Les fondations charitables,    les organisations sociales, les institutions à but non lucratif et les confréries    philanthropiques recueillent, distribuent et investissent, dans tous les systèmes    économiques, des sommes considérables.
C'est probablement encore    davantage le cas dans le monde juif, où de telles organisations contribuent    au bien-être, à l'éducation et à la satisfaction des exigences religieuses dans    chaque communauté.
La nature idéaliste de    ce genre d'activités et leurs manifestations morales ne signifient cependant    pas qu'il n'y ait jamais de sujets de préoccupations éthiques tant dans la collecte    des fonds que dans leur répartition.
 
VERSEMENT    DE COMMISSIONS
Ces sujets de préoccupations    sont parfois en rapport avec les vastes sommes d'argent manipulées qui peuvent    inciter aux mêmes fraudes, coercitions ou corruptions que celles que l'on rencontre    dans les transactions commerciales normales.
Il arrive que ces sujets    de préoccupations soient liés à un manque de transparence et à des carences    des organismes publics de surveillance, parfois plus inquiétants que dans les    sociétés commerciales.
Dans ces dernières, les    actionnaires et les agents régulateurs statutaires exercent un contrôle plus    efficace que celui qui peut s'opérer sur les administrateurs bénévoles, agissant    souvent en circuit fermé, qui gèrent les organisations charitables. Il arrive    d'ailleurs que la déférence portée à la cause brouille les inquiétudes éthiques    des services officiels et des donateurs.
Il va de soi que la fraude,    le vol et la malhonnêteté sont interdits. Cependant, tout comme dans le monde    des affaires, les enjeux ne sont pas toujours parfaitement clairs. C'est ainsi    qu'on nous a soumis récemment le problème suivant : " J'aimerais avoir votre    avis, du point de vue éthique, sur le versement de commissions ou d'honoraires    à des administrateurs ou membres de conseils d'administration d'organisations    communautaires juives, fondations, synagogues, etc. à l'occasion de la vente    ou de l'achat de valeurs mobilières, de transactions immobilières, d'investissements    ou de conseils sur l'emploi de fonds détenus par ces organisations, à l'administration    desquelles participent ces personnes".
 
TABLE RONDE
 
Les activités de charité de la communauté sont soumises à la même éthique que toute activité commerciale
 Rabbin Pin'has Rosenstein     :
" Il me paraît tout à fait inacceptable qu'un administrateur ou membre de conseil          d'administration, responsable de la gestion du patrimoine de la collectivité,          puisse tirer bénéfice, directement ou indirectement, de la position de          confiance qu'il occupe au sein de cette collectivité. Une telle personne          a besoin de ne prendre ses décisions que dans l'intérêt de celle-ci, et          toute implication personnelle ne peut que créer des conflits d'intérêts          et obscurcir le jugement.
Rabbin Chemouel Strauss    :
" Il y a encore trois          cents ans, les besoins de la collectivité et les activités charitables          étaient assurés essentiellement par des taxations, et les distributions          avaient lieu selon une procédure fixée par ces collectivités. S'il n'est          plus possible, aujourd'hui, de reconstituer la qehila (" communauté          juive ") dans son statut de mini-Etat de jadis, du moins pourrait-on en          suivre le modèle et faire en sorte que toutes les activités charitables,          éducatives et collectives juives soient placées sous la surveillance de          personnalités indépendantes, comparables au adam 'hachouv,          à l'arbitre des entraves créées par la compétition. "
 
Nos Sages étaient très sensibles à ces enjeux d'ordre éthique
Dr. Méir Tamari     :
" Il convient de          relever que cette question s'applique également aux tentations de népotisme          dans les emplois et à la confusion du patrimoine collectif avec le patrimoine          individuel des administrateurs. L'écueil se présente constamment dans          les organisations dirigées par des familles, exposées au risque de fraude          et de corruption.
Certaines de nos sources          nous démontrent que nos Sages étaient très sensibles à ces enjeux d'ordre          éthique et à la nécessité d'éviter même les apparences d'irrégularités.
Le Midrach nous parle          de ce besoin permanent de fiabilité chez les fonctionnaires publics ,          tel qu'il est codifié dans le Choul'han 'Aroukh, avec comme source,          la comptabilité minutieuse établie par Moïse de toutes les richesses          recueillies pour la construction du tabernacle, et son partage des responsabilités          avec Betsalel et Eleazar.
Le verset : " Les          fils de Eli profanaient les sacrifices et incitaient les femmes à pécher          [adultère] " (I Samuel 2, 22) est compris par nos Sages comme exprimant          une corruption du secteur public. Ils prenaient illégalement la meilleure          viande ou changeaient le rituel sacrificiel afin de bénéficier de plus          grandes quantités que celles auxquelles ils avaient droit. Ils négligeaient          les offrandes de colombes faites par les femmes, car leurs parts dans          ces sacrifices étaient de moindre importance que dans les autres. Ils          retardaient ainsi le retour des femmes vers leurs époux, ce qui constituait          une forme d'immoralité sexuelle. " (Chabbath 55b)
" On ne doit pas          faire un étalage public de ses activités charitables [et acquérir ainsi          du prestige aux dépens des pauvres]. Si l'on s'en donne en spectacle [par          des actes de charité], non seulement on ne s'en acquiert pas le mérite,          mais on s'expose à être puni. " (Choul'han 'Aroukh, Yoré Dé'a section          249/13, glose du Rama).
Traduction et adaptation de Jacques KOHN