora l’exige.


La nature prise comme un tout n’est pas bonne absolument. S’il faut toujours la protéger, c’est en gardant à l’esprit qu’elle est capable du meilleur comme du pire. La Thora nous empêche de l’admirer aveuglément ou de la sacraliser.


La Michna dans les Maximes des Pères (Pikeï Avoth, Chap.III, 7) enseigne au nom de Rabbi Jacob : « Celui qui va son chemin en répétant son étude et qui s’interrompt pour dire : le bel arbre que voici ! L’Ecriture le lui compte comme s’il avait fauté en son âme. » Cette Michna nous rappelle la préséance de l’étude sur les beautés de la nature. La Nature ne saurait s’immiscer entre l’Homme et son Créateur, entre l’Homme et son prochain. Toute tentation panthéiste nous est refusée car elle finirait par occulter, sous les oripeaux de la Beauté naturelle du monde, les vrais enjeux de notre passage ici bas.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le rabbin Elie EBIDIA
Elie EBIDIA est titulaire d'un CAPES de Lettres et d'un Doctorat en Cinématographie. Il enseigne la Philosophie dans les lycées et au Séminaire Rabbinique de France et donne de nombreuses conférences sur la Pensée Juive. Il est l'auteur, aux Editions Tashma, d'un suspense talmudique, "Mission secrète au Palais des Ombres".
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COMMENTAIRE(S) DE VISITEUR(S)  4
article sur la nature - 16 Février 2003 - par cohen daniel <daniel@cohen.fr>
Article très interessant,vision originale des choses.BRAVO!
LA NATURE A T ELLE UNE AME - 16 Janvier 2003 - par SUISSA DAVID <LESVINS.IDS@WANADOO.FR>
SUPERBE ARTICLE A LIRE PAR TOUS
LA NATURE A T ELLE UNE AME - 16 Janvier 2003 - par SEBBAN ALBERT <AS.IDS@WANADOO.FR>
J AI BEAUCOUP AIME CET ARTICLE BRAVO

Tou Bichevat - 16 Janvier 2003 - par Bertrand Elisabeth
J'ai un grand respect devant D. et la Thora. Toute Chrétienne que je sois, votre message m'interpelle tellement, que je me demande souvent si au plus profond de moi-même, je ne suis pas juive. Pourtant la lecture de cet article me pose quand même des problèmes , il faut complètement faire abstraction de toute la logique .
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