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Paracha / Étincelles back  Retour

Vayéra (Il se révéla)

Genèse 18,1 à 22,24
Dieu  apparaît à Abraham. Ce dernier aperçoit trois nomades (qui s’avèrent être des anges) à qui il offre l’hospitalité. Dieu lui annonce la destruction prochaine des villes perverses de Sodome et de Gomorrhe. Abraham prend la défense de ces dernières mais rien n’y fait.
Sarah donne naissance à Isaac. Ce dernier ayant grandi, Abraham reçoit l’ordre de l’offrir en holocauste. Mais il ne s’agit que d’une épreuve pour mesurer la foi et la soumission d’Abraham.
Le juste décrète et Dieu accomplit.
Talmud de Babylone
 

Prier debout

Le Rabbin Léon Askénazi (rabbin et intellectuel français, surnommé « Manitou », 1922-1996) aimait à rappeler que si les Musulmans prient en se prosternant complètement face contre sol (en signe de soumission totale à Dieu) et si les Chrétiens s’agenouillent, le Juif, quant à lui, prie debout (d’où le nom de amida, « être debout », donné à la principale prière juive). Prier debout, c’est refuser d’être écrasé par l’omniprésence de Dieu, c’est s’affirmer comme sujet.

Le Judaïsme proclame la toute-puissance divine, mais en même temps, il accorde à l’Homme une place de « partenaire de Dieu », ayant un rôle actif dans le projet divin et se tenant « face à Dieu ».

Plusieurs grandes figures illustrent à merveille cette attitude : Abraham, Moïse ou  ’Hanna (voir Exode 32,32 et traité Bérakhot p.31b et 32a) pour les figures bibliques, ‘Honi (Michna Taanit, 3,8) ou Rabbi ‘Hanina ben Dossa (traité Taanit, p.24b) pour les sages de la Michna ou encore un maître hassidique tel que Rabbi Lévi-Its’hak de Berditchev.

Ces grandes figures transforment la prière du croyant soumis en un réquisitoire fougueux et exigeant.
 

La négociation d’Abraham

L’exemple d’Abraham, décrit dans notre paracha, est édifiant : les habitants de Sodome et Gomorrhe sont pervertis au plus haut point. Dieu décide de les détruire. Mais au préalable, Il tient à avertir Abraham, comme s’il n’était pas possible d’agir sans associer le patriarche aux grandes décisions : « L’Eternel dit : tairai-Je à Abraham ce que Je veux faire ? » (Genèse, 18,17). Une fois le patriarche informé des desseins divins, il entreprend une longue plaidoirie en faveur des Sodomites. Il s’agit d’une véritable négociation !
Le Créateur entre dans la discussion et ne reproche à aucun moment son audace au patriarche.
Ce qu’il faut surtout souligner, c’est que le Créateur entre dans la discussion et ne reproche à aucun moment son audace au patriarche. La négociation est introduite par l’expression « Abraham se tint debout (omed) devant Dieu » (verset 22), attitude dont nous avons rappelé plus haut l’importance.

« Abraham s’avança et dit : Anéantirais-Tu, d’un même coup, l’innocent avec le coupable ? Peut-être y-a-t-il cinquante justes dans cette ville : les feras-Tu périr aussi, et ne pardonneras-Tu pas à la contrée en faveur des cinquante justes qui s’y trouvent ? Ce serait de Ta part un sacrilège que d’agir ainsi, de frapper l’innocent avec le coupable, les traitant tous deux de la même façon ! Sacrilège ! Celui qui juge toute la Terre serait-il un juge inique ?
Le Seigneur répondit : Si Je trouve à Sodome, au sein de la ville, cinquante justes, Je pardonnerai à toute la contrée à cause d’eux.
Abraham reprit en disant : De grâce ! J’ai entrepris de parler à mon souverain, moi, poussière et cendre ! Peut-être, à ces cinquante justes en manquera-t-il cinq. Détruirais-Tu, pour cinq, une ville entière ? Il répondit : Je ne sévirai point si J’en trouve quarante-cinq.
Il insista encore en disant : Peut-être s’y en trouvera-t-il quarante ? Il répondit : Je m’abstiendrai à cause de ces  quarante » (Genèse, 18,23-29).

Et cette incroyable négociation se poursuit : trente, vingt, puis dix. C’est Abraham –et non Dieu- qui met fin à la discussion en n’osant pas descendre en dessous de dix.

Le Zohar (ouvrage central de la mystique juive) dit d’ailleurs qu’Abraham a été bien mal inspiré, car il aurait dû poursuivre plus loin la négociation et sauver Sodome et Gomorrhe !

Abraham, d’ordinaire si modeste, sort donc de sa réserve pour le bien de ses contemporains et ose courageusement parlementer avec le maître du monde.
 

Noé et Abraham

C’est son courage qui justifie d’ailleurs, d’après la tradition rabbinique, le choix d’Abraham plutôt que de Noé (son aïeul) comme fondateur du peuple d’Israël. Ce dernier, malgré ses qualités (« Noé était un homme juste et intègre en sa génération », Genèse 6,9), n’a pas pris la défense de ses contemporains (qui ont été détruits par le déluge) tandis qu’Abraham plaide ardemment la cause des habitants de Sodome et Gomorrhe auprès de Dieu.

C’est pourquoi Noé est vivement critiqué par les commentateurs pour n’avoir pas eu l’audace de s’opposer (par sa prière) à la décision divine de détruire le Monde. Car pour la tradition juive, le rôle des grands hommes (les « justes » ou tsadikim) est justement de plaider la cause de leurs contemporains. Les textes prophétiques appellent d’ailleurs le déluge « les eaux de Noé » (voir Isaïe, 54,9), pour bien insister sur sa responsabilité dans cette affaire (car « qui ne dit mot consent »).

Le verset qui présente Noé dit de lui qu’il était un juste « en sa génération ». Certains sages voient dans cette expression surprenante (car tout homme vit « en sa génération ») une discrète critique : «Il était juste uniquement en sa génération mais il ne l’aurait pas été dans celle d’Abraham » (traité Sanhédrin, p.109a) car, comparé à ce dernier, Noé est bien peu méritant, n’ayant pas eu le courage de prendre la défense de ses contemporains et de prier pour leur salut.

Le texte dit de Noé qu’il était « juste et intègre ». Il semble s’agir de deux qualités distinctes (d’après Ibn Ezra notamment). Mais pour Na’hmanide (Rabbi Moché ben Na’hman, 1194-1270, surnommé Ramban), cette expression doit être ainsi comprise « il était intégralement juste » : expression péjorative signifiant « juste à l’extrême » (intégriste ?) en opposition au principe biblique suivant (Ecclésiaste 7,16) : « Ne sois pas excessivement juste». Etre juste au point d’être si « élevé » qu’on en oublie les siens, c’est une forme de perfection excessive dont la tradition juive se méfie. Il faut être « juste » parmi les hommes. C’est pourquoi, quand Abraham parle des hommes justes, il emploie l’expression de « justes au sein de la Cité » (tsadik bétokh haïr, Genèse 18, 24 et 26), c'est-à-dire toujours soucieux de leurs contemporains...
*
La plaidoirie d’Abraham en faveur des habitants de Sodome nous rappelle que, pour le Judaïsme, L’Homme est associé aux décisions divines –car Dieu fait de la place à ses créatures- et qu’il se « tient debout » face au maître du monde. De plus, cet épisode nous montre que le devoir du  tsadik (« juste ») est de prendre la défense de ses contemporains.
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
Le Rav Amitaï ALLALI
Commissaire Général des Eclaireuses Eclaireurs Israélites de France (EEIF), avant de devenir conseiller pédagogique pour l’enseignement juif à l’école George Leven. Il a enseigné à l'Institut Universitaire Rachi de Troyes et a dirigé la Section Normale des Etudes Juives de l'A.I.U. (Alliance Israélite Universelle). Il a occupé des postes rabbiniques dans les communautés de Bordeaux et de Vincennes et est aujourd’hui conférencier à l’association LEV. Il est l’auteur de « La Tsédaka : Lois et commentaires sur les dons aux pauvres de Maïmonide » paru aux éditions Lichma en 2006, « Les trompettes d'argent » (Octobre 2008), "Leçons de diét-éthique" (2ème trimestre 2009), et "Les prophètes, les enfants et les fous" (1er trimestre 2010).
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